» Si je peux me regarder dans une glace, LE MONDE DU FOOT ME CONVIENT «
L’ancien gardien a mis un terme à sa carrière pour embrasser un job de dirigeant dans l’un de ses clubs de coeur.
Les stigmates de la tempête sont encore présents. Une des tribunes du stade de Malines n’a plus de toit. Quant à l’autre, des grues s’affairent pour la consolider. C’est là que Sport/Foot Magazine a rencontré Olivier Renard. Le nouvel assistant directeur sportif partage un petit bureau » en attendant le nouveau stade « .
Alors que tu as quitté Malines il y a six mois, tu y reviens dans la peau d’un assistant directeur sportif. Le club n’aurait-il pas pu te proposer ce poste il y a six mois ?
Vu comme cela, ça aurait pu être une solution. Mais à l’époque, je n’avais pas encore décidé d’arrêter ma carrière. Malines s’est rendu compte que je pouvais les aider à beaucoup de niveaux et comme je comptais quand même stopper en fin de saison, arrêter six mois plus tôt n’a pas constitué un gros problème.
Surtout que tu ne jouais pas…
Non mais j’étais arrivé à Charleroi en toute connaissance de cause. Je savais que je serais gardien numéro deux. J’étais content de retourner à Charleroi pour arrêter ma carrière dans le stade où tout avait commencé. Il y avait un côté symbolique.
Pourquoi Malines a-t-il pensé à toi ?
Car Fi Van Hoof a 72 ans. Ici, tout le monde connaît mes idées, mon caractère dans le vestiaire. A Malines, j’étais joueur mais pas seulement. J’étais fortement impliqué dans les décisions quotidiennes. Je gérais déjà beaucoup de choses avec les joueurs. Je n’ai jamais eu de problèmes avec un équipier, j’étais apprécié dans le groupe car je mettais l’ambiance et que je réglais les problèmes. Les dirigeants savent donc que je connais le groupe de l’intérieur, toutes les personnes qui travaillent au club et beaucoup de supporters. J’ai aussi un bon réseau à l’étranger et à la télévision.
Cela t’a surpris qu’ils pensent à toi ?
Non. Je ne vais pas dire que je m’attendais à pareille proposition mais à partir du moment où j’avais dit que j’arrêtais à 35 ans, et que eux cherchaient quelqu’un pour aider et, dans un moyen terme, remplacer Fi Van Hoof, cela pouvait se faire. Pour moi, travailler aux côtés de quelqu’un d’expérimenté comme Fi Van Hoof pour apprendre, c’est idéal. Ou du moins cela le serait si Malines était un peu mieux classé.
» Beaucoup de joueurs m’ont dit qu’ils me prendraient comme agent si je le devenais »
Tu t’imaginais dans ce rôle quand tu pensais à ton après-carrière ?
Beaucoup de gens me voyaient bien dans cette fonction. A Malines et à Charleroi, les jeunes venaient souvent me demander mon avis sur les propositions de contrat reçues ou des conseils sur mes investissements en dehors du football. Beaucoup de joueurs m’ont même dit que si je devenais agent, ils me prendraient. Mais agent, ce n’est pas trop mon truc.
Cela signifie donc que d’office tu envisageais de rester dans le monde du football ?
Oui. A partir du moment où depuis mes 18 ans, je suis plongé dedans…
Mais certains en sortent dégoûtés…
Le monde du foot est particulier mais moi, à partir du moment où je peux me regarder dans une glace, ce monde me convient.
Dans le football, il y a quatre possibilités : entraîneur, agent, directeur sportif ou consultant. Quelle case te plaisait le plus ?
J’ai toujours dit qu’à 35 ans, j’arrêtais pour aller éventuellement jouer en provinciales avec mon frère et boire quelques bières après avec mes amis…
Tu vas le faire ?
