« Scifo ? J’ai toujours su ! »

L’ancien anderlechtois prend une belle revanche sur ceux qui l’avaient décrié.

Petit à petit, et même s’il subit encore des critiques qu’il juge non fondées, Walter Baseggio retrouve la grande forme. Et toute l’équipe en profite.

Si l’on vous avait dit, lors de votre arrivée à Mouscron en janvier, que neuf mois plus tard vous auriez été seul en tête du championnat avec le maximum de points après quatre matches, l’auriez-vous cru ?

Walter Baseggio : Non, bien sûr. Lorsque je suis arrivé, l’équipe se trouvait dans une situation assez délicate. Je me souviens qu’à un moment donné, il n’y avait que quatre points d’avance sur le premier reléguable. Mon premier objectif était d’aider l’Excelsior à s’extraire de cette zone dangereuse. Aujourd’hui, la situation est totalement différente. Mais il ne faut pas se focaliser sur cette première place.

Malgré les deux années de contrat qui vous restent à Mouscron, certains évoquaient déjà la possibilité d’un départ durant l’été. Avez-vous réellement eu des touches ?

Il y en a eu, oui. En Italie, en France. Cela signifie que mes prestations du deuxième tour de la saison dernière ne sont pas passées inaperçues. Mais je ne pouvais pas filer à l’anglaise : Mouscron m’a tendu une perche, j’ai une dette envers ce club. En cas de départ, il aurait fallu que tout le monde soit d’accord et que l’Excelsior s’y retrouve. Et puis, j’ai encore des choses à démontrer ici.

Si le projet mouscronnois vous plaît, et que le club continue à trôner dans les hautes sphères, serez-vous prêt à rester longtemps ?

Oui, pourquoi pas ? J’ai presque toujours joué le top durant ma carrière. La saison dernière, j’ai ressenti une drôle d’impression en étant obligé de regarder vers le bas plutôt que vers le haut. Alors, aujourd’hui, croyez bien que je suis heureux.

Etre en tête avec Mouscron ou avec Anderlecht, est-ce la même jouissance ?

Tout à fait. Se retrouver en tête, c’est toujours un bonheur intense. Avec l’Excelsior, c’est tout à fait inattendu, et c’est une belle réponse donnée à tous ceux qui nous avaient condamnés un peu prématurément.

Vous commencez à vous habituer à jouer devant 5 ou 6.000 personnes au lieu de 25.000 ?

C’est sûr que c’est différent, mais l’ambiance est bon enfant. Je savais pertinemment, en débarquant ici, que Mouscron n’avait pas les mêmes arguments qu’Anderlecht, le Standard ou Bruges. C’est un club qui essaie de faire le maximum avec ses petits moyens. Ses mérites n’en sont que plus grands. Car, pour l’instant, les résultats sont là.

 » Restons humbles « 

Qu’y a-t-il de changé par rapport à la saison dernière ?

Le club récolte les fruits de la politique menée en janvier. Le mercato a été très intéressant. Quatre ou cinq joueurs ont apporté une réelle plus-value à l’équipe. Il a fallu un peu de temps pour que la sauce prenne, mais on avait déjà livré quelques bons matches en fin de saison dernière. On avait même failli gagner au Standard, seul un grand Andrés Espinoza nous avait privés des trois points. Sur ce match-là, on aurait mérité de l’emporter, mais sur l’ensemble du championnat, je dois reconnaître que le Standard a mérité son titre. Aujourd’hui, on continue simplement sur notre lancée.

Que faut-il encore améliorer pour que cela dure ?

Eviter toutes ces petites erreurs défensives qui nous coûtent des buts stupides. Souvent, une déconcentration est à l’origine de ces erreurs. C’était encore le cas contre La Gantoise, où après avoir mené 4-0, on est parvenu à se faire peur. De tels errements ne peuvent plus se reproduire. Jusqu’à présent, ils n’ont pas porté à conséquence car on a toujours réussi à marquer. Mais le jour où l’on ne marquera plus, on sera battu.

