Secrets de jeunesse

Avant de réussir à OHL, Ronny Van Geneugden a beaucoup travaillé avec cette trilogie de rêve.

Actuellement coach de Louvain, Ronny Van Geneugden s’est longtemps penché sur de précieuses graines du germoir genkois, dont Christian Benteke, Jelle Vossen, et Kevin De Bruyne :  » Quand je suis arrivé chez les jeunes de Genk en 2003, le club était présidé par Jos Vaessen et a décidé de moderniser et de perfectionner la formation et le scouting. J’y ai travaillé comme coach des Espoirs et coordinateur technique du programme d’ensemble. La réussite de Benteke, Vossen et De Bruyne me fait plaisir, comme à tous les entraîneurs de jeunes qui se sont occupés d’eux. Le Racing a eu l’intelligence de confier des missions aux meilleurs entraîneurs possibles pour chaque catégorie d’âge. Les règles étaient précises : nous n’autorisions par exemple que des chaussures noires. C’est sur le terrain et via le jeu que les jeunes devaient se distinguer, par rien d’autre. J’interdisais aussi les boucles d’oreilles. Les parents étaient tenus de garder leurs commentaires pour eux durant les matchs pour ne pas interférer dans le travail du coach.  »

Les trois Mousquetaires de Genk ont dû respecter des règles strictes durant leur écolage avec, en plus de la formation, les obligations d’une bonne éducation.

La tour noire

Révélation de la fin de l’hiver et des play-offs 1, Benteke (21 ans) tourne à plein régime depuis son retour du Standard à Genk. La tour noire a un peu patienté avant de former un duo intéressant avec Vossen, alliage de la puissance et de la finesse comme au bon vieux temps d’autres couples légendaires qui firent vibrer la Cristal Arena : SouleymaneOularéBranko Strupar ou Wesley SonckMoumouni Dagano.

Van Geneugden :  » En 2005, nous avons constaté qu’il nous manquait un attaquant de pointe pour prendre plus tard la succession de Marvin Ogunjimi. Nous avons déroulé nos antennes à Genk et ailleurs. Benteke nous a contacté car la philosophie de Genk lui convenait mieux que celle du Standard où les jeunes arrivaient plus difficilement en équipe première. Il avait 15 ans et je l’ai retrouvé un an plus tard parmi les Espoirs. Pour son âge, Christian était déjà grand et fort. Mais il n’utilisait pas assez ces arguments et éprouvait aussi des problèmes dos au but pour rendre de bons ballons, etc. La solution est passée par le travail individuel, que ce soit pour améliorer son bagage technique, ses placements et déplacements sur le terrain et son efficacité. Il était capable de marquer des buts magnifiques mais aussi de rater des occasions faciles. C’était dû à son mental bien qu’il n’ait jamais laissé tomber les bras après un loupé. Genk avait mis un chauffeur à sa disposition pour aller le chercher à l’école, le ramener chez lui, à Liège, après les entraînements.

Bien que timide et introverti, il a tout de suite été bien accepté par ses camarades à Genk. Il faut dire que cinq ou six d’entre eux, dont Kevin Kis (désormais à Eupen), francophone, fréquentaient comme lui les équipes nationales de jeunes. Tout cela a renforcé les liens entre eux. Je suis devenu T1 de Genk en 2008 et je n’ai pas tardé à lancer Christian en D1. C’était à Anderlecht et il avait 17 ans. Et en tant que pivot, il y a répondu à mon attente. Après cela, il me semble que son entourage a fait preuve d’impatience. Un jeune doit saisir sa chance mais n’est pas tout de suite installé à vie en équipe première. Il y a des hauts et des bas avant d’atteindre le rendement d’un titulaire. Ses proches ont estimé que son temps de jeu était trop limité, ce qui n’était pas le cas à son âge. Il s’est mis à douter de notre façon de voir les choses et a repris la direction de Sclessin en janvier 2009.

