Serbie : hooliganisme au service du nationalisme

Thomas Bricmont

La mort du supporter toulousain, Brice Taton, a mis en lumière l’extrême violence de certains mouvements serbes.

L’annonce du décès de Brice Taton, le mardi 22 septembre, a choqué la planète foot. Mais elle était malheureusement attendue. Ce jeune supporter de 28 ans, membre du groupe ultra toulousain les Indians, avait été sauvagement agressé en plein centre de Belgrade alors qu’il était attablé à la terrasse d’un pub irlandais quelques heures avant le match d’Europa League, Partizan Belgrade-Toulouse. Un lynchage orchestré par une vingtaine de hooligans serbes munis de battes de baseball qui s’est terminé pour le supporter français par une chute de 10 mètres du haut d’une rambarde d’escalier. Ce fait divers atroce, qui endeuille une énième fois le milieu du supporterisme, a abondamment été dénoncé par une partie de la presse hexagonale (l’Equipe Mag en a fait sa couverture). La politique s’en est même mêlée. La secrétaire d’État chargée aux Sports, Rama Yade, a présenté ses condoléances à la famille de Taton, et souligné que  » cet événement tragique endeuille toute l’Europe du football mais ne saurait rester impuni « .

Dix personnes ont depuis lors été placées en détention provisoire. D’après l’enquête, ces derniers feraient partie des IRR, section appartenant au groupe ultra le plus important du Partizan, les Grobaris (croque-morts). Mais derrière cette appartenance, ce  » soutien  » à un club de football, une grande partie des hooligans sévissant en Serbie ont une vision plus politique ou plutôt, sont récupérés par des mouvements ultranationalistes serbes ( 1389, Obraz, Nacionalni Stroj, NaÜi) de plus en plus influents. Exemple : la Gay Pride qui devait avoir lieu le 21 septembre dernier à Belgrade a été annulée suite aux représailles de ces groupuscules.

Zoran Dragisic, professeur à la Faculté des Études de sécurité à Belgrade, s’est exprimé dans le Courrier des Balkans sur la question.  » Cette attaque contre le supporter français a été soigneusement orchestrée. Elle faisait partie d’une campagne de déstabilisation… Ces hooligans se mobilisent avec derrière un message clair : mettre à mal l’État. Si besoin en est, ils prendront les armes.  » L’ Equipe Mag rappelait que les hooligans arrêtés étaient éloignés de la caricature qu’on se fait généralement d’eux : l’un est étudiant en architecture, l’autre en licence de droit, etc.  » Ce sont des enfants de la guerre. Ils sont nés au début des années 1990. Ils ont grandi dans la pauvreté. Ils ont connu la violence, la propagande, la xénophobie… « , expliquait Dragisic.

Rappelons aussi qu’un millier de Serbes se sont rendus place de la République à Belgrade, le lendemain de l’annonce du décès, pour rendre hommage à Taton et montrer leur indignation face à une violence de plus en plus visible…

THOMAS BRICMONT

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