Séance maquillage

Les sauteries, les insultes, les menaces, les grèves, c’est vraiment terminé en équipe de France ? Prévisions de sages et de grandes gueules.

Dérapages incontrôlés en (longue) série, c’est un des bilans de l’équipe de France depuis le coup de boule de Zinédine Zidane en 2006. (Mauvais) souvenirs, rappel…

EURO 2008 : Raymond Domenech demande Estelle Denis en mariage, en direct télé, quelques minutes après l’élimination précoce et sans gloire des Bleus.

2009 et 2010 : Franck Ribéry, Sidney Govou et Karim Benzema font valser la mineure Zahia et lancent accessoirement sa carrière.

Coupe du Monde 2010 (1) : Nicolas Anelka insulte Domenech à la mi-temps du match contre le Mexique. Son  » Va te faire enculer, sale fils de pute  » fait la Une de L’Equipe du lendemain. Il prendra 18 matches de suspension et qualifiera les dirigeants de la Fédération de  » clowns « .

Coupe du Monde 2010 (2) : William Gallas fait un doigt d’honneur à un journaliste de TF1 à la fin du même match.

Coupe du Monde 2010 (3) : grève des joueurs qui restent dans le bus et lecture de leur communiqué syndical par Domenech.

EURO 2012 (1) : Samir Nasri lance un  » Ferme ta gueule  » très labial à un reporter de L’Equipe en fêtant son but contre l’Angleterre.

EURO 2012 (2) : altercation entre Nasri et Hatem Ben Arfa dans le vestiaire après la défaite contre la Suède, ça se retrouve très vite sur les sites et dans les journaux.

EURO 2012 (3) : Nasri a encore des cartouches et passe même aux menaces physiques. Après le match contre l’Espagne, sa cible est un correspondant de l’AFP :  » Va te faire enculer, va niquer ta mère, sale fils de pute « . Anelka et Nasri, même prof de français sans doute.

2013 : Patrice Evra rhabille quelques journalistes et consultants dans une interview explosive pour Téléfoot. Par exemple, Luis Fernandez et BixenteLizarazu sont traités de clochards et parasites.

2013 : seulement 3 % des Français interrogés placent les Bleus en tête des sélections nationales qui véhiculent des valeurs positives – ça nous semble déjà beaucoup.

2014 : Nasri non repris pour le Brésil, sa copine tweete  » Fuck la France et fuck DidierDeschamps, quel entraîneur de merde « .

On va s’arrêter là. Depuis tant d’années, le tableau est déplorable. Et forcément, quand les résultats sont moyens ou carrément mauvais, on ne parle plus que de ces dérapages. D’où une question : comment l’équipe de France peut-elle s’y prendre pour redorer son image ? Des sages et des grandes gueules du foot bleu blanc rouge nous donnent leurs solutions.

Guy Roux : Dutroux, enculés et maris cocus

Condamné à rester une des personnalités préférées des Français jusqu’à sa mort.

Ton de sa réponse à Sport Foot Mag : énervé.

 » Non mais quoi ? On va où, là ? Vous voulez comparer les gars de l’équipe de France à Landru ? Ou à sa version belge, Marc Dutroux ? Allez… De quels dérapages vous voulez parler ? Il y a eu une erreur fatale avec l’histoire du bus en Afrique du Sud. Mais après ça, plus de 20 matches sans défaite avec Laurent Blanc. La qualification pour l’EURO en Ukraine où les Bleus n’ont quand même été éliminés en quarts que par l’Espagne, future championne. Dans les qualifs pour le Brésil, ils ont terminé deuxièmes de leur groupe. Encore derrière l’Espagne. Il y a pire. Alors, où est le souci ? Vous parlez encore d’un problème d’image ?

Je peux reprendre tous les dérapages dont vous me parlez et trouver des circonstances atténuantes à ceux qu’on fait passer pour des fautifs. L’incident à la mi-temps de France – Mexique en Afrique du Sud, il a été provoqué par un journal qui a pensé qu’il allait battre ses records de vente en reproduisant les propos d’Anelka. Oui, L’Equipe a super bien vendu le lendemain. Puis, ce journal a perdu 100.000 lecteurs. Et la fédé a perdu 100.000 footballeurs. Est-ce qu’il fallait salir le foot d’une façon aussi provocante ? Vous savez, pendant ma carrière d’entraîneur, j’ai été traité trois millions de fois d’enculé. J’ai fait le calcul, j’ai multiplié par le nombre de spectateurs les matches joués par Auxerre à Paris et à Marseille. Chaque fois que le speaker citait mon nom après avoir annoncé les compos, j’étais d’office un en-cu-lé. Et alors ? L’Equipe n’en a quand même jamais fait ses gros titres et elle avait raison.

