Ses inquiétudes

Avant le premier tournoi du Grand Chelem, le numéro un mondial est revenu sur son année 2008 et n’a pas caché qu’il nourrissait certaines appréhensions quant à la nouvelle saison.

Fin décembre, Rafael Nadal a participé à Madrid au Match contre la Malaria. Deux équipes (dont les capitaines étaient le numéro un mondial et Iker Casillas, le gardien du Real Madrid), se sont affrontées en kart, football et golf. Une manifestation qui aura rapporté 250.000 euros.

Le parcours de golf de Nadal n’a pas très bien marché, mais le genou droit qui l’avait empêché de disputer la finale de Coupe Davis n’y était pour rien. Nadal :  » Non, il va très bien, même en plein effort. C’est l’épaule qui me fait souffrir parce que je me suis beaucoup entraîné ces trois dernières semaines… « 

Dans quelle mesure le triomphe de 2008 vous a-t-il changé ?

RafaelNadal : je suis toujours le même. Je ne pense pas aux records ni au passé mais au fait de bien jouer. Si je changeais, je serais stupide.

Un certain relâchement serait compréhensible. Comment fait-on pour conserver une motivation intacte ?

Grâce à l’entraînement. Le tennis c’est ma passion. Tout me plaît dans ce sport. Si je perdais ma motivation, j’arrêterais instantanément. Ce qui compte ce n’est pas le classement ou les résultats mais ce que l’on a en soi et qui te pousse à te dépasser.

Le pied, le genou et d’autres arrêts : les sonnettes d’alarme n’ont pas manqué.

Cela fait cinq ans que j’entends le même refrain et cela fait sept ans que je suis sur le circuit. Ce n’est quand même pas mal à ce niveau. Parfois, des personnes parlent de certaines choses qu’elles ne connaissent pas. Et dans la foulée, elles ne voient même pas que j’ai changé : par exemple, je cours nettement moins qu’il y a trois ans, parce que je reste davantage à l’intérieur du court. Maintenant, il est certain que je ne jouerai plus sept ans supplémentaires.

Pensez-vous être en mesure de conserver le même rythme qu’en 2008 ?

J’ai quelques inquiétudes et j’espère que j’aurais retrouvé le rythme et les victoires après le premier tournoi.

 » A Wimbledon, j’ai pleuré pendant une demi-heure « 

L’homme fort du tennis nourrit-il certaines inquiétudes ou a-t-il peur ?

Au moment de démarrer un match, je n’accepte que l’idée de pouvoir gagner ou perdre. Si j’avais vraiment peur, alors là, je ne gagnerai plus jamais.

C’est ainsi que vous avez renversé en votre faveur de nombreuses rencontres, à commencer par la finale de Wimbledon ?

Là, j’aurais pu avoir peur de jouer contre le tennisman le plus fort sur herbe. Peut-être même le plus fort de tous les temps. Et j’aurais pu avoir peur quand il est revenu à deux sets partout après avoir été mené 2-0. A ce moment-là, je me suis dit : -Tu pouvais gagner au quatrième set mais tu es au cinquième alors tiens bien le service lors des premiers jeux et si tu tiens jusqu’à 4-4, 5-5, alors-là, c’est lui qui va se dire qu’il peut encore perdre.

Il suffit de dire abracadabra et c’est parti ?

Tu dois te dire : – Je veux gagner ce match et ce tournoi autant que lui ; il ne peut pas me battre. Tu dois être sûr que tu ne donneras pas 100 % de toi-même mais 200 %. Tu dois y croire plus que l’adversaire. Parce que tout compte fait, lors des moments décisifs, tout peut arriver.

Et cela vaut aussi bien à Roland-Garros (où vous êtes toujours le favori) qu’à Wimbledon (où Federer gagnait depuis cinq ans) ?

A Roland-Garros, j’ai toujours été le favori, même lors de ma première finale. A Wimbledon, le chemin a été plus dur : la première finale a été une surprise, la deuxième a été très dure surtout à cause du tirage au sort mais j’y suis parvenu après avoir joué cinq sets contre Roger. J’en ai pleuré pendant une demi-heure dans les vestiaires.

Cela paraît étrange pour un garçon comme vous.

Cela m’est arrivé deux fois : contre James Blake au Masters 2006 lorsque j’ai perdu après avoir mené 4-0 et une balle du 5-0. Mais Wimbledon c’est Wimbledon… J’avais eu la chance de disputer la finale en 2007 et je me demandais si j’en aurais encore une.

 » Mes succès ont changé ma carrière, pas ma vie « 

Vous l’avez eue.

A Wimbledon l’année dernière, j’ai eu un tirage au sort difficile et je n’étais pas favori. J’ai plus joué d’instinct qu’en technique. Je ne savais pas où j’allais et me voilà en finale que je remporte au terme d’un match incroyable. Quel soulagement… J’ai réalisé un rêve : il change un peu ta carrière mais pas la vie. Heureusement, la mienne ne se limite pas au tennis.

Les victoires et les défaites peuvent-elles fausser les perceptions ?

Non, il y a défaite et défaite, même si elle fait toujours mal. Parfois tu te dis que tu as perdu mais que tu es sur la bonne voie. C’est avec cet état d’esprit que j’ai vécu le début de la saison dernière. Bien que je ne gagnais pas de tournoi, je me rendais compte que je grandissais.

Quels rapports entretenez-vous avec Federer ?

Un numéro et un match ne me rendent pas meilleur que lui. Roger reste Roger : un champion qui a démontré à tous que l’on peut rester une personne simple et avoir des rapports normaux avec tout le monde. Ma chance, c’est que je le savais déjà.

Donc Nadal n’est pas plus fort que Federer ?

Nadal a progressé et j’espère qu’il progressera encore autant.

On se souviendra de vous pour le doublé Roland Garros-Wimbledon, 28 ans après Björn Borg, ou vous préféreriez que ce soit pour avoir remporté le cinquième Roland Garros d’affilée ?

J’aimerais tant que l’on dise :- Quelle gentille personne était Nadal. Pour ce qui est des records, c’est plus dur de remporter le même tournoi plusieurs années d’affilée.

Où avez-vous passé la Noël ?

A la maison, à Majorque. Le 24, j’étais avec mes parents, et mes nombreux neveux à manger des gambas grillées. C’est le plus beau cadeau que puissent me faire les miens. Mon futur c’est cela : une belle famille, sur mon île, et beaucoup d’enfants. Enfin, c’est encore tôt pour y penser.

par vincenzo martucci (esm) – photos: reuters

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