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Sébastien parmi les hommes

À l’heure où les agents, dirigeants, instances nationales et internationales crachent sur l’objet de nos désirs, une action de génie vient de leur renvoyer leur mépris en pleine face. Un geste qui sauve. Un vaccin anti-déprime. Peter Pan a fait pan dans le mille. Il a trouvé la lucarne. Sébastien Thill est un héros. Un Luxembourgeois pour mettre au tapis les apôtres de l’argent roi. Pour nous rendre notre paradis, non pas fiscal, mais vital. La symbolique est délicieuse. Notre sport peut encore nous emporter vers le merveilleux. Nous rendre nos yeux d’enfants émerveillés par le doute: « C’est pour de vrai? » Oh, que oui, c’est pour de vrai. Lumineuse vérité. En une inspiration, il a rappelé aux dirigeants de cette Super League, mortifère et d’ailleurs mort-née, que le foot, c’est pour et par tous. Que ce qui fait sa raison d’être et sa quintessence, c’est l’affrontement entre les petits et les grands. Ce sont ces moments où l’improbable devient évidence. Le droit de jouer et de gagner appartient à tous. La grandeur du sport, c’est qu’un petit peut être un géant le temps de nonante minutes de jeu.

La frappe de Thill à la nonantième minute de ce Real Madrid-Sheriff Tiraspol est un uppercut pour Florentino Pérez. Celui pour qui le flouze est roi est devenu roi de la lose. Lui et son association de malfaiteurs, de fossoyeurs d’équité sportive sont KO. Par la grâce d’un ancien employé communal luxembourgeois. Avant, il tondait la pelouse sur laquelle il jouait, maintenant, il met le feu sur celle du symbole du dédain. Un feu de Bengale autour duquel nous dansons tous, ivres de joie. Quelle symbolique magnifique. Comme le destin de ce samaritain. Né dans un pays parti de rien, mais devenu beaucoup. Un exemple dans le monde du foot. Un pays de 635.000 habitants qui offre une équipe nationale épatante. Renversante, parfois. Un pays où les jeunes veulent maintenant être footballeurs. Plus banquiers d’affaires. Où les jeunes veulent vivre dans la lumière des plus grands stades. Plus dans l’ombre d’une salle boursière. Son parcours à lui est édifiant. Saison dernière, loué au FC Tambov, un club russe auto-déclaré en banqueroute. Décidément, le Luxembourgeois fait sauter la banque. Et puis la Moldavie. Et puis ce fameux soir contre les starlettes du Bernabéu. La boucle est bouclée.

Voilà pour le conte de fées. Mais si on regarde derrière l’écran de fumée généré par l’exploit, on est vite ramené à la réalité géo-footballistico-politique. Ce petit club fait partie d’un micro-État séparatiste qui ne reconnaît pas la Moldavie. Veut intégrer la Russie, mais participe au championnat moldave, qu’ils ont remporté 19 fois sur les 21 dernières saisons. Vous me suivez? « Rien à foutre de la Moldavie, mais bon, faut bien être reconnu par l’UEFA, donc participer à un championnat. Nous, notre pays, c’est la Transnistrie. Notre club, c’est le Sheriff. » Propriété d’un conglomérat nébuleux du même nom. Créé par des anciens policiers… Avec pour activités, le business de tout. Même l’élevage d’esturgeons et des distilleries de cognac… Business lucratif, les dirigeants ont construit un centre d’entraînement à 200 millions de dollars. En attendant, avec un effectif estimé à douze millions d’euros, les joueurs et leur jeu ont terrassé celui du Real qui avoisine les 800 millions de mêmes euros.

La vérité du terrain. Encore et toujours. Celle-là même qui colle aux cornes de nos Diables. Encore cocus. Ce n’est pas la peine d’espérer gagner un trophée avec cette équipe-là. On va définitivement se contenter de gagner le respect et l’estime des amoureux du foot. C’est déjà pas mal. Voire l’essentiel. On joue bien, on offre des matches super excitants. Et puis basta. Le verbe à retenir dans la phrase qui précède est « offrir ». On est généreux, mais on n’a pas et peut être n’aura-t-on jamais cette haine de la lose. Cette lose qui nous colle aux crampons. Finalement, c’est pas grave. Comme d’hab’, pas de trophée, mais comme d’hab’, on s’est bien amusé.

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