» SCLESSIN, C’EST MIEUX QUE MARSEILLE « 

Entre le Français et le Standard, le kif est aujourd’hui énorme et ça transpire de chaque phrase. En interview, il aborde évidemment Muslin, Ferrera et Dossevi, mais aussi Wiltord et Iniesta.

Adrien Trebel commence par une confidence, une très courte page de sa vie qu’il n’a jamais dévoilée :  » Tu sais que pour le même prix, je jouerais à Bruges ? En été de l’année dernière, je suis allé là-bas, j’ai négocié avec Vincent Mannaert. Il était prévu que je voie Michel Preud’homme trois jours plus tard. Ils demandaient un petit délai de réflexion. A ce moment-là, Roland Duchâtelet m’a appelé, et lui, il voulait me prendre tout de suite. J’ai foncé.  »

Et maintenant, on entend que tu vas peut-être quitter le Standard dès le mois de janvier. Qu’est-ce que tu as à dire pour ce qui est peut-être ta dernière interview belge ?…

ADRIEN TREBEL(il rigole) : Il y a des rumeurs comme ça à l’approche de chaque période de transferts, je ne peux rien y faire. Quand j’ai signé ici, j’ai dit clairement que le but était de faire deux ou trois saisons puis d’essayer d’aller voir ailleurs. Mais là, j’ai vraiment envie de finir le championnat avec le Standard. Quand je m’engage dans une saison, ce n’est pas pour partir en janvier. Maintenant, je sais que je ne serai pas le seul à décider, mais je te répète que la tendance n’est pas du tout à un départ dans quelques jours ou quelques semaines. Je sais ce que je dois à ce club, il est venu me chercher quand j’étais dans une situation délicate. J’avais refusé de prolonger à Nantes et ça s’est mal passé avec l’entraîneur et le fils du président. J’ai eu six mois très difficiles. Ici, on m’a accueilli les bras ouverts, je me suis à nouveau épanoui. Pendant l’été, quand Igor de Camargo, Mehdi Carcela, Geoffrey Mujangi Bia et Imoh Ezekiel sont partis, mon agent m’a dit : -Adri, il y a aussi des possibilités pour toi. Je lui ai répondu que je me voyais mal quitter un club qui était venu me sortir de la merde un an plus tôt. J’aurais eu l’impression de trahir le Standard.

 » DANS UN CLASICO, ON N’ENTEND RIEN, IL FAUT HURLER, C’EST MAGNIFIQUE  »

Ça a été un peu compliqué pour toi au début de cette saison, tu as aussi joué blessé. Entre-temps, tu revis…

TREBEL : D’abord, une mise au point par rapport à cette fameuse blessure… J’ai lu moi aussi que je souffrais d’une pubalgie, on expliquait même quel traitement précis je suivais. Je n’étais pas au courant ! Je n’ai pas été blessé. Oui, j’ai eu mal aux adducteurs. J’ai aussi eu mal aux genoux, sur l’avant des cuisses, à l’arrière des cuisses,… Comme tous les footballeurs après des gros efforts. Mais rien de sérieux. Si je souffre vraiment d’une pubalgie, je te promets que je suis incapable d’enchaîner les matches. Et là, je les enchaîne… Maintenant, je suis bien conscient qu’il y en a eu quelques moins bons. Pas grave, ça fait grandir. Mais si je suis le joueur du Standard qui a le plus de temps de jeu depuis l’été, c’est sans doute parce que les coaches voient que je fais le travail que je dois faire…

Ton agent a dit dans une interview que tu étais fan du public du Standard et que tu avais  » la reconnaissance du ventre « . Tu peux expliquer ?

TREBEL : Me soutenir comme ils l’ont toujours fait et comme ils le font toujours… C’est beau. Même dans mes moins bons matches, les supporters étaient derrière moi. J’ai joué dans tous les stades importants en France et je n’ai vu nulle part ce que je vois au Standard. Sclessin m’impressionne plus que le stade de Marseille ou celui du PSG. Ici, comme c’est plus petit, la résonance est extraordinaire. Dans un clasico, on n’entend rien. Des fois, j’essaie de parler mais ça ne sert à rien. C’est hurler qu’il faut faire. C’est magnifique !

 » UN MOMENT, IL FAUT ARRÊTER DE SE REGARDER LE NOMBRIL  »

Tu peux expliquer la différence entre les matches contre Bruges ? Vous êtes ridicules là-bas, vous êtes au-dessus du lot ici… On avait l’impression que ce n’était plus la même équipe, plus les mêmes joueurs.