Dans l’histoire du bus, les grands fautifs sont les dirigeants. Si on avait eu des grands dirigeants, il n’y aurait pas eu d’affaire. A l’EURO, on a fait tout un plat avec les propos de Nasri. Comme si une engueulade entre un footballeur et un journaliste signifiait la faillite collective d’une fédération. L’aspect confraternel a fort joué là-dedans, la presse a défendu la presse. Les joueurs ont le jeu, les journalistes ont les plumes. Les gars qui ont été agressés par Nasri n’étaient pas non plus tout blancs dans l’histoire. Tout le monde doit défendre la liberté de la presse mais moi je défends aussi la liberté d’expression des footballeurs. L’affaire Evra ? Une escarmouche d’une journée. Un grand sélectionneur traite une affaire comme ça en deux heures. Vous voudriez que les joueurs coupent le robinet d’eau chaude, ne disent plus que des banalités ? Ah là, bonne chance, vous allez bien vous amuser pour écrire vos papiers.

Ne vous inquiétez pas, tout va bien pour l’équipe de France. Le scénario du barrage retour contre l’Ukraine était formidable, la France ne demandait que ça, c’est reparti. Le public est à nouveau très heureux, il est comme le mari trompé qui voit revenir sa femme et lui réserve un accueil fantastique. Vous savez que les plus beaux bijoux sont achetés par des maris qui ont été cocus ?…  »

Rolland Courbis : ados, groupe de la vie et  » on fout la paix à DD  »

Grande gueule désincarcérée (ouais, quand même une demi-année de taule).

Ton de sa réponse à Sport Foot Mag : très excité.

 » Au Brésil, ça ne peut que mieux se passer qu’en Afrique du Sud et en Ukraine. Ben oui, là-bas, on a été nuls. Nuls de chez nuls. Avant ces tournois-là, il n’y avait pas spécialement des signes qui pouvaient faire croire que ça risquait de foirer, pas d’indices négatifs. Mais on n’avait pas d’indices positifs non plus. Moi, aujourd’hui, je vois que tout le monde est de nouveau derrière l’équipe de France. Les joueurs sont complètement revenus dans le coeur des gens en se qualifiant contre l’Ukraine. Ce 3-0 au match retour après la défaite catastrophique 2-0 au match aller, je ne dis pas que c’était l’exploit du siècle mais c’est un match qui pourrait rester un tournant de l’histoire des Bleus. Parce que tout a basculé en une soirée. Le contact entre l’équipe et le public s’est complètement rétabli en moins de deux heures. J’ai vu le scénario de ce match comme la fin d’une scoumoune de plusieurs années. Comme par hasard, après ça, le tirage de la phase finale a été extraordinaire pour nous. Comme si Deschamps avait subitement retrouvé la patte de lapin qui l’avait accompagné pendant très longtemps puis l’avait un peu lâché.

Un groupe avec le Honduras, l’Equateur et la Suisse… Comment te dire ?… Il faut respecter tout le monde mais ça ressemble plus au groupe de la vie qu’au groupe de la mort. Tu commences par le Honduras qui va faire un gros match parce que c’est la Coupe du Monde, mais bon, ça reste le Honduras hein ! Avec l’élan repris le soir du deuxième match contre l’Ukraine, je n’imagine pas que ça se passe mal au premier tour. Les compétences de Deschamps, la qualité des joueurs, le tirage favorable : on n’a aucune excuse. Et n’oublie pas que toute la pression sera sur le Brésil, donc il y a un beau coup à jouer pour des pays comme la France. La mentalité y est. Tu as vu les joueurs après la qualification ? On aurait dit des ados de 14 ans quand ils s’embrassaient. C’est un signe. Je remarque aussi que la question de la non-sélection de Nasri a été assez vite balayée. On a directement dit que c’était étonnant de ne pas reprendre un gars qui fait des matches pareils avec Manchester City, puis les gens se sont fait deux réflexions : il n’a sans doute pas une mentalité qui colle avec le groupe actuel, et qui fallait-il faire sauter pour lui faire une place ? C’est ça notre gros problème. On aurait pu sélectionner trente joueurs. C’est facile de trouver des noms de gars assez bons pour aller au Brésil. Après, c’est beaucoup plus compliqué de désigner ceux qui ne doivent pas y aller. Et on est qui pour dire que Deschamps n’y connaît rien ?  »

Youri Djorkaeff : pompes, grosses bagnoles et souvenirs qui restent

Champion du monde dandy installé à New York.

