« Si Fabregas y arrive… »

A 20 ans, Axel répond à tout : timidité, titre de champion, coupe d’Europe et transfert.

C’est à l’encre de ses yeux bleus que l’élégant milieu de terrain du Standard dessine son présent et son avenir. Le gros lot gagné au Casino d’Ostende ne changera ni sa vie ni sa carrière :  » Le football est un sport collectif. Rien n’égalera jamais le bonheur qu’on éprouve lors de la conquête d’un titre. « 

Justement, vous reprenez la pole position de la D1 : le succès à Westerlo vaut son pesant d’or. Mais le manque d’efficacité de votre attaque ne vous a-t-il pas effrayé ?

Axel Witsel : Ce match aurait pu se terminer sur un score fleuve, un 3-10 comme l’a affirmé Marc Wilmots. Mais à force de gaspiller des cartouches, j’ai fini par craindre un contre ravageur de Westerlo. C’est souvent ainsi : l’équipe qui domine largement se retrouve finalement les mains vides. Notre défense n’a rien lâché et le but de la délivrance signé par Igor de Camargo était mille fois mérité. J’ai préparé et vécu ce déplacement comme d’hab. Les félicitations d’avant-match m’ont fait plaisir mais l’essentiel se situait bien sûr ailleurs. Il fallait profiter de l’occasion pour éloigner le Club Bruges, vaincu à Zulte Waregem, et mettre Anderlecht sous pression. Son match à Gand a été remis et je suis persuadé que c’est un désavantage pour les Bruxellois. Maintenant, ils sont obligés de gagner chez Michel Preud’homme. Mentalement, le Standard vient de prendre un petit avantage. Pour nous, être en tête n’est pas un fardeau lourd à porter : notre équipe a pris l’habitude de gérer cette situation. Tous les regards sont déjà tournés vers la 23e journée du championnat et le déplacement à Anderlecht. Je ne crains pas cette affiche. C’est le genre de rencontres qui nous convient parfaitement et un Standard au complet est plus fort qu’Anderlecht.

On entend parfois que le Standard a la meilleure équipe mais qu’Anderlecht tirera profit de vos fatigues européennes pour émerger dans la course au titre : qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas d’accord. Notre effectif n’est pas hyper abondant mais nous pouvons et nous devons être présents sur les deux tableaux. La coupe d’Europe a boosté ce groupe, c’est une évidence et il ne faut pas négliger cet impact. A ce niveau-là, on ne peut que progresser et gérer les fatigues d’autant que ce double agenda ne m’effraye pas du tout. Le programme européen est désormais moins lourd qu’en début de saison. Si Anderlecht a compté à un moment quatre points d’avance sur le Standard, ce n’est pas à cause de l’Europe.

A cause de quoi alors ?

De nous ! On a fait les cons contre les petites équipes.

Le Standard gardera-t-il son titre ?

J’espère, on fera tout pour y arriver. Je veux confirmer. Dante est parti mais si tous les autres restent, le Standard sera champion.

Quel joueur d’Anderlecht recruteriez-vous pour le Standard ?

Mbark Boussoufa : c’est un emmerdeur qui va partout. Au Club Bruges, j’aime bien Ronald Vargas. Il y a de bons joueurs à Anderlecht et à Bruges, mais le Standard possède plus de talents.

 » Si j’ai quelque chose à dire, je le dis « 

Au-delà du talent qui est le joueur le plus important au Standard ?

C’est… Mohammed Sarr. Il y a plus flamboyant que lui, mais Momo abat un travail important dans l’ombre. C’est le maillon indispensable. Il a acquis du vécu en Italie et en Turquie, c’est important.

Le Standard doit assumer son statut mais c’est désormais doublement votre cas. Il y a le poids d’un titre que vous espérez conserver et cet or qui colle désormais à vos souliers. N’est-ce pas énorme pour un jeune joueur de 20 ans ?

Non, je n’ai pas peur. En équipes de jeunes, j’ai toujours été un leader sur un terrain. Les responsabilités ne m’effrayaient pas. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent en équipe première. Les attentes seront plus importantes mais, même si mon football sera plus médiatisé, je n’en fais pas tout un plat. Quand je suis sur le terrain, je ne pense pas à ces pressions. Avec ou sans Soulier d’Or, je dois travailler, confirmer, gagner, être le plus souvent possible au top. Je vis des moments heureux mais je dois rester calme et modeste car l’essentiel est devant moi. L’exemple de Steven Defour m’inspire. Il a gagné le Soulier d’Or et ne s’est pas endormi sur ses lauriers : il joue dix fois mieux que la saison dernière.

Le capitaine du Standard sera ravi en lisant de tels propos : pas mal pour un joueur qu’on dit timide. Est-ce vraiment le cas ?

Je suis réservé et discret mais si j’ai quelque chose à dire, je le dis sans hésiter. Et c’est la vérité : notre capitaine nous apporte beaucoup.

Pourriez-vous porter le brassard un jour ?

Oui, pourquoi pas ? J’ai été capitaine dans les équipes de jeunes du Standard. Je le serai peut-être un jour en première : c’est pour plus tard. Oguchi Onyewu et Sarr peuvent être de bons capitaines aussi.