Cette option n’est plus possible. Je préfère me concentrer à fond sur mes nouvelles fonctions. Mais tout cela pour dire que mon idée première était celle-là. Je comptais également commencer les cours d’entraîneur. Finalement, RTL m’a proposé un job de consultant pour la Ligue des Champions. J’ai donc postposé mes cours d’entraîneur. Puis la proposition de Malines a réglé la question.
Les joueurs que tu as côtoyés vont-ils comprendre que tu ne seras pas toujours leur allié ?
Ils ne doivent pas le comprendre. C’est comme cela. Pour le moment, je suis encore entre les deux, joueur et dirigeant. J’ai rigolé avec eux en stage mais le jour où je devrai prendre une décision, je la prendrai ! Je n’ai aucun problème à dire à quelqu’un avec qui je m’entends bien que la saison prochaine on compte revoir son contrat à la baisse ou qu’il vaut mieux qu’il parte pour obtenir plus de temps de jeu autre part. La direction connaît mes qualités et elle sait aussi que les joueurs qui ont besoin de parler avec quelqu’un peuvent venir me voir. Je sais comment les joueurs fonctionnent. Un exemple : avant de partir en stage, Wouter Biebauw, dont la femme devait accoucher fin janvier mais qui pouvait accoucher plus tôt, me téléphone pour me dire que c’est un peu chaud et qu’il se demandait s’il devait partir en stage. Il s’agit de son premier enfant. S’il vient en stage avec nous et que mentalement, il n’y est pas et est préoccupé par autre chose, cela ne mène à rien. Il va mal s’entraîner, risquer une blessure et va en vouloir au club. On lui a donc permis de rester en Belgique à condition qu’il prenne l’avion de suite si un des deux gardiens venait à se blesser. Les joueurs savent donc qu’il y a moyen de traiter avec moi.
Qu’avez-vous appris de votre expérience télévisuelle ?
Je dois analyser un match ou un joueur. Un peu ce que je dois faire pour Malines quand je vais scouter un joueur.
Quel est exactement ton job à Malines ?
Je suis là à toutes les réunions ; je participe à toutes les discussions. Je ne suis pas le pion B de Fi Van Hoof. Il m’implique dans tout. On fait tout ensemble mais on est deux à décider. Même si c’est Fi qui a toujours le dernier mot. Ma dénomination est » assistant directeur sportif » mais le terme importe peu. Cela pourrait être » madame pipi « , ça ne changerait rien pour moi. Je sais ce que je dois faire et ce que je veux faire pour le club. Concrètement, mardi, j’ai fait 800 kilomètres pour scouter un joueur. Un autre jour, je rencontre un agent ou un joueur. Je sais ce que je peux faire comme proposition financière et j’y vais. Je n’ai jamais joué à FIFA ou PES ; je préférais les jeux de manager, diriger un club que jouer. C’est peut-être un détail mais cela démontre peut-être pourquoi je colle à la gestion.
» Malines paie parfois trop cher un joueur moyen »
Tu as des idées très précises pour le club. Quelles sont-elles ?
Pour moi, Malines a un potentiel énorme. C’est le dernier club à avoir gagné la Coupe d’Europe en Belgique. Le nouveau stade devrait nous permettre d’augmenter le budget, d’avoir davantage de supporters et d’attirer de nouveaux joueurs. Je pense que Malines a été un peu naïf en donnant des contrats longue durée à certains joueurs. Aujourd’hui, Malines paie parfois trop cher un joueur moyen. Je l’ai dit à la direction qui partage mon point de vue. En fin de saison, il y a plusieurs joueurs en fin de bail. Plusieurs gros contrats -dont le mien qui doit être le plus important – tombent et on aura donc un certain budget pour redonner un peu de couleur à cette équipe. Je voudrais limiter la quantité et injecter de la qualité. Si quatre joueurs partent, je voudrais les remplacer par un très bon et un autre en back-up. Je voudrais parvenir à un noyau composé de quelques joueurs importants, plusieurs porteurs d’eau et quelques jeunes du club ou des environs. Je veux également impliquer les supporters dans le projet. Il faut retrouver l’ambiance qu’on avait lors de nos trois premières saisons en D1.