A mes yeux, c’était trop tôt : Christian n’était pas encore prêt pour franchir ce cap. Ce n’était pas le bon choix. Ce sont souvent des options dangereuses pour la suite d’une carrière. Les attentes étaient énormes. A Genk, il aurait pu mûrir calmement. Christian n’a pas atteint ses objectifs au Standard mais les prêts, à Courtrai puis à Malines, l’ont aidé à voir clair. C’était décisif et il y a compris que ses chances de réussite étaient réelles, à condition de prendre le temps. Il a su se ressaisir, sans quoi la pente de sa carrière serait peut-être devenue descendante. Ce furent des moments charnières. Benteke a toujours eu les qualités pour devenir un bon attaquant. Mais il cherchait les raisons de ses problèmes et de son manque de temps de jeu chez les autres. A Courtrai et à Malines, il a appris à se battre. Chapeau à Genk qui l’a retrouvé cette saison avec chaleur alors que la séparation avait laissé des traces : c’était une belle preuve de confiance. Genk a payé un montant de transfert et cela prouve aussi que ce club croyait à fond en lui.

Après avoir tourné le dos au Standard, Benteke a bossé dur en attendant sa chance. Il était prêt au moment du départ d’Ogunjimi et de la blessure d’ Elyaniv Barda. Benteke a retrouvé Vossen avec plaisir. Ils ont joué ensemble durant des années chez les jeunes. Jelle tournait autour de lui et ils ont vite retrouvé leurs automatismes. Mario Been lui a maintenu sa confiance, même au terme d’une performance plus hésitante. Benteke est toujours susceptible de rater des ballons faciles mais de marquer le but de la victoire. Les PO1 constituent une aubaine pour les jeunes comme lui car ils découvrent la pression des grands matchs, l’attention des médias l’attente des supporters, etc. Ce sont les conditions idéales pour améliorer son efficacité, sa première touche de ballon. L’avenir lui appartient mais il doit retenir les leçons du passé. Il ne doit surtout pas partir trop tôt à l’étranger. Benteke a tout à gagner en restant quelques années à Genk pour confirmer et acquérir de l’expérience en Belgique mais aussi sur la scène européenne.  »

Le porte-drapeau

Alors que Benteke a grandi près des tours de Droixhe, Vossen (23 ans) est issu d’un milieu plus favorisé. Son père, Rudy, a connu la D1 à Liège, Tongres, Charleroi, Winterslag et Genk. Back gauche, il a disputé 184 matchs parmi l’élite. Jelle a de qui tenir, même si son champ d’expression est différent. Ce jeune attaquant sait parfaitement où il va. Des club étrangers le suivent d’ailleurs à la trace mais Genk a encore besoin de lui.

Van Geneugden :  » Il incarne parfaitement les idées de Genk en matière de formation. Je ne pense pas que ce sera possible mais il faudrait que Jelle reste dans ce club jusqu’à ses 35 ans ! Les jeunes l’admirent et s’identifient à lui. Il est arrivé d’un petit club, Eigenbilzen, via Tongres. Jelle avait 11 ans et il était décidé à réussir une belle carrière. Aussi jeune, il se reposait déjà avant chaque entraînement. Il tenait à être frais pour se donner à fond. Il était déjà ambitieux, décidé à tout mettre dans son jeu pour réussir. En Espoirs, nous avons perfectionné sa frappe de balle, à l’arrêt ou en mouvement. Jelle se distinguait par son sens du but, son feeling pour surgir au bon endroit. En plus de cette qualité, il pouvait miser sur une grande force de travail tout en prenant du plaisir sur un terrain.