TREBEL : Ce n’est même pas une question de joueurs. C’est une question de respect des consignes. Là-bas, on n’avait rien respecté de ce que le coach nous avait dit. Pourtant, tout était très clair. Eric Deflandre avait dit : -Quand on n’a pas le ballon, on défend en deux lignes de quatre. Ce n’est pas compliqué. Mais évidemment, à partir du moment où tu ne respectes rien, tu prends des buts. Le score était totalement logique, on peut même dire qu’on a eu de la chance de ne pas en encaisser plus. Un moment, tout le monde a lâché. C’est interdit parce qu’on est au Standard de Liège, mais voilà, on a lâché… Au match chez nous, on applique parfaitement ce que Yannick Ferrera nous a demandé et on voit ce que ça donne. Guillaume Hubert a zéro arrêt à faire, il y a juste un coup franc où il doit intervenir.

On parle encore de l’interview que tu as donnée à la télé juste après le match à Bruges. Tu as été très dur !

TREBEL : Normal, c’est la première fois de ma vie que je prends un 7-1. Ça fait super mal, ça touche ton honneur, ton orgueil, ta fierté. Alors, oui, c’est vrai, je parle et j’y vais peut-être un peu fort. Mais c’est tout moi, ça. J’ai toujours été très franc. Quand j’ai un avis, quand j’ai quelque chose à dire, je n’y vais pas par quatre chemins. Et ce jour-là, j’avais vraiment quelque chose à dire..

Tu te souviens de ce que tu as exactement dit à la télé ?

TREBEL : Oui… Que c’était inadmissible, que des gens se mettaient dans le rouge pour venir nous voir loin de Liège et qu’on ne les respectait pas, j’ai dit que Bruges avait joué un match d’entraînement, j’ai parlé d’un match entre une équipe de pros et une division d’honneur.

 » APRÈS UN 7-1, T’ES VRAIMENT LUCIDE, ÇA TE REMET LES IDÉES EN PLACE  »

Tu as dit aussi que si les responsabilités étaient trop lourdes pour certains joueurs, ils devaient changer de métier.

TREBEL : Exactement. Si on se croit trop beau, si on n’a pas envie de faire tous les efforts, si on ne veut pas mouiller son maillot pour ce club, il faut aller jouer dans une équipe où il y a moins de pression.

Ce n’était pas ta première interview rentre-dedans juste après un match. Ça ne t’a jamais valu de problèmes au club ?

TREBEL : Jamais. A Bruges, non seulement je n’ai pas cité de noms, mais je me suis carrément inclus dedans, hein ! Je n’étais pas là pour me cacher derrière les autres. Quand je suis zéro, je suis zéro, je le sais, je suis un grand garçon, je sais faire mon autocritique. Je n’ai jamais voulu faire passer un message du style : il y en a 10 qui ont été nuls et Adrien Trebel a été bon.

On peut être lucide quand on prend un micro sous le nez après une heure et demie d’effort intense ?

TREBEL : Après un 7-1, t’es vraiment lucide, ça je peux te le dire… Moi, en tout cas, je l’étais. C’est le genre de claque qui te remet les idées en place.

 » J’AI ÉTÉ ÉLEVÉ DANS L’ESPRIT DU JEU À LA NANTAISE  »

Le footballeur qui a été nourri au beau jeu à la nantaise n’a pas un peu de nostalgie quand il est dans une équipe qui ne fait plus rien de bon ?

TREBEL : C’est clair que j’ai été élevé dans cet esprit-là, dans un football à une ou deux touches. Maintenant, on sait que c’est compliqué à mettre en oeuvre chez les pros. Même à Nantes. Quand je suis arrivé en équipe Première, on ne pratiquait plus le fameux football nantais parce qu’on avait un entraîneur qui venait d’ailleurs. Je suis partisan du beau jeu mais assez lucide pour savoir qu’on ne peut pas le jouer tout le temps. Il n’y a que le Barça qui y arrive dans la durée. S’il y a des matches où on prend les trois points sans jouer au ballon, pour moi ce sont aussi des victoires belles à prendre ! En tout cas, je vois un gros changement depuis l’arrivée du nouveau coach. Il insiste énormément sur la circulation, il nous demande de ne pas dégager, de ne pas avoir peur de jouer, il veut qu’on tente des choses. Je sens une équipe beaucoup plus libérée.

Il y a un an, tu te plaignais de tes stats, tu estimais que c’était insuffisant au niveau des buts et des assists. Ça n’a guère évolué entre-temps !

TREBEL : C’est vrai mais il faut tout voir. En début de championnat, l’équipe ne tournait pas, et donc je passais mon temps à défendre, sans penser à me projeter vers l’avant. Et maintenant, on a un joueur offensif comme Mathieu Dossevi et tout lui réussit. Il tire un coup franc, on marque. Il donne un corner, on marque. Ce que je tirais avant, il le tire maintenant et ça se passe très bien, donc je ne vais même plus à côté de lui quand il pose le ballon. Moi, je suis là pour l’équilibre de l’équipe, après ça c’est aux offensifs de finir les actions. Dans certains matches, Dossevi se sent moins bien et il me demande de me charger d’une partie des phases arrêtées. Pas de problème. On est des grands garçons, on se parle.