Est-ce que le regard des gens a changé quand Laszlo Bölöni vous a placé dans l’axe ?

Oui, la donne a totalement changé. Il ne faut pas oublier que Preud’homme m’a lancé. J’avais tout à apprendre et à prouver. Il était logique, vu les forces en présence dans notre effectif, que je dépanne à droite ou à gauche. J’y ai acquis des automatismes et de la confiance. Je pouvais rentrer dans le jeu et même me rapprocher de plus en plus du rectangle adverse. Je n’ai pas perdu mon temps sur les flancs mais, même si je suis polyvalent, je ne pouvais pas y passer non plus toute ma vie. Preud’homme savait bien sûr que j’étais d’abord un joueur d’axe mais il avait déjà Defour et Marouane Fellaini dans cette zone. S’il était resté au Standard, Preud’homme aurait probablement fait les mêmes choix que Bölöni pour moi après le départ de Marouane. Son transfert à Everton m’a tout de suite ouvert de nouvelles perspectives. Bölöni n’a jamais dit qu’il préférait me placer dans l’axe que dans un couloir : je devinais qu’il le pensait. C’est un coach exigeant et dur avec tout le monde, mais cela ne me pose pas de problème. Il a la rage et vit pour la gagne. J’aime bien quand on pousse le joueur à réfléchir et à se dépasser. Preud’homme le faisait aussi bien qu’il était plus papa poule que Bölöni. Celui-ci est plus sévère. Il y a eu des ajustements et si je suis rentré dans le jeu, Milan Jovanovic glisse souvent à gauche. Sans Marouane, les équilibres sont différents. Defour et moi, nous sommes deux numéros 8. Personne ne peut affirmer qui est le médian défensif du Standard. C’est lui ou moi, ou les deux ensemble selon les séquences d’un match. Cela se fait automatiquement entre nous, que ce soit défensivement ou offensivement, tout est une question de feeling. Je devine sans cesse où il est et si je dois mettre le nez à la fenêtre ou me replier.

 » On a du mal face à des équipes repliées « 

Remplacer Fellaini n’est pas donné à tout le monde…

Je ne le remplace pas. Il n’y a pas de comparaison possible car je suis totalement différent. Marouane apportait une présence athlétique monstrueuse. Benjamin Nicaise est plus proche de lui que moi. C’était une tour infranchissable et cela marchait bien avec Steven. Je propose forcément autre chose à notre capitaine J’apporte mes touches techniques. Il me semble que le Standard joue mieux, est plus fort et plus offensif que la saison passée avec moins de longs ballons, plus de variations et de circulation au sol. Malgré cela, le Standard a encore du mal à poser son jeu face aux équipes qui se replient en masse. Il faut apprendre à attendre et préparer des coups. Nous le faisons mieux en coupe d’Europe qu’en championnat. En D1, la donne est différente car nos adversaires nous cèdent souvent tout le poids du jeu et n’ouvrent aucun espace. Or, notre équipe a aussi besoin de se replier dans son camp avant de repartir de loin.

Il y a quelques mois, vous aviez exprimé et maintenu votre désir de partir à l’étranger. C’est toujours le cas ?

Tout à fait. Je précise toutefois que je suis sous contrat au Standard jusqu’en 2013. Je n’ai que 20 ans et cela nous donne du temps pour réfléchir et faire les bons choix avec le boss du club, Lucien D’Onofrio. Je suis bien au Standard, je n’ai pas à me plaindre. Je dois être patient, mon jour viendra.

Vous avez déclaré avoir le niveau suffisant pour jouer à Arsenal : c’était un peu osé, non ?

Je m’étais exprimé par rapport à ce que j’avais vu lors d’Arsenal-Portsmouth. Je n’avais pas été impressionné par ce match-là. Cela ne signifie pas que je me sens déjà aussi fort que Cesc Fabregas. Mais cela ne m’empêche pas d’avoir envie d’arriver très loin. La jeunesse belge est probablement moins complexée qu’avant. Elle est cool : si Fabregas peut y arriver, pourquoi pas nous qui avons deux bras et deux jambes comme lui. Les effectifs sont plus jeunes qu’avant. J’ai appris beaucoup aux côtés de Sergio Conceiçao et de Milan Rapaic mais en peu de temps la moyenne d’âge a baissé chez nous et ailleurs aussi. Notre réussite incitera les autres clubs belges à lancer plus vite leurs jeunes.

Pour atteindre votre maximum, il faudra donc quitter la Belgique ?

Pour le moment, mon avenir passe par le Standard, les défis en D1, l’Europe, le travail que je fais pour améliorer mon démarrage. Il ne faut pas rêver : je ne serai jamais aussi vif que Jovanovic. A 16 ans, j’aurais pu signer au Real Madrid ou à Arsenal. Je suis resté au Standard et ce fut le bon choix. Je suis un fan de football anglais. J’adore les ambiances qui règnent là-bas. Je suis persuadé que c’est un championnat qui me conviendrait.

par pierre bilic photos : reporters

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