En 2008, il a eu un moment de doute. Lui qui n’a cessé de marquer des buts dans toutes les catégories d’âge était à l’arrêt. Il jouait moins même s’il avait déjà montré plus que le bout du nez en D1. Comme son ami Benteke, il aurait simplement dû être patient même si ce n’est pas facile à 20 ans. Genk l’a prêté un an au Cercle de Bruges et cela lui a fait le plus grand bien. Il est revenu avec un immense désir de réussir. Jelle a alors mis le grand compas. Sa réussite et ses progrès ne m’étonnent pas. C’est un joueur intelligent qui comprend vite toutes les données d’un match. Alors que Benteke est un point d’appui, un pivot, Vossen ne déteste pas reculer, chercher les combinaisons et surgir de façon inattendue. Il reste calme dans le dernier geste et cette lucidité constitue un de ses gros arguments. Jelle a l’art de bien s’entendre avec les autres attaquants. C’était le cas avec Ogunjimi et on peut en dire de même pour Benteke.

Ils constituent un des duos offensifs les plus complémentaires de D1. Jelle intéresse des clubs étrangers. A la place de la direction de Genk, je ferais le maximum pour le garder jusqu’à la fin de sa carrière. Je ne connais pas un autre porte-drapeau qui représente aussi bien ce club et sa façon de voir et de vivre le football. « 

L’homme de Londres

Doté d’une classe exceptionnelle, De Bruyne (21 ans) multiple les grands matchs durant lesquels le rouquin étale sa technique, se comporte en leader qui en impose aux anciens, admiratifs, ne lève pas le pied alors qu’il a son transfert en poche à Chelsea depuis des mois. De Bruyne est la perle de Genk et il le prouve encore plus depuis le début des P01. Le tout est de savoir s’il ne rêve pas trop vite de devenir l’homme de Londres.

Van Geneugden : Un phénomène ! Lui ne part pas trop tôt : c’est la grande classe européenne. Vossen et Benteke avaient encore des choses à apprendre et à prouver quand ils sont respectivement partis au Cercle de Bruges et au Standard. De Bruyne fait l’unanimité. Il est arrivé de Gand à 14 ans. Kevin était doué, bien sûr, mais plutôt petit et frêle. Genk a hésité avant de le garder un an de plus. De Bruyne souffrait de l’éloignement familial, ce que je peux comprendre. Genk a toujours veillé à ce problème et les Espoirs passent généralement le dimanche auprès de leurs parents : c’est indispensable après une semaine fatigante, passée à galoper du soir au matin entre le club et l’école. Après une saison d’adaptation, De Bruyne a trouvé ses marques. Il a grandi et s’est bien développé. C’est un technicien qui sait se faire respecter dans les duels.

Je ne suis pas du tout étonné par son éclosion. On découvre un leader qui prend la direction des opérations mais c’était déjà le cas chez les jeunes. Ce gagneur a effectué ses premiers pas en D1 sur l’aile. Ce n’est pas sa place naturelle mais cela ne l’a pas dérangé. Un jeune doit saisir la moindre opportunité et c’est ce que Kevin a fait. Sur le côté, il y a quand même moins de pression et il y a pris ses marques avant de rentrer de plus en plus en plus dans le jeu. Cette saison, il a profité de la blessure de Barda et de l’absence de Fabien Camus pour orchestrer la man£uvre. Là, il est dans son élément. Kevin est capable d’aller jusqu’au bout, de frapper, d’inventer des gestes techniques. Pour exploiter toutes les richesses de son talent, il doit avoir le jeu devant lui. Ce serait plus difficile dans un rôle de deuxième attaquant. De Bruyne est un super numéro 8 avec toutes les qualités d’un grand numéro 10.

Kevin peut réussir à Chelsea ou les attaquants apprécieront la qualité de ses passes des deux pieds. Son transfert lui permettra de multiplier les matchs importants. Si Chelsea décide de le prêter, comme c’est le cas de Thibaut Courtois, il devra veiller au choix du club et opter pour un championnat relevé, pas pour les Pays-Bas, par exemple, où trois ou quatre équipes se disputent le titre. A son niveau, un joueur progresse en disputant toutes les semaines des grands matchs.  »

PAR PIERRE BILIC-PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » De Bruyne est un super numéro 8 avec les qualités d’un grand numéro 10. « 

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