» Si Daum était resté, Bruges jouerait le titre « 

Il revient pour la première fois sur son départ du Club, détaille son intégration compliquée à Brême, aborde l’extra-terrestre De Bruyne,…

Joseph Akpala (26 ans), buteur de haut vol. Ça s’est un peu oublié ! Meilleur puncheur de notre D1 avec Charleroi en 2007-2008, au total 69 buts chez nous en 190 matches avec les Zèbres puis Bruges. Une bonne moyenne. En août 2012, il est vendu au Werder Brême pour un bon million. Ses statistiques entre-temps : moins de l’équivalent de quatre matches complets en Bundesliga, deux titularisations, un petit but, un maigre assist. Il a quand même un peu de mal à ne pas faire la grimace !

Tu t’attendais à une première saison aussi compliquée ?

Joseph Akpala : Je ne me faisais pas d’illusions, je savais que ça ne serait pas simple. Je suis arrivé dans les derniers jours du mois d’août, l’équipe était formée, elle avait terminé sa préparation, le championnat commençait. C’était logique que je ne sois pas directement titulaire. Jusqu’ici, je n’ai entamé que deux matches : j’ai marqué lors du premier et je trouve que je n’ai pas été mauvais lors du second. Tout cela me rassure. Mais je dois me contenter de monter au jeu pour quelques minutes de temps en temps. Je vise évidemment mieux que cela mais je considère que je suis toujours dans un processus d’apprentissage. J’observe depuis le banc, j’essaie de dompter la Bundesliga

C’est un championnat plus difficile que ce que tu attendais ?

Non. Il faut d’abord trouver ses marques dans le système, et ça, ça peut prendre un peu de temps. Il faut aussi s’habituer à la vitesse d’exécution. Tout va beaucoup plus vite qu’en Belgique. Et il y a les contacts physiques. C’est un paramètre essentiel du football allemand. Mais je ne dirais pas que c’est spécialement difficile. C’est surtout une question de temps. Tout ce qu’on fait ici, je suis sûr que je peux le faire.

L’adaptation n’est pas plus compliquée pour un attaquant que pour un autre joueur ?

Il faut apprendre à gérer la rareté des occasions ! En Belgique, je devais avoir en moyenne trois ou quatre chances de but par match. Ici, ça peut être une seule, voire aucune. Tu n’as pas intérêt à te rater quand tu reçois un bon ballon. You must be there at the right moment.

 » De Bruyne met le pied à présent  »

Par rapport à la Belgique, la mentalité est aussi fort différente !

(Il éclate de rire).

Tu es toujours optimiste et de bonne humeur, ce n’est pas la première caractéristique de l’Allemand moyen… D’ailleurs, Kevin De Bruyne a eu un peu de mal à s’y faire.

J’ai travaillé pendant quelques mois avec Christoph Daum à Bruges, ça m’a bien servi !

Ce que tu as vu avec lui est confirmé ici ?

Tout à fait. When it’s business, it’s business. Le boulot, c’est le boulot. A l’entraînement, tu n’as jamais l’occasion de te relâcher. A côté de ça, les Allemands savent que ce n’est pas bon de s’encombrer tout le temps la tête. En dehors du terrain, on peut être très cool.

Tu as été surpris quand De Bruyne a dit dans les journaux qu’il ne se sentait pas bien dans cette mentalité un peu trop sérieuse pour lui ?

Chacun a son caractère. Et quand on change d’environnement, ça peut être compliqué. La vie n’est pas la même en Belgique, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Allemagne. Il faut savoir se fondre dans la masse, trouver l’équilibre entre le mode de vie que l’on avait avant et celui dans lequel on atterrit. De Bruyne a souffert de ce changement, c’est clair. Mais il s’est adapté petit à petit, et maintenant, on voit qu’il est heureux.

Quand tu as quitté Bruges, tu as dit que tu te réjouissais déjà de mettre des buts avec Brême sur des assists de De Bruyne. Il marque et donne des passes décisives, on n’attend plus que toi…

Mon prochain objectif est de m’installer dans l’équipe, après je penserai à soigner mon capital buts. Je sais qu’on compte toujours sur moi. J’ai eu une bonne discussion avec l’entraîneur pendant notre stage de janvier, il m’a dit que mon heure viendrait et que je devrais être prêt à ce moment-là. Ici, on n’a pas cinq occasions de but par match et on ne reçoit pas non plus 36 chances de s’imposer dans l’équipe.

Tu vois le même De Bruyne qu’à Genk ou tu le trouves encore plus fort ?

En quelques mois, il a beaucoup progressé dans un domaine : les contacts physiques. En Belgique, il était trop tendre par moments. Cela m’avait marqué lors de Bruges-Genk en play-offs la saison dernière. Nous avions gagné 2-0 en dominant l’adversaire et une des clés du match avait été la prestation moyenne de De Bruyne. C’était Jonathan Blondel qui avait été chargé de le tenir et il l’avait mangé physiquement. Maintenant, je vois un De Bruyne qui met bien plus le pied.

Il n’est ni très grand, ni très costaud : ce n’est pas un avantage dans ce championnat !

