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Secrets de vestiaire

Le Standard avait un noyau pour finir sur le podium. On est bien d’accord. Mais alors, qu’est-ce qui a vraiment coincé ? Enquête et révélations sur les hommes et les moments-clés du fiasco de l’année.

Olivier Renard nous l’a dit juste avant le début des play-offs 2 :  » Le plus frustrant, c’est qu’on n’a pas une équipe de chèvres mais des joueurs voulus par des bons clubs, et les offres qu’on reçoit ne sont pas des offres à 100.000 euros.  » Il a enchaîné sur un :  » le Standard n’a plus eu un aussi bon noyau depuis des années « , qui n’est sans doute pas faux. Et pourtant, même ces PO des pauvres, le Standard ne les gagnera pas. Il se traîne dedans. Lamentablement.

Pourquoi ça continue à coincer avec autant de gars qui ont du foot dans les pieds ? Parce qu’il est décidément trop difficile de dénicher un entraîneur ayant le bon profil pour travailler avec ce groupe ? Ou parce que le vestiaire est vraiment trop difficile à gérer ? On essaye d’y voir clair au détour d’anecdotes et d’autres petites choses qu’on ne vous avait jamais dites sur cette saison pourrie.

Jankovic, une méthode dure qui n’a pas pris

Aleksandar Jankovic protège ses hommes vers l’extérieur. Il les a bien recadrés une fois ou l’autre en public, voire un peu démolis, comme après le non-match à Mouscron. Mais le plus souvent, il tempère, même dans un debriefing post-humiliation. Yannick Ferrera a un jour comparé les joueurs du Standard à des  » gamins de merde  » et à des  » fils de riches « , le Yougo n’est jamais allé aussi loin.

Mais, en semaine, il savait montrer méchamment les dents. On s’en souvient à Malines. Là-bas, il avait parfois fait chialer Ibrahima Cissé, par exemple, en le remettant à sa place devant tout le noyau. Cissé prenait alors son coach pour un fou. Entre-temps, ils se sont retrouvés au Standard et le joueur avoue que cette approche dure lui a fait du bien, lui a permis de progresser. Toujours à Malines, les clashes entre Sofiane Hanni et Jankovic n’étaient pas rares. Mais aujourd’hui, si on demande à Hanni de donner son avis sur cet entraîneur, il sera élogieux.

Pour Olivier Renard, c’est la bonne méthode :  » Pour vous, les médias, Jankovic peut être un problème. Ce qu’il vous dit ne vous intéresse pas. Ce qui vous intéresse, c’est ce qu’il ne vous dit pas… Lui, il préfère réserver ses vérités aux joueurs. Ça reste sur le terrain d’entraînement ou dans le vestiaire, et c’est important. Il y a pas mal de coaches qui se lavent les mains, n’assument pas, accusent l’attaquant qui a raté un but ou le gardien qui a glissé. Je préfère un entraîneur qui protège à la télé et casse dans le vestiaire.  »

Cela rappelle la fameuse phrase du même Renard après la lourde défaite à domicile contre Courtrai.  » Ils ont joué avec des Pampers.  » Il revient dessus :  » Je voulais dire qu’ils avaient joué avec la trouille, je n’ai pas dit que c’était une équipe de merde ou des gamins de merde.  »

La semaine para-commando les a tous dégoûtés

Seulement voilà, les gueulantes de Jankovic en comité restreint n’étaient pas appréciées. Et sa décision d’imposer un régime de dingue aux joueurs, après la défaite à Mouscron, est très mal passée. L’agent d’un Rouche nous dit :  » Ce jour-là, il s’est mis à dos les gars qui croyaient encore en lui. Ils étaient tous dégoûtés. C’était n’importe quoi. Ils devaient être à l’Académie, pour ainsi dire, de 6 heures du matin à 5 heures du soir.

Fais ça avant la saison ou au début du mois de janvier, mais pas avant le début de play-offs 2 qu’on te demande de gagner. Personne, dans le groupe, n’a pensé que c’était la solution miracle pour être au top dans les PO. D’un point de vue purement physique, c’est n’importe quoi. Et quand, après une semaine, il est passé à un régime très light, il a encore perdu un peu plus de crédibilité. La relation de confiance y a perdu beaucoup.  »

Trop riches, trop c- – ?

