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SEULE AU MONDE

Blonde et belle, elle est en plus l’une des meilleures joueuses du monde. Pourtant, le retour de Maria Sharapova après une suspension de quinze mois divise le monde du tennis.

Les organisateurs du tournoi WTA de Stuttgart se frottent les mains. Deux chaînes TV russes, une équipe de CNN – une première -, plus de 200 journalistes et photographes se sont pressés au bord du court central de la Porsche Arena pour apprécier les premiers coups droits de Maria Sharapova (30 ans). Du jamais vu.

L’année précédente, Angelique Kerber avait prolongé son titre devant une poignée de journalistes. Mais cette fois, Stuttgart 2.0 était le théâtre du retour de Masha. Elle ne figurait plus au classement mondial mais une wild card lui a évité un calvaire de plusieurs mois dans les tournois à 10.000 dollars, dans des conditions souvent pénibles.

 » Pour moi, elle est une tricheuse qui ne devrait plus jamais pouvoir jouer au tennis « , a réagi Eugenie Bouchard (23 ans), la finaliste de Wimbledon 2014, qui semblait alors destinée à devenir la nouvelle Sharapova, grâce à son look, son flair et son talent.  » La fédération envoie un mauvais signal : trompez tout le monde, ce n’est pas grave, nous vous accueillons quand même les bras ouverts.  »

Ce n’est pas un hasard si la Russe a reçu une invitation au tournoi de Stuttgart. Porsche en est le principal sponsor alors que Maria est ambassadrice de la luxueuse marque automobile. Quand elle a reconnu avoir été contrôlée positive à l’Open d’Australie, le groupe Volkswagen a mis toutes ses activités publicitaires on hold. Provisoirement. Car Maria fait vendre.

Masha fait vendre

Nike, qui la sponsorise depuis l’âge de onze ans, a temporairement coupé les ponts avec la joueuse glamour puis a opéré un virage à 180 degrés pour concevoir une nouvelle ligne : Special Comeback. Head, son sponsor raquettes, et Evian l’ont réintégrée. Un seul sponsor, l’horloger TAG Heuer, partage les sentiments de certains de ses collègues : nous ne voulons plus de toi.

 » Je n’ai rien contre elle personnellement mais elle ne devrait pas bénéficier de wild cards « , a martelé Roberta Vinci, son adversaire au premier tour, reprenant les propos de Caroline Wozniacki, Agnieszka Radwanska, Kerber, Jo-Wilfried Tsonga et Andy Murray. Sharapova n’a pas bronché, fidèle au titre de sa biographie : Unstoppable.

La Russe a été suspendue mais certainement pas oubliée. Elle a été l’invitée d’honneur de la New York Fashion Week, elle a posté un selfie d’elle avec Elton John sur Instagram, elle a foulé le tapis rouge de la Vanity Fair Oscar Party, elle a suivi des cours à la Harvard Business School, elle a effectué des stages au quartier général de la NBA et de Nike et a encore trouvé le temps de se faire photographier en bikini sur une plage.

Elle est blonde, plus grande, avec de plus longues jambes que Serena Williams, une joueuse de sa génération au palmarès impressionnant : 23 Grands Chelems contre 5. Serena a remporté 19 de leurs 23 confrontations et a empoché beaucoup plus de primes : 77 millions d’euros, soit deux fois plus que Maria en tournoi (33 millions). Mais Sharapova a figuré en première place du classement Forbes des sportives les plus riches au monde de 2005 à 2015. On le répète : Maria fait vendre.

Positive au meldonium

Le circuit la traite de tricheuse qui n’a même pas affiché de regrets. Elle a été contrôlée au meldonium, un médicament prescrit aux cardiaques. Elle ignorait que la substance avait été placée sur la liste des produits interdits le 1er janvier 2016. Elle l’utilisait depuis dix ans.  » En Russie, tout le monde le consomme comme de l’aspirine.  » Elle a même pointé un doigt accusateur vers la fédération internationale de tennis.  » Elle doit mieux informer les joueurs, de manière personnelle.  »

Les cas de dopage sont exceptionnels en tennis. Suite à un contrôle positif à la cocaïne à Wimbledon, Martina Hingis a été suspendue deux ans. Dans sa biographie, Andre Agassi a reconnu avoir été jadis positif à la crystal meth, ajoutant que l’ATP avait tu l’affaire et, après un contrôle positif à la cocaïne, Richard Gasquet s’est défendu en prétendant que la drogue avait pénétré dans son corps suite au baiser d’une femme inconnue…

Chaque fois, il s’agissait de drogues récréatives, qui peuvent compter sur une plus grande indulgence. Sharapova, elle, a consommé du meldonium, un produit qui augmente l’endurance, d’après la WADA.  » Elle vole l’argent des joueuses qui ont une approche honnête du sport « . C’était la critique la plus fréquente sur le circuit, après ses aveux.

Simona Halep – numéro 5 – a mis le doigt sur une autre plaie.  » Avant, je ne lui parlais pas. Pourquoi devrais-je subitement le faire ?  » Si Sharapova est populaire auprès du grand public et constitue un instrument de marketing de rêve, elle n’est pas appréciée par ses collègues.  » Elle s’isole depuis des années. Si elle a des amis, c’est en dehors du circuit « , a déclaré l’ancienne grande championne Chris Evert, désormais analyste d’ESPN.

Pas besoin d’amis

Elle n’a pas besoin d’amis. Elle s’est hissée par ses propres moyens au sommet, par son talent et son sourire, parfois empreint de mélancolie. En 1986, ses parents ont quitté la Biélorussie pour la Sibérie occidentale, fuyant les rayonnements mortels de la centrale nucléaire de Tchernobyl. C’est en Sibérie que Ievgueni Kafelnikov, le premier numéro un russe, lui a offert sa première raquette, à l’âge de quatre ans. Deux ans plus tard, en 1993, Martina Navratilova l’a découverte durant un clinic à Moscou et l’a invitée à l’IMG Academy de Bradenton.

Son père, Youri Sharapov, a emprunté de l’argent pour déménager avec toute la famille aux États-Unis mais les sévères lois sur l’immigration ont contraint sa mère à patienter deux ans avant de les rejoindre. Pour payer les leçons de sa fille, le père a trimé comme plongeur. Maria, pendant ce temps, s’est frayé un chemin avec une volonté hors du commun.

 » À l’académie, elle n’a pas cherché à se faire d’amies. Elle savait qu’un jour, une des autres filles pourrait devenir une concurrente « , a raconté Nick Bollettieri, le gourou de Bradenton, il y a peu. Ça n’a pas beaucoup changé. Elle compte toujours ses amis sur les doigts d’une main mais son merveilleux sourire constitue une formidable arme contre sa solitude croissante.

PAR CHRIS TETAERT – PHOTO BELGAIMAGE

 » Elle s’isole depuis des années. Si elle a des amis, c’est en dehors du circuit.  » Chris Evert

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