Non mais j’ai l’impression qu’il sent mieux les coups que quand il jouait en Belgique. Et il fait un travail défensif auquel il n’était pas nécessairement habitué à Genk. Dès qu’il perd le ballon, il sait qu’il doit presser. Et un De Bruyne qui tacle vers l’arrière, pour moi, c’est nouveau. Il est devenu bien plus agressif. Il sait qu’il n’a pas le choix, que c’est une condition pour rester dans l’équipe. Ici, il y a plein de contacts et on ne te fout jamais la paix ! Donc, il faut toujours être en mouvement pour avoir une chance de s’en sortir.

 » Je sentais que ça coincerait à Bruges cette saison  »

Tu as quitté Bruges au moment où on parlait d’une prolongation de contrat.

Il me restait un an, c’est exact que je pouvais prolonger. J’y ai pensé. Alors que j’avais des offres de West Bromwich, de West Ham, du Celtic. J’étais prêt à rester encore un moment en Belgique, à attendre encore un peu avant de découvrir un autre championnat. Je me plaisais vraiment au Club. Mais nous ne sommes pas tombés d’accord sur certaines clauses.

Par exemple ?

Le montant de la clause de départ, notamment. Bruges demandait trop à mon goût, je risquais d’être bloqué le jour où j’aurais reçu une proposition intéressante. Ça a été un des obstacles pour une prolongation.

Ton meilleur souvenir à Bruges, c’est la saison 2011-2012 quand tu as marqué quinze buts en championnat et sept en Europa League ?

J’ai aimé Bruges du début à la fin ! J’y ai passé quatre années magnifiques. Big fun ! Dès le premier jour, je me suis senti chez moi quand j’ai été accueilli par des monuments comme Stijn Stijnen et Philippe Clement. Au niveau des statistiques, c’est clair que ma dernière saison a été très réussie. J’ai marqué pas mal de buts en n’ayant pas joué tous les matches, loin de là.

Mais tu n’y as rien gagné : pas un titre, pas une Coupe de Belgique…

En quatre ans, j’ai fini trois fois sur le podium, même une fois deuxième, l’année dernière. Cette fois-là, beaucoup de gens au Club ont cru que nous pourrions contrarier Anderlecht mais le groupe n’avait pas la maturité pour y arriver. C’était plus un problème d’expérience que de qualités footballistiques.

Tu penses qu’il y avait autant de talent au Club qu’à Anderlecht ?

Il y avait assez de qualités chez 13 ou 14 joueurs. Mais pour jouer le titre, il en faut 16 ou 17. Quand l’entraîneur devait se servir sur le banc pour remplacer un suspendu, un blessé ou un gars en méforme, ce réserviste n’avait pas nécessairement le même niveau que le titulaire habituel. C’est clairement notre banc qui nous a empêchés d’être champions.

L’été dernier, tu as travaillé pendant quelques semaines avec Georges Leekens. Tu pensais que Bruges allait connaître autant de problèmes cette saison ?

Dès qu’on a annoncé son arrivée, il est venu me trouver et m’a dit qu’il voulait que je reste. Je lui ai dit : -OK si je trouve un accord financier avec la direction pour prolonger mon contrat. Je suis content d’avoir pu travailler un peu avec lui…

Mais réponds à ma question… Tu attendais autant de remous à Bruges ?

Honnêtement… oui… Je sentais que les choses pouvaient mal se passer.

Pourquoi ?

Au moment où je suis parti, tous les feux n’étaient pas au vert dans le groupe ! Il y avait un nouvel entraîneur, des nouveaux joueurs devaient trouver leurs repères, nous avions des indications qui nous disaient que quelques piliers allaient connaître une saison difficile, certains avaient envie de quitter Bruges. Quand Leekens a été limogé, on s’est aussi débarrassé de son adjoint, Rudi Verkempinck. Il n’était pas simplement un T2, c’était aussi le coach mental. Son départ ne pouvait que faire mal.

 » Impossible d’avancer en multipliant les révolutions de palais  »

Le Club n’est-il pas d’abord victime de son instabilité ? Chaque fois qu’un nouvel entraîneur arrive, avec ses propres méthodes, on a l’impression qu’il faut tout reprendre de zéro.

Exactement. Que faut-il pour qu’un club fasse des résultats ? Une certaine continuité. Ce n’est pas en changeant tout, constamment, qu’on peut viser des trophées. Il y a toujours eu énormément de qualités individuelles quand j’étais à Bruges, mais quand tu multiplies les révolutions de palais, tu ne peux pas avancer. En quatre ans, j’ai été confronté à beaucoup de façons de travailler. Or, il faut toujours un certain délai pour comprendre un coach.

Christoph Daum a été le meilleur pour redresser rapidement l’équipe.

Lui, il avait une vraie vision. Dès qu’il est arrivé, il a remis de l’ordre. Je n’avais jamais vu ça au Club. Tout est devenu discipliné, il a créé un esprit d’équipe, les joueurs ont arrêté de parler d’eux-mêmes dans la presse, tout le monde a raisonné collectivement. S’il était resté, Bruges aurait été champion dans les deux ans, j’en suis certain.

Après ton départ, le Club s’est découvert un nouveau buteur : Carlos Bacca.

Je ne suis pas du tout surpris. Pendant la préparation, on m’a demandé sur quels joueurs le Club pouvait compter pour faire un pas en avant : j’ai dit que Carlos Bacca et Maxime Lestienne allaient faire une toute grosse saison.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » En Belgique, j’avais trois ou quatre occases par match. Ici, ça peut être une seule ou aucune. « 

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