Ton de sa réponse à Sport Foot Mag : classieux à mort.

 » La fin des problèmes ? Le retour au top ? Une nouvelle image ? Euh… Doucement. Une chose à la fois. Tout va beaucoup mieux depuis le scénario parfait du match contre l’Ukraine à Paris, c’est sûr. Mais de là à jurer qu’il ne se passera rien au Brésil, je ne le ferais pas. Les risques existeront toujours. Didier Deschamps a déjà bien montré qu’il savait gérer, cadrer les gens. Mais on ne peut jamais être sûr de rien. Pour ce qui est d’un retour au top, je répondrais de façon diplomatique que les Bleus ne partent pas favoris. On les voit déjà d’office au deuxième tour : calme ! C’est une Coupe du Monde. Avec toutes des équipes qui se sont qualifiées.

L’image est meilleure qu’entre fin 2006 et fin 2013 mais je n’ai pas l’impression que les Français aient oublié aussi vite tous les scandales. C’était parfois tellement fort que ça a marqué les gens pour longtemps. Pour que ça disparaisse progressivement des mémoires, il faudra enchaîner les bons matches et les grands résultats pendant plusieurs années d’affilée. Bref, il faut prouver au public qu’il a raison de se reconcentrer sur le jeu. C’est normal qu’on ait autant parlé des débordements puisqu’il n’y avait rien à voir sur le terrain. De mon temps, tout le monde s’en foutait complètement de la voiture qu’on conduisait ou des pompes qu’on portait. Elles pouvaient être noires, bleues ou vertes, les gens n’en avaient rien à faire. Ils ne voyaient qu’une chose : on produisait du jeu, on gagnait nos matches, on rapportait des grands trophées. Quand c’est catastrophique sur le terrain, c’est logique qu’on commente d’autres choses que le jeu. C’est exactement ce qu’on a fait en France. Sûr que si tous les dérapages s’étaient produits quand j’étais international, ça aurait été anecdotique pour la presse et pour les Français, et peut-être même que ça aurait amusé les gens.  »

Michel Hidalgo : mauvaise perception belge et maître Francky en quarts

Troisième meilleur entraîneur français du 20e siècle.

Ton de sa réponse à Sport Foot Mag : zen (81 ans que ça dure).

 » C’est fini la galère. On ne perçoit peut-être pas les choses de la même façon en Belgique mais je vous garantis que l’équipe de France, ici, véhicule à nouveau des valeurs positives. Quand je me balade dans la rue, quand j’ouvre un journal, quand je branche ma radio ou ma télé, je n’entends plus parler d’une génération à problèmes. Le guide de cette équipe, le maître, c’est Franck Ribéry. Et ça veut dire beaucoup. On le voit maintenant comme un footballeur et rien d’autre. Plus comme un élément perturbateur. Parce qu’il s’est assagi. Parce qu’on n’a plus rien entendu de négatif sur lui depuis 2010. Et encore, on n’a jamais su vraiment prouver qu’il avait joué un rôle néfaste en Afrique du Sud. Ribéry a pris de l’ampleur, aussi bien au Bayern que dans la coulisse des Bleus, et il y a eu un renouvellement du noyau avec l’arrivée de gars parfaitement recommandables. Le fait que Deschamps n’ait pas repris Nasri est aussi révélateur. Il a voulu faire passer un message : le talent compte mais le comportement aussi. Le renouvellement a tout pour plaire et je vois cette équipe en quarts de finale. Au moins.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » L’affaire Anelka en Afrique du Sud ? L’Equipe a perdu 100.000 lecteurs. Et la fédé, 100.000 joueurs.  » Guy Roux

 » Honduras, Suisse, Equateur… ça ressemble plus au groupe de la vie qu’au groupe de la mort.  » Rolland Courbis

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire