Sclessin non, Tivoli oui

Bruno Govers

Pour des raisons extra sportives, le Bruxellois n’a pas abouti chez les Rouches. Mais il a rebondi chez les Loups.

D aniel Camus :  » Quand le Standard m’a contacté à la mi-juin en vue d’un passage dans ses rangs, il va sans dire que j’étais aux anges. Comme tout joueur belge qui se respecte, je n’avais jamais été gouverné, en bas âge, que par une seule idée : défendre un jour, sur le terrain, l’intérêt de l’un des monstres sacrés de notre football : Anderlecht, Bruges ou le Standard, précisément. En raison d’un fait divers éminemment regrettable, auquel mon nom fut malencontreusement lié autrefois, les suiveurs m’ont accolé très tôt une étiquette de pro-anderlechtois et d’anti-standardman. Mais cette conception est et a toujours été complètement erronée. Aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu plus d’affinités pour les Bruxellois que pour les Liégeois ou les Brugeois. Dès que l’un de ces clubs était appelé à disputer un match de prestige sur la scène nationale ou européenne, je répondais invariablement présent, où que ce fût. J’ai par exemple suivi assidûment les Bleu et Noir à l’époque où, sous la houlette de Henk Houwaart, ils faisaient vaciller les meilleures phalanges continentales à l’Olympiastadion. Dans un même ordre d’idées, j’ai toujours été un spectateur attentif des rencontres des Sportingmen en Ligue des Champions, au beau milieu des années 90. Quant à l’équipe de Sclessin, elle n’était jamais en reste, tant s’en faut. Je me rappelle même l’avoir accompagnée lors de son déplacement à Arsenal, voici une bonne dizaine d’années. Comme quoi, au même titre que les deux autres ténors du ballon rond sur notre sol, je portais vraiment le club principautaire dans mon c£ur « .

 » Il y avait toutefois encore une autre considération, personnelle celle-là, qui justifiait mon contentement dans le cas présent : pour moi, cette mutation en bord de Meuse était l’occasion d’exorciser à jamais un événement qui m’avait tout à la fois très fort affecté et poursuivi pendant bon nombre d’années : celui-là même qui, le 10 novembre 1990, après un match au sommet entre Anderlecht et le Standard, m’avait valu, en gare de Schaerbeek, d’être mêlé à une rixe entre les siders des deux clubs. Le perspective de porter le maillot des Rouches était, à mes yeux, la manière idéale de me racheter de mes torts et de tourner enfin la page de façon définitive. Malheureusement, le passé m’a rattrapé sous la forme de ces menaces et autres insultes de certains partisans du club de Sclessin, qui n’avaient manifestement pas oublié la scène à laquelle j’avais été mêlé. Leur attitude aura pesé d’un poids très lourd dans la balance, en ce sens qu’entre les responsables sportifs et moi, un terrain d’entente avait été trouvé sur base d’un contrat de deux ans. Le vendredi 20, je m’étais d’ailleurs soumis avec succès aux tests physiques d’usage. En vérité, plus rien ne s’opposait à la finalisation du dossier, prévue en début de semaine suivante. Dans l’intervalle, hélas, le site Internet du club a été inondé de messages hostiles à mon égard. Durant le week-end, par l’entremise de Michel Preud’homme, j’ai alors été avisé que le Standard renonçait à mon engagement suite à ces réactions. C’est regrettable mais, dans une certaine mesure, je peux comprendre la décision des dirigeants « .

Au mauvais endroit au mauvais moment

 » Mon tout premier réflexe, au moment où l’homme fort du Standard me fit part de la décision du club, fut de demander une entrevue avec les auteurs de ces lignes négatives afin que chacun d’entre nous ait l’opportunité de s’exprimer de façon approfondie. Mais la direction ne jugea pas utile d’insister et mon dossier fut définitivement classé. Dommage, car j’aurais voulu pouvoir dire à ces gens-là, comme je le fais ici, qu’ils se blousaient tout à fait en voyant en moi un Sportingman. J’aurais aimé leur signifier aussi, de vive voix, combien je déplorais le fâcheux incident que l’on sait. Un acte pour lequel j’avais d’ailleurs été condamné cinq ans plus tard. Franchement, j’aurais apprécié qu’ils me jugent sur ce que j’étais susceptible d’apporter aux Rouches cette année plutôt que sur ce passé navrant que je m’efforce d’oublier. Dans ma vie, j’ai eu la malchance d’être une fois au mauvais endroit à un mauvais moment. J’ai été jugé pour ce fait et plus jamais je n’ai eu maille à partir avec la justice depuis ce jour-là. Dès lors, pourquoi s’acharner toujours sur moi ? C’est d’autant plus navrant que je suis intimement persuadé que j’étais fait pour le Standard. S’il est exact que ce club est à la recherche de joueurs volontaires, j’aurais fait l’affaire, c’est l’évidence même. Car on peut peut-être me reprocher un tas de choses, comme une technique superficielle ou un caractère pas toujours commode. Mais jamais on ne pourra me dire que j’ai manqué de combativité ou de détermination. Si quelqu’un met sa tête là où d’autres ne mettent pas les pieds, c’est bien moi. Sous cet angle, j’aurais sûrement pu être d’un précieux apport. Mais tout le monde ne l’a pas compris ainsi. Tant pis « .

