SEMAINES CAPITALES

Après une crise financière, les Pallieters souffrent au niveau sportif. Un changement était nécessaire.

Parfois une épreuve que l’on dit moribonde peut encore disposer de certaines vertus. La Coupe de Belgique aura au moins permis au Lierse de renouer avec l’espoir. Après un match serré, les Pallieters ont arraché leur qualification lors de la séance de tirs au but. Certes, l’opposant ne s’appelait que Roulers, pensionnaire modeste de D1. Mais tout de même. Dans le climat actuel, un peu d’allégresse ne fait pas de mal.  » Laissons les garçons en profiter « , furent d’ailleurs les premiers mots prononcés par le nouvel entraîneur néerlandais René Trost.

Cependant que l’on ne s’y trompe pas. Le Lierse va mal. A la crise financière a succédé cette saison une crise sportive que la nouvelle direction n’avait pas prévue. Depuis 1997, date d’un titre de champion de Belgique que personne n’attendait, le club est en pleine déliquescence.

 » La situation actuelle n’est pas nouvelle. Les lendemains du titre n’ont pas été enchanteurs « , explique Eric Van Meir, pierre angulaire du sacre de 1997 et actuellement entraîneur adjoint,  » La fête terminée, de nombreux joueurs qui n’avaient jamais pensé décrocher le titre nous quittaient. Pas moins de 13 nouveaux intégraient l’équipe et notre Ligue des Champions fut loin d’être une réussite. Il faut aussi admettre qu’un club comme le nôtre n’était pas prêt pour un tel événement. Que ce soit au niveau sportif ou administratif. Sans parler du stade « .

Parce que les dirigeants de l’époque avaient vu leur orgueil piqué au vif par le déménagement des rencontres européennes à l’Ottenstadion de Gand à cause de la non-conformité de leur propre stade, ils avaient juré qu’on ne les y reprendrait plus. Les pauvres deniers récoltés en Ligue des Champions allaient servir à l’amélioration du vieux stade Herman Vanderpoorten en 1999. Deux nouvelles tribunes pour un coût total de 10 millions d’euros. Or, les lampions de la fête éteints, le Lierse rentrait dans le rang, restant avec comme seule preuve de leur gloire révolue les coûts pharaoniques des travaux.

Pour pallier l’absence de rentrées financières, les dirigeants allaient dans un premier temps compter sur la vente des bijoux de famille. Les jeunes pousses du Lierse étaient mises en vitrine pour remplir les caisses. Durant l’intersaison 2001-2002, Filip Daems, Jurgen Cavens et Hans Somers quittaient le club pour un total de 7 millions d’euros. A l’époque, le manager Herman Van Holsbeeck disait :  » Il s’agissait d’une obligation. Nous devions participer au financement de modernisation de notre stade « . La situation ne s’améliorait pas et il n’y avait plus que Stijn Huysegems et Arouna Koné pour combler le trou . Or la donne avait changé sur le marché des transferts et les deux jeunes ne rapportaient qu’un million d’euros.

Un président volleyeur

Depuis lors, le Lierse vit avec des dettes qui menacèrent même son existence en fin d’année passée lorsque la Ville décida de ne pas reprendre le stade à son compte. Après avoir exigé le départ du président Gaston Vets, actif dans l’immobilier et dont la société s’était occupée des travaux du stade, la bourgmestre Marleen Vanderpoorten, fille de l’ancien ministre qui a donné son nom à l’antre du Lierse, concluait un accord avec le nouveau président Leo Theyskens. Celui-ci s’engageait à reprendre les dettes (3 millions d’euros) et à assainir les caisses du club.

Pourtant, tout est loin d’être rose. Le club doit toujours honorer le prêt pour les tribunes dont la Ville s’est portée garante (3,1 millions d’euros) mais contrairement aux années noires, il semble que les échéances soient respectées. De plus, Gaston Vets vient d’intenter une action en justice et réclame 700.000 euros suite à un accord qu’il aurait conclu avec Theyskens. L’ancien entraîneur Put Paul n’est également pas parti en bons termes avec sa direction. Son limogeage prête à discussion et l’affaire se règlera sans doute devant les tribunaux. Il demande une indemnité de départ de 500.000 euros.

Pour régler tous ces problèmes, le club a donc misé depuis décembre dernier sur un président qui ne vient pas du sérail footballistique. Léo Theyskens n’y connaît rien en matière de ballon rond. Sa seule expérience sportive provient de sa carrière dans le monde du volley-ball puisqu’il joua à Herentals jusqu’en D1 (l’équivalent de la D2 en football) :  » Je regarde le football comme une affaire. Je ne veux pas me laisser séduire et arriver à ce qui s’est passé dans beaucoup d’équipes : pomper de l’argent dans des Asbl Je veux tenir la distance et éviter les problèmes. Chaque euro investi doit être protégé « .

Pourtant, à son arrivée et à l’aube de la nouvelle saison, il ne manquait pas d’ambitions :  » A terme, le budget du club sera augmenté mais pas cette année « .

Depuis lors, il a dû déchanter.  » Pour le moment, on ne le voit pas beaucoup « , dit Eric Van Meir.  » Mais quand c’est nécessaire, il est là pour nous supporter « . Quant à l’entraîneur des gardiens, Patrick Deman, il ajoute :  » Le président est ambitieux. C’est surtout un homme d’affaires. Il veut guider le club comme une entreprise mais il doit comprendre qu’il y a une part d’émotion dans le football et que les joueurs ne sont pas toujours des machines « .

Trop de départs

Alors que les soucis financiers semblaient s’éloigner, c’est la crise sportive qui a pris le relais. Rien d’étonnant à cela. Pour réduire la masse salariale, le président Theyskens s’est débarrassé d’ Igor Nikolovski, Marius Mitu, Esteban Solari, Archie Thompson, Jonas De Roeck. En fin de contrat, ils ont soit fait le choix de partir d’eux-mêmes (Mitu, Thompson), soit été poussés dehors. Le club s’est certes séparé des gros contrats hérités de l’ère Van Holsbeeck mais n’a rien touché en somme de transferts. Seul Laurent Delorge, parti à Anderlecht, a finalement rapporté quelque chose aux Jaune et Noir.

 » Depuis 2001, l’argent de la vente des joueurs n’est pas réinvesti dans le noyau mais sert à payer les dettes. Cette année, il fallait réduire les coûts de fonctionnement et on s’est retrouvé avec seulement 13 éléments « , continue Van Meir.

Pour compléter le groupe, le club allait attirer toute une colonie de mercenaires. Plus question de trop miser sur le centre de formation, largement sollicité ces dernières saisons, ni sur les Belges.

Van Meir :  » Je suis partisan de construire une équipe avec une majorité de Belges mais ils sont trop chers pour nous. Parfois, ils ont un autre travail à côté et ils ne sont pas prêts à lâcher la proie pour l’ombre. Ils veulent des garanties solides. Quant à notre centre de formation, si on arrive à sortir un ou deux éléments chaque saison, ce sera déjà bien. Evidemment, si on compare sans cesse avec la génération de 1978 (celle de Daems, Somers, Cavens), on sera toujours en déficit « .

Deman complète :  » Nous n’avions pas une bonne image en Belgique suite à nos soucis financiers. De plus, comme il fallait régler d’autres choses bien plus importantes pour la survie du club, nous sommes arrivés tardivement sur le marché. Onze joueurs nous avaient quittés et on n’a pas su faire un bon scouting. C’est pour ces raisons que nous nous sommes tournés vers l’étranger « .

C’est donc vers les pays sud-américains et ceux de l’Est que le Lierse s’est focalisé.  » Les étrangers doivent nous mener à long terme à une politique plus flamande. Ils vont nous permettre de recevoir de meilleurs moyens financiers lors de leur revente, ce qui nous permettra d’attirer des talents belges « , s’est défendu le président.

Autour de Tony Vairelles et de Daniel Cruz, le club a donc misé sur la jeunesse. Les Croates Ognjen Vukojevic et Goran Mujanovic sont internationaux chez les Espoirs alors que l’Ukrainien Aleksandr Yakovenko porte les couleurs de son pays chez les – 19 ans. D’Amérique du Sud, le Lierse a rapatrié Alessandro Nunes et Creedence Clearwater Couto mais sans trop de succès jusqu’à présent. Nunes a connu de bons débuts avant de plonger à l’image de son club. Quant à Goran Tomic, dont on attendait beaucoup à l’attaque, il s’est blessé à cause d’une préparation plus dure que ce qu’il avait connu ces dernières saisons.

Attendre pour conclure

 » L’arrivée de tous ces nouveaux demande une période d’adaptation « , commente Laurent Fassotte,  » Pendant trois saisons, on a connu un bon mix entre les jeunes du cru et des étrangers qui apportaient vraiment quelque chose. Il suffit de voir où ont abouti Marius Mitu et Arouna Koné… Anderlecht et le PSV. Pour le moment, les nouveaux ne répondent pas aux espérances mais peut-on tirer un bilan après quatre mois lorsque tout le noyau a été chamboulé ? ».

Le complet remaniement de l’équipe n’a pas encore porté ses fruits. Les jeunes ne peuvent pas encore tenir l’équipe à eux seuls. Quant aux anciens, ils traversent une passe difficile. A l’image des buteurs.

 » Tous nos attaquants de l’année passée sont partis. Soit 70 % de nos buts « , continue Van Meir,  » cela explique notre piètre attaque (5 buts). Les nouveaux joueurs doivent s’adapter. Cela vaut pour tous les secteurs mais c’est d’autant plus vrai pour l’attaque puisque c’est la seule ligne revue de fond en comble « .

Vairelles et Cruz n’ont inscrit qu’un but à eux deux.  » Il ne faut pas montrer du doigt notre division offensive. On ne rate pas tant d’occasions que cela. On ne s’en crée tout simplement pas assez et ça, ce n’est pas la faute de nos avants. Eux, ils travaillent et effectuent leur part de boulot défensif « .

Pourtant, Vairelles manque de confiance, à l’image de son penalty raté à Bruges alors que Daniel Cruz a connu des pépins physiques.  » De plus, ce n’est pas facile de succéder à Mitu qui a inscrit 10 buts et donné 19 assists « , conclut Van Meir.

Pour tenter de remédier aux carences offensives, Paul Put a multiplié les changements.  » On possède un noyau de 26 joueurs « , analyse Fassotte.  » Lorsque l’on part à 18 pour les rencontres, cela en fait déjà huit qui sont déçus. Sans oublier les sept qui sont sur le banc. Plus de la moitié de l’équipe manifestait donc son mécontentement. Les leaders soutenaient encore l’entraîneur mais plus les autres. De plus, il y avait de nombreux chamboulements en attaque. Chaque joueur offensif essayait de gagner le match à lui seul. Or, il faut rester humble. On n’a pas de Ronaldinho au sein du noyau. D’autres baissaient les bras trop vite « .

Fassotte épargne pourtant Tony Vairelles.  » Lui, il s’est fondu dans le collectif. Il n’est pas arrivé comme une vedette et quand on voit le comportement de certains, il aurait dû jouer parfois davantage sa carte personnelle « .

STÉPHANE VANDE VELDE

 » CHAQUE JOUEUR ESSAYAIT DE GAGNER LE MATCH SEUL. OR, ON N’A PAS DE RONALDINHO  » (LAURENT FASSOTTE)

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