« Shame on you »

Les supporters des Diables étaient déçus, à juste titre. Même sans quelques-unes de ses vedettes, les Diables Rouges devaient battre la bande à Hellers.

Mardi dernier, c’était le lancement de la nouvelle DH. Pub à gogo. Jeudi passé, l’arrivée du Beaujolais Nouveau. Re-pub à gogo. Entre les deux, il y avait un match des Diables Rouges. Dans l’indifférence… Et quelle nouveauté au Luxembourg ? Aucune ! Les Belges sont toujours aussi pitoyables dans les rendez-vous sans enjeu ( voir encadré). On est à deux doigts de terrasser la terrible Espagne (11 champions d’Europe) le 15 octobre puis on passe près de la correctionnelle face aux nains luxembourgeois (2 pros et 9 amateurs) le 19 novembre. Cherchez l’erreur.

A l’approche du match, une seule phrase résumait la situation : tout le monde s’en fout ! Le grand public. La presse et même pas les chaînes belges de télévision. Mais aussi – et c’est beaucoup plus grave – les joueurs.

Coup de sonde dans les médias l’avant-veille, la veille et le jour du match. Les quotidiens tartinent mais la flamme n’y est pas. Au Journal des Sports de Vivacité, deux heures avant la rencontre : on y signale que le centenaire de la Fédération luxembourgeoise vaut bien  » un petit match de foot « . Et le plus drôle, c’est sur Bel-RTL qu’on l’entend. Chaque jour dans le grand journal parlé (18-19h), il y a la chronique satirique du truculent duo d’imitateurs Dubus & Lamy. Leurs cibles favorites traditionnelles sont nos politiciens et la famille royale. Cette fois encore, Didier Reynders (qui parle comme d’habitude à la troisième personne) et Albert II (qui jure encore et toujours comme un charretier) en prennent pour leur grade. Mais aussi le footballeur tête de turc préféré des comiques : Kevin Mirallas. Dans l’imitation, il dit qu’il est dans un vestiaire avec tous les autres Diables. Il est perdu et demande – On est où ? Une voix off lui répond, il comprend mal puis lance à ses coéquipiers : – Hé les gars, je sais maintenant où on est : au grand marché de Luxembourg.

Pour jouer l’Espagne à Bruxelles, tout le monde est là

Ce Luxembourg-Belgique, René Vandereycken n’en avait pas envie. Comme il ne voulait pas de l’Allemagne-Belgique du mois d’août dernier. Du côté des joueurs, même combat. On croyait avoir tout vu avec la sélection pour les Jeux olympiques : des clubs réticents, des footballeurs qui se tâtaient, une Fédération qui marchandait. Mais on n’était pas au bout de nos peines. Pour aller en Allemagne, il fallut de nouveau bricoler, vu la présence d’une partie de l’équipe A aux Jeux. C’est ainsi qu’on a retrouvé un Bart Goor, un Gill Swerts, un Mark De Man et un Thomas Buffel dans le noyau pour Nuremberg. Si on doit viser la Coupe du Monde 2010 avec cette base-là, on n’est pas arrivé.

Et ce fut pire encore pour le déplacement au Luxembourg. La veille du match, quatre cadors de l’équipe ont subitement quitté l’entraînement : Vincent Kompany, Marouane Fellaini, Axel Witsel et Steven Defour. En plus de Faris Haroun. Pour raisons médicales. Epidémie foudroyante au-dessus de Tubize ? Pas la peine de demander un bulletin de santé officiel. Vandereycken a coupé court :  » Ce n’est pas intéressant de vous communiquer quels sont leurs bobos, mais puisqu’ils n’étaient pas en mesure de s’entraîner, j’ai décidé de les renvoyer dans leur club.  »

Ils sont si fragiles ? Voyons voir… Tiens, ils étaient tous les quatre au coup d’envoi du match contre l’Espagne. Comme par hasard. Pour jouer les champions d’Europe dans un Stade Roi Baudouin surchauffé, on est là. Pour se taper le Stade Josy Barthel à Luxembourg par une triste soirée de novembre devant 4.000 personnes, on n’est plus là. Caprices de stars : ça fait penser au sale gosse qui simule un mal de dents le jour de son examen de maths mais est en pleine forme deux jours plus tard pour aller s’amuser à la fancy-fair de son école.

Defour et Witsel ont un gros programme avec le Standard. Mais Wesley Sonck a une charge de travail comparable avec Bruges : championnat, Coupe de l’UEFA, Coupe de Belgique, équipe nationale. Pourtant, il était à Luxembourg. Fellaini et Kompany sont bien occupés en Angleterre. Mais ont-ils seulement remarqué que des stars mondiales avaient joué sans rechigner un match amical avec leur équipe nationale, la semaine passée ? Fernando Torres et David Villa ont marqué pour l’Espagne contre le Chili. Patrick Vieira, Franck Ribéry, Thierry Henry et Nicolas Anelka ont affronté l’Uruguay avec la France. Kakà, Maicon, Luis Fabiano et Robinho ont joué avec le Brésil contre le Portugal qui alignait Nani, Maniche et Cristiano Ronaldo. Carlos Tevez était dans l’équipe argentine face à l’Ecosse.

Et ceux qui étaient à Luxembourg, ont-ils seulement tout donné ? Ce n’était en tout cas pas frappant. Vandereycken a vu beaucoup d’occasions et d’autres bonnes choses. Les supporters qui s’étaient déplacés ne faisaient pas la même analyse. Au moment où le coach est monté dans le car du retour, ils lui ont chanté  » Shame on you « . Des joueurs étaient aussi visés. Pendant le match, le manque d’enthousiasme de Vandereycken sautait aux yeux. Alors que l’entraîneur du Luxembourg, Guy Hellers, est resté debout à crier pendant 80 minutes, Vandereycken est resté assis à simplement observer pendant 85 minutes ! Il était nettement plus  » pile électrique  » pendant les récents matches contre la Turquie et l’Espagne.

Pour les Luxembourgeois, c’était un match de gala. Pour les Belges, staff compris, un boulet qu’il avait fallu traîner le temps d’une soirée de l’autre côté de la frontière. Des scouts de clubs prestigieux avaient fait le déplacement : Middlesbrough et Manchester United côtoyaient Dender et Tubize dans la tribune officielle. Un espion de la Fédération espagnole était là aussi. On doute que ces visionneurs aient appris quelque chose.

 » Un cheveu dans la soupe « 

Ah oui, il y a quand même ceci… Mercredi 19 novembre à 21 h 55, a star is born. Repris pour la première fois dans le noyau des Diables, Eden Hazard est monté au jeu pour les 25 dernières minutes. Il a vite montré qu’il était capable de trucs de fou, d’enchaînements de dribbles et de tirs qui font vibrer. Ses gestes techniques et le superbe but de Mirallas sauvent (un tout petit peu) les meubles.

La découverte de Hazard, seul gros enseignement positif de la soirée ? C’est à peu près l’avis de Guillaume Gillet :  » Ce qu’il faut retenir ? Hmmm… Il y a quand même un jeune talent qui a frappé tous les esprits. Pour le reste, c’est vrai que… Mais bon, ce match tombait un peu comme un cheveu dans la soupe. Nous ne l’avons pas bâclé mais ce n’était pas non plus le plus facile à préparer. Et je comprends que certains joueurs aient préféré se préserver. Venir jouer un match amical au Luxembourg, ce n’est pas comme affronter une grosse équipe européenne pour les qualifications du Mondial. Enfin, quand on vient ici, on doit normalement toujours repartir avec la victoire.  » Eh bien, non !

par pierre danvoye – photos: reporters/ gouverneur

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