 » Heureusement, j’ai eu l’occasion de rebondir entre-temps, puisque je viens de parapher un contrat de deux ans à La Louvière. La troisième fois aura finalement été la bonne pour le club du Tivoli, qui avait déjà été désireux de m’embrigader à l’époque où j’avais signé à Charleroi d’abord, puis en Allemagne. Quelque part, j’avais peut-être, aussi, une dette envers ce club qui n’a jamais marchandé sa confiance en moi. Et cette dette, je tiens à l’honorer à présent. Même si je suis loin des conditions que m’offrait Waldhof Mannheim. Mais je ne tenais pas à rester là-bas. Malgré de nobles ambitions au départ de la défunte campagne, le club allemand dont je défendais les couleurs a basculé cet été en Regionalliga, l’équivalent de la D3 belge. Il était évidemment exclu que je l’accompagne à ce niveau et c’est pourquoi, dès le début du mois d’avril, de commun accord avec la direction, je m’étais mis en quête d’une solution de rechange. Longtemps, j’ai cru que j’aboutirais à Mainz, l’un des teams de pointe de la deuxième Bundesliga, à l’instar de Fribourg, Cologne ou Francfort. Mais lors de la dernière journée du championnat, en dépit d’un avantage de deux buts, ce club a été dépassé sur le fil, au goal-average, par l’Eintracht, et il est donc forcé de prolonger son séjour parmi l’antichambre de l’élite actuellement. S’il avait accédé au plus haut niveau, j’aurais rallié ses rangs. Mais je n’avais pas vraiment envie de militer une année de plus en D2. Car le football s’assimile trop souvent à un combat physique à cet échelon. D’accord, si je me suis fait une petite place au soleil en D1 belge, c’est sans doute grâce à mon ardeur entre les lignes. Mais en Allemagne, je ne me singularisais pas des autres à ce point de vue, que du contraire. A Mannheim, j’étais sans doute même l’un des plus tendres. C’est tout dire « .

Trois entraîneurs en une saison

 » Même si, sportivement, cette saison 2002-2003 n’a pas tout à fait répondu à l’attente, je n’en suis pas moins content d’avoir fait cette expérience outre-Rhin. En principe, vu la qualité de son effectif, le Waldhof aurait dû briguer l’une des places montantes. Mais il a payé cher certaines errances. Après dix semaines à peine, faute de résultats probants, le coach, André Egli, fut prié de céder sa place à l’entraîneur adjoint, Walter Pradt. Celui-ci requit immédiatement du sang neuf pour inverser la tendance. Aussi, pas moins de neuf joueurs, libres d’engagement, furent-ils attirés avant la date butoir du 15 janvier. Malgré cet apport, le club continua à faire de la corde raide et Walter Pradt fut à son tour limogé au profit d’un troisième mentor : Stefan Kuntz. Entre-temps, la situation financière s’était dégradée. Contrairement à ce qui se passe en Belgique, les clubs sont tributaires de leur position au classement en ce qui concerne l’argent émanant des droits de télé et des sponsors. La situation peu reluisante du club au classement ainsi que les sommes de licenciement à payer aux deux entraîneurs déchus eut, bien sûr, un impact négatif sur la trésorerie. Convaincu qu’il ne pourrait pas rassembler l’argent nécessaire pour financer une nouvelle saison en deuxième Bundesliga, le président préféra se séparer avant terme de quelques gros contrats. Ce fut le cas pour la plupart des joueurs étrangers du club : le Vénézuélien Rafael Mea Vitali, l’Ukrainien Juri Maximov, le Brésilien Everaldo et moi-même . Nous avons tous recouvré notre liberté au début du mois d’avril. Mais cela n’a pas empêché le club de terminer la saison avec un passif de 12 millions d’euros « .

 » En dépit de la possibilité de prolonger ma carrière en Allemagne, à Mainz, mon épouse avait pris soin, dès ce moment, de trouver un logement à Bruxelles, susceptible de nous servir de point de chute lors de nos rentrées au pays. Tout porte à croire que cet appartement, situé à la frontière entre Ixelles et Saint-Gilles, sera mon nouveau havre dans les mois à venir. Car je ne désespère pas de trouver chaussure à mon pied en Belgique, même si je suis conscient que la situation pécuniaire des clubs n’est pas florissante. De toute façon, celui qui s’assurera mes services ne s’en mordra pas les doigts. Car malgré ma situation actuelle, je n’accuse pas le moindre retard au point de vue conditionnel. Tous les matins, de très bonne heure, je vais courir au Bois de la Cambre. Et je fais journellement de la musculation aussi. Enzo Scifo s’était montré positivement étonné, dans un passé guère lointain, que malgré plusieurs semaines dans le noyau C de Malines, je m’étais révélé opérationnel dès mon arrivée au Mambourg. Cette fois, il n’en ira pas autrement. Aussi longtemps que je jouerai, je mettrai toujours un point d’honneur à servir loyalement mon employeur et à vivre pour mon sport. J’espère que cette attitude me servira sous peu à repartir du bon pied. Même si ce transfert avorté au Standard me reste toujours en travers de la gorge pour le moment « .

 » Les Loups ne m’ont jamais marchandé leur confiance «  » Le transfert au Standard aurait été l’occasion d’exorciser un douloureux passé « 

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