Le même agent nous lâche :  » Quand Yannick Ferrera dit à la télé que c’est un problème quand l’entraîneur gagne moins que la majorité de ses joueurs, il ne se trompe pas.  » Retour sur ce moment de La Tribune, il y a quelques semaines :  » J’arrive dans un club où tous les joueurs gagnent plus que moi… Oui, ça joue. Ils ont un autre statut. Et quand tu signes au Standard, tu te mets dans un confort. Si tu n’es pas un gros bosseur, dans ta tête, tu as plus tendance à profiter du confort qu’à bosser.  »

Il constate qu’à Malines, où il n’y a pas de salle de musculation, où il faut installer à la va-vite quelques appareils dans la buvette les jours où du travail physique d’intérieur est au programme, les joueurs ont bien moins le cul dans le beurre. Mais souvent plus d’envie les soirs de matches. Encore confirmé le week-end dernier !

Olivier Renard traite un peu le même sujet quand il nous dit que  » c’est devenu difficile de toucher les footballeurs. Et il n’y a pas qu’au Standard qu’on a ce souci. Tu colles une amende financière ou sportive à un footballeur, il te regarde et te dit : -OK, pas de problème. Quelle est la bonne méthode avec des gars dont tu sais que tu ne peux pas leur faire mal ?  »

Problème de mentalité, encore et encore

Pendant que le Standard s’enfonçait au classement de la phase régulière, les gars de Malines ne lâchaient rien et n’échouaient qu’in extremis dans la course aux play-offs 1. Ferrera a vu clair, a eu un flash en décembre, après le pauvre nul des Rouches à Saint-Trond. Il a constaté, notamment en entendant l’analyse que Jankovic faisait de ce résultat, que rien n’avait changé au niveau de leur mentalité, et c’est à partir de ce jour-là qu’il a été content de ne plus être dans ce club. La rancoeur et la déception qu’il traînait depuis son C4 se sont subitement dissipées pour faire place à un sentiment de soulagement.

Il dit :  » A Malines, les joueurs savent au moins que les victoires ne peuvent passer que par un gros collectif, une grande solidarité.  » Il reste sur le même fil quand il balance :  » Je pouvais donner des très bons entraînements au Standard, c’était contre-productif si les gars n’avaient pas décidé de bosser.  » Et il y a encore ceci pour confirmer tout ce qui précède :  » Je ne dis pas qu’une victoire, pour un joueur de Malines, ça permet de doubler le salaire, mais ça permet au moins d’arrondir la fin du mois. Au Standard, ce n’est pas comme ça. Et ça joue.  »

Wanted : révolte

Quand Olivier Renard nous dit que  » ça manque de révolte  » dans le vestiaire rouche, il sait ce qu’il raconte. Yannick Ferrera nous avoue que s’il faut trouver une explication à la saison catastrophique, c’est peut-être que  » le Standard a un noyau trop sage, pas assez dans l’intensité, dans le combat. Il aurait fallu des gars capables de donner des ordres et de prendre sur eux.  » Conscient dès l’été dernier qu’il fallait muscler le milieu de terrain, dans le geste et dans le verbe, il avait remis deux noms à la direction : Prince Oniangué, international congolais qui jouait à Reims et est passé à Bastia entre-temps, et Younousse Sankharé, international sénégalais qui était à Guingamp et est passé à Bordeaux dans l’intervalle.  » Avec un vrai patron dans la ligne médiane, tu joues le titre « , nous lâche-t-il.

Le Standard n’a plus un profil à la Laurent Ciman, un gars prêt à tout moment à taper du poing sur une table ou un mur pour réveiller les endormis.  » Je ne veux pas un groupe de boxeurs, mais une petite bagarre de temps en temps, ça peut servir, ça peut remettre les choses à leur place « , ajoute Olivier Renard. Il a connu la période Sergio Conceição à Sclessin : fallait pas l’emmerder. Qui, parmi les joueurs actuels, est assez excité et déjanté pour gifler un journaliste ou mettre le souk dans la salle de presse un soir de match ? Tout ça, le Portugais l’a fait. Ce n’est pas à son honneur, mais dans le vestiaire aussi, il savait recadrer tout le monde et c’était productif.

C’est qui le patron ? Ben y’en a pas !

Si on fait la liste des parcours sportifs et des caractères, on se dit qu’il y a quelques bons profils, dans le groupe actuel, pour prendre les commandes, réveiller les consciences dans les périodes de mauvais temps. Le problème, c’est qu’aucun de ces patrons potentiels n’est irréprochable cette saison. Comment commander durement quand on n’est pas spécialement bon sur le terrain ? C’est prendre le risque que le boomerang revienne immédiatement en pleine face.

Et donc, les trois entraîneurs virés depuis le début de la saison passée font le même constat : il n’y a pas un vrai patron dans le vestiaire liégeois. Jean-François Gillet aurait pu l’être mais il connaît une saison contrastée. Il y avait Adrien Trebel mais son comportement au quotidien ne lui permettait pas de dicter le ton, de donner des ordres. Par exemple, à partir de x heures avant un match, il levait systématiquement le pied et n’en faisait plus qu’à sa tête. Même chose pour son pote Matthieu Dossevi. Réginal Goreux a le profil pour être un meneur mais c’est difficile à réaliser, c’est compliqué d’être crédible quand on ne joue que par intermittences. Idem pour Eyong Enoh. Dès qu’il prend la parole, plus personne ne bronche. Mais lui aussi a souvent dû se contenter du banc, ce qui complique la situation. Alexander Scholz n’est pas un patron dans l’âme ( » Ce n’est pas lui qui va mettre des pains « , dixit Olivier Renard), et de toute façon, lui aussi connaît une saison un peu pourrie. Parmi les joueurs au parcours confirmé, il reste Orlando Sá et Ishak Belfodil pour endosser le costard du boss. Mais le Portugais n’a pas ça en lui. Quant à Belfodil…

L’affaire Belfodil, pas si anecdotique

Que Belfodil ait rêvé de partir en Angleterre à mi-saison, tout le monde le comprend à l’Académie. Qu’il ait fait le forcing puis ait été déçu quand l’affaire a échoué, tous ses coéquipiers l’assimilent. Mais l’individualisme qu’il affiche depuis janvier, ça passe beaucoup moins. Le confident d’un Rouche souvent titulaire nous explique :  » Il faut dire les choses comme elles sont : Belfodil ne joue plus que pour sa gueule depuis fin janvier. Mais Jankovic n’a jamais bronché. Parce qu’il y a quelques intouchables dans ce vestiaire, et Belfodil en fait partie. L’ambiance qu’il y avait en début de saison n’avait rien à voir avec l’atmosphère à partir de décembre. L’affaire du brassard de Trebel, c’était déjà révélateur. Le groupe ne se tenait déjà plus. Et depuis le début de cette année, il y a clairement plusieurs gars qui ont la tête ailleurs. Quelques joueurs espéraient partir en janvier, et l’échec de leur transfert, ils n’arrêtent pas de le traîner entre-temps. Ils n’ont plus qu’une priorité : se montrer dans l’espoir de partir pendant l’été. Belfodil gonfle pas mal de monde quand il veut conclure autant d’actions tout seul. Il a continué à marquer des buts, mais est-ce qu’il a toujours été bon pour autant ?  »

Bref, difficile de devenir le nouveau patron dans ces conditions.

par Pierre Danvoye – Photos Belgaimage

 » Quand tu signes au Standard, tu te mets dans un confort. Si tu n’es pas un gros bosseur, dans ta tête, tu as plus tendance à profiter du confort qu’à bosser.  » YANNICK FERRERA

 » Il faut dire les choses comme elles sont : Belfodil ne joue plus que pour sa gueule depuis fin janvier.  » LE CONFIDENT D’UN JOUEUR

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