Depuis son retour dans l’élite, Malines n’a pas évolué ?
Il ne faut pas trop noircir le tableau. C’est la première fois qu’on joue pour ne pas descendre. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une question de budget. Quand on voit ce que Zulte Waregem, Courtrai ou Lokeren sont capables de faire, je suis persuadé que Malines doit jouer dans la même cour.
Que manque-t-il au Kavé ?
C’est une équipe athlétique, physiquement au point, mais qui manque de créativité. Depuis le départ de Julien Gorius, le seul capable d’apporter cette touche, c’est Sandro Cordaro. Il y a un peu de déséquilibre mais on ne peut pas changer cela en un mercato. Le but est de rechercher la stabilité. Malines ne devrait pas, comme cette saison, regarder vers le bas.
On sait que tu as voulu ramener Xavier Chen…
Il faut oser dans le football. C’est la trêve en Chine et je voulais imiter l’exemple de Thierry Henry à Arsenal ou David Beckham au Milan AC. Il nous aurait aidé six-sept matches et il gardait la forme. Malheureusement, cela ne s’est pas fait.
Fi Van Hoof travaille toujours avec trois, quatre agents. Vas-tu ouvrir le club à d’autres agents ?
Ceux avec lesquels Fi travaille sont les meilleurs en Belgique ! Mais, moi, je m’en fous du nom de l’agent à partir du moment où le joueur nous intéresse et où il est abordable. On doit avoir un système de scouting plus perfectionné et avoir une liste de trois joueurs pour chaque poste. De manière à avoir déjà des recrues potentielles en cas de départ inopiné.
Pour qu’une campagne de transferts soit jugée réussie, quel pourcentage de transferts réussis doit être atteint ?
Je suis trop nouveau dans le milieu pour juger cela. Mais si tu fais quatre transferts, il me semble que trois doivent répondre aux attentes. Plus de 50 % des transferts doivent s’avérer une réussite. Mais tu peux aussi parfois transférer Lionel Messi et pour on ne sait quelle raison il ne marque que deux buts. Tu ne maîtrises pas tous les paramètres.
Pourtant, si on juge les transferts malinois de deux dernières années, on n’atteint pas ces 50 %…
Mais il faut remettre l’église au milieu du village. On éprouve des difficultés cette saison mais Malines est réputé pour savoir trouver de bons joueurs gratuits. Gorius, libre, Mununga et Chen, libres, Vleminckx et Buyens inconnus au bataillon. Il ne faut donc pas noircir le tableau. Cette année, c’est vrai, quelques choix ne se sont pas avérés top.
La saison dernière non plus, à part Pedersen…
Mais lui aussi était un pari. Il est arrivé blessé et il devait se refaire après un passage raté à Groningen. Au bout du compte, il est reparti pour 2 millions d’euros. Enevoldsen avait exactement le même profil mais lui n’a pas encore réussi à prendre son envol. Maintenant, si les dirigeants malinois ont décidé de prendre quelqu’un pour aider Fi Van Hoof, c’est peut-être aussi parce qu’ils sentent qu’au niveau des transferts, c’était plus délicat ces deux dernières saisons.
As-tu eu ton mot à dire pour l’arrivée de Vercauteren ?
Bien sûr comme j’ai été consulté sur le sort de l’entraîneur encore en place. Cela faisait deux jours que j’étais en place et j’ai reçu beaucoup de SMS de gens disant que je ne chipotais pas, que j’étais à peine en place que je mettais déjà l’entraîneur dehors. Evidemment ce n’est pas Renard qui a mis l’entraîneur dehors. Autour de la table, il y avait cinq personnes et j’ai donné mon avis… qui était le même que celui des autres. Le groupe des joueurs n’était absolument pas contre Van Veldhoven mais nous avions l’impression qu’il fallait un électrochoc.
Tu as sondé Johan Walem aussi ?
