Séance de nuit

Il est tombé au champ d’honneur contre Rafter. Olivier fut moins flamboyant.

Quel est ton bilan à Flushing?

Christophe Rochus: Je suis satisfait. J’estime avoir rempli mon contrat. A partir du moment où le tirage au sort m’avait alloué Patrick Rafter au deuxième tour, je savais que je risquais de ne pas aller plus loin. J’avais d’ailleurs réservé mon vol retour pour la Belgique pour le jeudi soir… L’an dernier, j’avais raté l’occasion de rencontrer Pete Sampras en m’inclinant d’entrée de jeu contre Justin Gimelstob. Cette fois-ci, j’ai saisi ma chance. J’ai livré un bon match contre Sergi Bruguera au premier tour et j’ai fait de mon mieux contre Rafter.

Vous n’êtes arrivé à New York que le vendredi qui précédait le début du tournoi. Un choix délibéré?

Je m’étais inscrit au tournoi de Long Island, la semaine précédente, dans le but d’avoir l’un ou l’autre match dans les jambes, mais au contraire de mon frère Olivier, mon classement ne m’a pas permis d’entrer dans le tableau final. Et l’expérience de l’an dernier m’avait refroidi. J’avais choisi de partir beaucoup plus tôt pour disputer les tournois de Washington et Long Island, mais je n’avais réussi à me qualifier pour le deuxième et j’avais dû passer neuf jours à New York sans rien faire. Ce n’est pas que je n’aimais pas la ville, mais le temps était trop long.

Vous avez eu pour la première fois le privilège de disputer un match de nuit dans le stade Arthur Ashe, le plus grand court du monde…

Je n’oublierai pas cette soirée. Quand je disputais des tournois challengers dans des pays pourris, c’est à ce genre de moments que je pensais. Le stade Arthur Ashe est vraiment imposant, mais ici à Flushing Meadow, tout est démesuré. Le restaurant des joueurs, par exemple, est aussi grand qu’un terrain de foot. Mais je m’étais dit de ne pas regarder trop haut dans les travées pour ne pas me sentir trop petit…

Rafter est un géant

Vous êtes passé à deux doigts de prendre le premier set, menant 5-2 avant de le perdre 7-5.

Je retournais incroyablement bien son service et j’étais très solide du fond du court. Malheureusement, j’ai eu un peu de malchance à 5-3 au moment de servir pour le gain de cette manche. Il n’empêche, je ne crois pas que cela aurait changé grand-chose. Mentalement, je ne possède pas encore la constance pour tenir trois sets contre un joueur de sa trempe. Et puis, il restait sur de si bons résultats ces dernières semaines, ayant atteint la finale à Cincinnati et gagné à Indianapolis, qu’il n’aurait eu aucune raison de douter face à un 79e mondial. Lorsqu’on le regarde jouer, on ne nourrit pas l’impression que sa balle a l’air d’avancer, mais il la place très bien et met une telle pression qu’il faut une énorme dose de concentration pour avoir une chance de le battre. Et au filet, c’est un véritable mur. Le nombre de fois que je croyais avoir tiré un passing-shot gagnant et qu’il était encore là pour volleyer fut énorme. En outre, c’est un athlète magnifique et un grand gentleman. A la fin du match, il m’a dit -Sorry mate. Il manquera au circuit. C’est vraiment un grand joueur.

Comment jugez-vous votre saison 2001?

En dents de scie. J’avais bien commencé, en atteignant le troisième tour à l’Australian Open, mais ensuite j’ai connu une très mauvaise tournée en Amérique du Sud, perdant quatre fois d’affilée au premier tour. Je suis passé tout près de battre Franco Squillari, contre qui j’ai eu des balles de match, dès mon arrivée au Chili, et par la suite j’ai vécu l’enfer. Cet été, je me suis bien repris, me hissant en finale du challenger de Biella et remportant celui de Venise, et atteignant également les quarts de finale à Baastad où j’ai bénéficié d’une balle de match contre Magnus Norman. J’aurais bien aimé faire mon entrée dans le Top 50 pour la fin de la saison, mais cela va être difficile.

« Je dois mieux servir »

Que vous manque-t-il pour franchir ce cap?

Si j’avais un meilleur service, je pourrais beaucoup plus facilement me mettre à l’abri et ne pas être obligé de me battre pour conserver ma place. Et puis, il me faut aussi gagner des matches qui valent cher comme ceux contre Franco Squillari et Magnus Norman. J’espère qu’avec le temps et l’expérience, je parviendrai à être plus constant et à atteindre cet objectif.

Vous êtes un garçon réputé pour votre franc-parler. Cela vous a-t-il déjà joué des tours?

A mon arrivée dans l’équipe de Coupe Davis. J’ai eu quelques problèmes avec Gabriel Gonzalez, l’ancien capitaine, et Filip Dewulf. Je suis cependant comme je suis. J’estime que dans un groupe, tout le monde à le droit de donner son avis. Ce n’est pas parce que vous êtes le petit dernier que vous devez vous taire… et pas parce que vous êtes dixième joueur mondial que vous avez tous les droits.

Ton frère Olivier est 74e et toi 79e. Qui est le plus fort?

Je ne sais pas. Olivier est le plus impressionnant. Sa balle va beaucoup plus vite. En revanche, il possède un sale petit caractère qui lui fait perdre certains matches et c’est la raison pour laquelle il ne progresse pas aussi vite qu’il le devrait.

Le fait d’être deux sur le circuit représente-t-il un avantage?

Oui. Quand je l’ai vu bien jouer alors qu’il était très jeune, cela m’a fait réaliser que moi aussi j’avais une chance de faire carrière. Et dans le même ordre d’idées, lorsque lui m’a vu arriver parmi les cent premiers joueurs mondiaux alors qu’il était encore loin au classement, cela l’a également motivé. Peut-être que nous devrions plus jouer cette carte de l’émulation aujourd’hui.

Comme au golf?

Oui, j’adore ce sport, mais j’ai aussi repris le tennis de table il n’y a pas si longtemps. En une traite, je suis passé de E6, c’est-à-dire l’équivalent de non-classé, à D0.

En golf, nous nous tenons également de très près. Il est handicap 12 et moi je suis 14. J’ai un plus long drive que lui et je putte également mieux, mais lui il frappe plus droit et commet moins d’erreurs. Moi, j’ai parfois tendance à aller dans l’eau…

Serge Fayat, à New York

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