Shorts à tout prix et cours de français

Que pensez-vous du climat belge?

Eduardo Adelino Da Silva (23 ans): Nous avons passé dix jours à Rio de Janeiro, pendant la trêve. La température dépassait allègrement les 30 degrés. En sortant de l’avion, j’ai été pris à la gorge par le gel. éa m’a coupé la respiration, comme à Eduarda, ma fille de cinq ans. Il m’a fallu deux jours pour me remettre et encore, après un entraînement, quand il gèle si fort, j’ai du mal à retrouver mon souffle. Au Brésil, quand il fait froid, le mercure affiche 15 à 20 degrés et encore, ça ne dure que quelques jours. Ici, vous prendriez un bain de soleil, par ce temps! D’ailleurs, vous êtes contents quand il y a dix degrés.

éa ne vous a jamais joué de tours?

(Il rit) A mon arrivée, il y a deux ans et demi, au mois d’octobre, je me suis présenté en short à l’entraînement. Tous les autres étaient en pantalon. Le coach a été saisi. Quand il ne fait pas trop froid, une fois échauffé, je joue avec un pantalon coupé. La course et le contrôle du ballon sont légèrement différents avec un pantalon. C’est minime, mais quand même…

A quoi avez-vous consacré vos vacances?

Au Brésil, nous sortons. Nous rendons visite à notre famille. Elle est très importante pour nous car on peut compter sur elle, quoi qu’il arrive. Nous sommes allés à la plage, en discothèque, au restaurant. Même en dehors du carnaval, il y a tout le temps des fêtes, en rue. Quand nous rentrons, Eduarda pleure: là, elle peut rouler à vélo, jouer dehors, en short, alors qu’ici, elle reste enfermée, à l’école ou à la maison.

Vous êtes patriote, puisqu’un drapeau brésilien orne votre salon. Que pensez-vous de Lulla, le nouveau président du Brésil?

Je pense que son élection est une bonne chose pour le peuple car 60% des Brésiliens sont pauvres, ce qui signifie encore ne pas manger à sa faim. Carla et moi avons eu une enfance identique à la vôtre. Mon père est tapissier-peintre. Le problème, c’est que beaucoup de gens n’ont pas de travail. Un emploi vous offre les mêmes avantages qu’en Belgique mais encore faut-il en obtenir un. Les différences sont criantes: sur les plages, vous voyez des gens très riches, très beaux, couverts de bijoux et, juste à côté, des gens qui mendient, assis dans le sable.

Ne trouvez-vous pas les Belges froids?

Si. Dans les magasins, on se limite aux formules de politesse. Personne ne rit ni ne vous adresse la parole, chacun doit tirer son plan. C’est peut-être lié au climat (il sourit). Au début, c’était dur, mais nous avons fait la connaissance de compatriotes, des joueurs de mini-foot, des joueuses de volley… Une fois, pour mon anniversaire, nous avons organisé une soirée dansante dans l’appartement. Nos voisins n’ont pas protesté. Pourtant, nous avons fait un fameux chambard!

Dans quel championnat aimeriez-vous évoluer? Pas en Angleterre, je suppose?

Pourquoi pas? J’apprécie tous les championnats. (Carla: Je préférerais un pays chaud mais je m’adapterai. Le travail a priorité).

Au terme de votre carrière, pourrez-vous vivre sans travailler?

Je pense que je continuerai à m’occuper de football, des jeunes. En fait, je ne parviens pas à imaginer qu’un jour, je ne jouerai plus!

Comment définiriez-vous votre relation avec Carla?

Nous étions voisins. Le déclic s’est produit lors d’une soirée dansante entre amis. Nous sommes ensemble depuis sept ans. Nous formons une seule et même personne. Elle me comprend, elle est prévenante. Elle me donne la force dont j’ai besoin pour le football et la vie loin de notre pays. Elle passe avant le football. Elle est tout pour moi et je ferais tout pour lui éviter d’être triste.

Avez-vous un hobby?

L’ordinateur! J’y lis les journaux brésiliens et je corresponds avec mes amis. C’est mieux que la télévision. Dès que je reviens de l’entraînement, j’allume l’ordinateur.

Votre français est excellent. Quelle est votre recette?

Carla Pereira de Barros (21 ans): Merci mais je fais des fautes et ça m’énerve! Depuis deux ans, je suis des cours quotidiens de français, de neuf heures à midi. En famille, nous parlons portugais. Eduarda n’a aucun problème à l’école et Eduardo l’apprend au contact de ses collègues, mais il n’a pas la même base grammaticale.

Exerciez-vous une profession, avant de rejoindre la Belgique?

J’étais comptable. C’était stressant car j’avais beaucoup de travail et ça demandait beaucoup de concentration. Plus tard, j’aimerais suivre des cours d’éducation physique et donner cours dans une salle. J’ai pratiqué la gym, à l’école, et je continue à faire du sport: aérobic, danse, musculation… Le sport me procure beaucoup de plaisir. Je m’y adonne le soir, quand Eduardo est de retour.

Etes-vous croyants?

Nous sommes catholiques non pratiquants. 70% des Brésiliens le sont mais on trouve aussi des protestants et des bouddhistes, ainsi que des religions africaines, qui exigent des sacrifices d’animaux, style vaudou.

Les Brésiliens sont-ils machos?

Hommes et femmes ont les mêmes droits. Les femmes font ce qu’elles veulent. Elles sont libres. De toute façon, elles travaillent. Certains hommes prennent leur femme pour une servante, comme partout. Ce n’est pas le cas d’Eduardo. Je retourne parfois au Brésil et il doit se débrouiller. Sinon, je m’occupe du ménage, mais il me donne un coup de main. Il s’occupe beaucoup d’Eduarda. Ils sont très proches. Je suis plus sévère. Quand elle veut quelque chose, elle s’adresse à lui car il dit toujours oui. Elle est gâtée. Eduardo a deux frères et deux soeurs. Ils n’ont eu que des garçons. Elle est la seule fille. Alors, vous imaginez…

Souhaitez-vous d’autres enfants?

Un second, un garçon si possible. Eduardo n’en veut pas davantage. Moi, je voulais quatre ou cinq enfants, avant, car je n’ai qu’un frère. On souhaite toujours ce qu’on n’a pas… Au Brésil, je pouvais confier ma fille à ma mère. Ici, c’est différent. Nous allons attendre: nous voulons profiter de la vie et nous risquons de déménager.

Parlez-nous d’Eduardo…

Il est responsable, gentil, souriant. Romantique, aussi. Il me fait des surprises, de petites choses qui me font chaud au coeur. Il me téléphone souvent pour savoir ce que je fais. Quand je suis triste, que ma mère me manque, il le sent et il me réconforte. Nous nous installons ensemble devant la télévision, avec une vidéo.

Comment occupez-vous vos loisirs communs?

Avant un match, nous restons à la maison. D’ailleurs, Eduardo a ses rituels: il prie, il se rase… (elle sourit). Sinon, nous voyons nos amis et nous visitons la Belgique et les pays voisins: Bruges, Anvers, les Pays-Bas, Paris et Disneyland… Nous aimons le cinéma, les films d’action et, pour moi plutôt, les romances. Nous allons au restaurant. Les Italiens nous plaisent et nous avons découvert un restaurant argentin à Anvers. Nous regardons aussi les informations. Nous aimons savoir ce qui se passe dans le pays où nous vivons et dans le monde. J’ai été marquée par les attentats du 11 septembre. En journée, Eduarda monopolise la TV. Elle regarde des dessins animés. En rentrant de l’entraînement, Eduardo m’a demandé si j’étais au courant. Ce fut un choc.

Cuisinez-vous des plats brésiliens?

J’essaie mais je ne trouve pas tous les ingrédients ici. Nous ramenons du café, du thé, des haricots noirs, des saucisses séchées et d’autres mets. Par exemple, je fais une soupe aux haricots noirs avec de la viande salée et de la saucisse de porc. Cependant, nous consommons beaucoup de pâtes italiennes et j’essaie de cuisiner léger car Eduardo est strict, à cause du football. Il met tout en oeuvre pour réussir.

Attachez-vous de l’importance aux vêtements?

Moins que lui! (Elle rit) Il se regarde dans le miroir, il est fana de baskets, il s’achète les vêtements à la mode…

Vous êtes sportive. Aimez-vous le foot?

Maintenant, oui! Au Brésil, les hommes sont fanatiques. Un match tourne parfois à la guerre. Il y a davantage de femmes supporters qu’ici mais elles ne sont pas fanatiques. Quand j’ai fait la connaissance d’Eduardo, il jouait dans la rue avec ses amis mais je n’aimais pas. Depuis, il m’a appris les règles et après un match, il m’arrive de lui dire: Mais pourquoi as-tu fait ça? (Eduardo rit: J’ai un deuxième entraîneur, c’est dur!)

Pascale Piérard

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