 » JE PENSAIS QUE YANNICK FERRERA ALLAIT COMMENCER LA SAISON ICI  »

Tu as connu des matches comme celui de Dossevi contre Bruges ? Tout lui réussissait. Absolument tout !

TREBEL : Oui, il y a eu le Standard – Anderlecht de la saison passée, le dernier match de Laurent Ciman chez nous. Je fais un assist et une toute grosse prestation. Tu peux avoir des matches comme ça où tout ce que tu entreprends va au bout. Tu le sens vite. Contre Bruges, j’avais compris après quelques minutes que ça allait être l’après-midi de Dossevi. Il y a quelques phases où il élimine facilement. Puis une longue transversale, on croit que la balle va sortir, il nous fait un contrôle à la Zizou puis il continue l’action.

L’arrivée de Sambou Yatabaré t’a fait du bien. Maintenant, le duo axial dans l’entrejeu, c’est clairement lui et toi.

TREBEL : Oui, ça se passe bien, il a trois poumons, il couvre un terrain monstre. Il me dit : -Adri, t’inquiète pas, joue ton jeu, je ne vais pas te casser la tête. Si tu as envie d’aller attaquer, vas-y, je vais couvrir. Et si je sors, je sais que tu vas me couvrir.

La remontée au classement correspond un peu à l’installation de votre duo.

TREBEL : Je dis que ça correspond surtout au travail du nouveau coach, à tout ce qu’il a mis en place. Les consignes sont hyper claires et on a repris du plaisir, je pense que ça se voit.

C’était nécessaire de changer aussi vite d’entraîneur ? Il n’y avait rien de mal fait…

TREBEL : A la base, je pensais que Yannick Ferrera allait commencer la saison ici… On en parlait déjà en fin de saison passée. Il avait fait monter Saint-Trond, on connaissait les liens de Roland Duchâtelet avec ce club, pour nous il allait l’amener au Standard. Moi, ça me plaisait. On avait fait le stage de janvier en Espagne avec Saint-Trond et j’avais bien regardé les séances de Ferrera. Je trouvais ça clair et net, le discours était bien, le contenu était bien, tout me semblait bien. Aujourd’hui, j’ai parfois l’impression de me retrouver à la Jonelière, le centre d’entraînement de Nantes : on travaille beaucoup la possession de balle, tout est pensé, les exercices sont intéressants, il y a parfois cinq couleurs de chasubles. Je pense que c’est le coach qu’il nous fallait dès le début. Maintenant, ils ont mis Slavo Muslin, ça ne m’a pas posé de problème.

 » MUSLIN M’ENVOYAIT AU POINT DE CORNER, TU VOIS PARFOIS INIESTA LÀ-BAS ?  »

Entre Muslin et toi, ça ne se passait quand même pas trop bien…

TREBEL : Je lui disais simplement qu’il me demandait des choses que je n’étais pas capable de faire. Même chose avec Julien de Sart. Il est fait pour jouer devant la défense, face au jeu, il a une qualité de passe extraordinaire. Il ne faut pas lui demander de faire des infiltrations jusqu’au poteau de corner. Moi non plus. Mais Muslin voulait qu’on le fasse dès que nos backs avaient le ballon. Il voulait que je me retrouve tout au coin du terrain ou dans la surface. Normalement, dans un milieu à trois, tu joues la possession. Tu vois parfois Andrés Iniesta au point de corner ? Je le faisais parce que Muslin me le demandait mais j’avais l’impression de ne pas être utile à l’équipe.

Tu en es à ton cinquième entraîneur au Standard en moins d’un an et demi : c’est facile à gérer, tous ces changements de méthode ?

TREBEL : Ce sont les choses du foot, les choses de la vie. Tu es là pour t’adapter. A Nantes aussi, il m’est arrivé de travailler avec un paquet de coaches en peu de temps. C’est comme dans tous les métiers du monde, comme dans n’importe quelle entreprise : quand une personne ne convient plus, il faut passer à une autre. Mon père me disait toujours : -Peut-être que demain, je ne conviendrai plus dans mon boulot et je devrai partir. Peut-être que toi aussi, tu devras t’en aller parce qu’on estimera que tu ne conviens plus. Ça ne m’a jamais perturbé.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE – BRUNO FAHY

 » A présent, j’ai l’impression de retrouver le jeu à la nantaise.  » ADRIEN TREBEL

 » Je me voyais mal quitter un club qui m’avait sorti de la merde un an plus tôt.  » ADRIEN TREBEL

 » Quand je suis zéro, je suis zéro, je le sais, je suis un grand garçon.  » ADRIEN TREBEL

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