C’est vrai. J’ai aussi parlé avec José Riga. Il y avait aussi Besnik Hasi.
Etaient-ils intéressés ?
A partir du moment où tu écoutes, c’est que tu peux être intéressé. Après, il faut savoir les convaincre et voir s’ils peuvent se libérer.
Et qu’est-ce qui a fait pencher la balance pour Vercauteren ?
Pour moi, attirer Vercauteren me semblait impossible. Vu la situation sportive du club mais aussi financièrement. A notre grande surprise, il nous a écoutés et j’ai découvert une personne beaucoup plus positive que celle que j’avais côtoyée en équipe nationale. A partir du moment où il était ouvert pour un contrat de six mois, cela s’est fait très vite. Depuis qu’il est là, je peux vous dire que certains vont laver leurs chaussures deux fois pour qu’elles soient propres ou plier leurs vêtements à la place du magasinier. Pourquoi ? Parce que les joueurs de foot, ça peut être bête parfois. Au stage, Vercauteren est arrivé le mardi. J’ai assisté aux entraînements du dimanche, du lundi et du mardi et les joueurs se sont donnés 20 % de plus le mardi.
» Je mets Mazzu dans le même panier que Spaletti et Preud’homme »
Comment as-tu vécu tes six derniers mois comme joueur ?
Super. Je suis content d’être passé là-bas et d’avoir revu des gens que je n’avais plus vu depuis longtemps. Je suis quand même carolo et c’était important pour moi de terminer ma carrière là-bas.
Tu ne rêvais pas d’une meilleure fin de carrière ?
Non. Je suis très fier de ma carrière et je ne voulais pas d’un match d’adieu. Felice Mazzu m’avait dit qu’il me ferait participer au match de Mons si les circonstances étaient bonnes. Je lui avais répondu que cela ne m’intéressait pas. J’ai assez joué comme cela. Au bout du compte, je suis content que tous les clubs par lesquels je suis passé aient voulu me récupérer. Cela prouve que j’y ai laissé une belle trace.
Tu as appris beaucoup à Charleroi ?
Pour mon métier actuel, j’ai appris aussi plein de choses. Charleroi a un budget restreint, avec 4-5 joueurs avec beaucoup de qualités et des inconnus au bataillon à côté de cela. On a beau dire ce qu’on veut sur la famille Bayat mais ils arrivent à gérer un club. Milicevic a été vendu près d’1 million d’euros alors qu’il a 28 ans ! Et je suis sûr qu’ils vont le remplacer par quelqu’un d’inconnu mais d’aussi bon.
Mais n’est-ce pas dangereux pour Charleroi d’avoir perdu trois leaders de vestiaire (toi, Kaya et Milicevic) alors que le Sporting n’est pas encore sauvé ?
Il y a toujours un petit risque mais je préfère être dans la situation de Charleroi que dans celle de Malines ! Cela leur permet de sortir la tête de l’eau au niveau financier et je suis persuadé que dans deux ou trois ans, on retrouvera le Charleroi d’antan. Les supporters doivent y croire et être derrière leur équipe.
Qu’est-ce qui t’a surpris chez Mazzu ?
Tout. C’est un mec pur, sain (et dans le football, ce n’est pas évident d’en trouver). Très bon tactiquement, très bon rapport avec ses joueurs. Et quand un joueur ne joue pas, il sait très bien pourquoi. Dans ma carrière, j’ai connu deux entraîneurs qui avaient le même rapport avec leurs joueurs : Luciano Spaletti et Michel Preud’homme. Et je mets Felice Mazzu dans le même panier. Je suis certain qu’il va devenir un très bon entraîneur en Belgique et je lui ai conseillé d’ailleurs d’apprendre le néerlandais.
PAR STÉPHANE VANDE VELDE- PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS
» Ma dénomination pourrait être madame pipi, ça ne changerait rien pour moi. »
» Je n’ai jamais joué à FIFA, je préférais les jeux de manager. »
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