En période de préparation, on avait mis le doigt sur votre manque d’efficacité en zone de conclusion.

Il faut replacer les événements dans leur contexte. Ces matches amicaux étaient disputés durant une période où les entraînements étaient très exigeants. On les abordait dans un état de fatigue avancé. Il nous manquait la fraîcheur requise.

En début de championnat, on avait tenté d’expliquer vos bons résultats par un calendrier facile.

Aucun match n’est facile. Lorsque je jouais à Anderlecht, je craignais davantage les petits matches que les grands. Les déplacements à Saint-Trond, à Beveren, à La Louvière, au Brussels ou à Lommel ne me disaient jamais rien qui vaille. Il faut avoir du respect pour ces équipes-là. Or, au Sporting, on avait parfois tendance à prendre ce genre de déplacement à la légère. Cette saison, avec Mouscron, on n’a pas snobé nos trois premiers adversaires. C’est cette humilité qui nous a permis de triompher.

Gand, en revanche, avait valeur de test aux yeux de beaucoup d’observateurs…

Ce match avait été présenté comme tel, mais pour nous, c’était un match comme un autre. On est conscient de nos qualités, mais aussi de nos lacunes. On sait pertinemment, aussi, qu’on a eu un brin de chance jusqu’à présent. Contre Gand, on a mené 4-0 après une heure de jeu, mais juste avant l’ouverture du score, un ballon s’était écrasé sur la barre de Mark Volders. Quelle tournure aurait pris le match si ce ballon avait atterri dans le but ? On ne boude pas notre plaisir, mais on ne doit pas verser dans l’euphorie.

 » On joue sans pression « 

Enzo Scifo a-t-il évolué durant son séjour mouscronnois ?

Il reçoit aujourd’hui beaucoup d’éloges parce que son équipe gagne. Mais lui-même n’a pas changé. Il reste aussi concentré que si son équipe ne comptait toujours aucun point. Il n’a pas modifié sa manière de travailler.

S’est-on trompé à son sujet ?

Moi pas, en tout cas. J’ai toujours su qu’il pouvait réussir. Autrefois déjà, je l’admirais comme joueur mais aussi comme être humain. C’est pareil aujourd’hui : l’entraîneur qu’il est devenu est resté un homme extrêmement correct. Il sent très bien comment il doit parler à ses joueurs. Il avait simplement besoin d’un peu de temps pour imposer sa griffe au Canonnier. Mouscron n’a pas les moyens d’acheter des joueurs capables de faire la différence sur un exploit individuel, tout est donc une question de collectif.

A Anderlecht, on achète parfois pour le simple plaisir d’acheter…

Anderlecht est un club particulier. Parfois, on voit un joueur débarquer et l’on se dit : – NomdeDieu, quelleclasseceluilà ! Puis, en match, il ne démontre plus rien. Avoir 35 joueurs dans le noyau, cela ne sert à rien. Certes, un peu de concurrence ne fait jamais de tort, mais il n’est pas indispensable de tripler ou quadrupler tous les postes. Le Standard a été champion avec 20 joueurs, la saison dernière.

Vous vous verriez devenir entraîneur plus tard ?

Il est encore trop tôt pour le dire. Pour l’instant, j’ai encore trop envie de jouer. Plus tard, pourquoi pas ? Mais, ce qui me passionnerait surtout, ce sont les jeunes. Pour les guider dans leurs premiers pas. Il ne faut pas oublier d’où l’on vient. On a tous été gamin, et on a tous eu besoin de conseils à un moment donné. Je suis aussi très sensible aux supporters. J’aime leur faire plaisir, partager un moment avec eux. Leur rendre un peu de tout ce qu’ils nous apportent par leurs encouragements.

Mouscron essaie précisément de recréer des liens avec ses supporters. Pourriez-vous jouer un rôle dans ce domaine ?

Certainement. Je suis partant pour ce genre d’activités.

Mouscron joue sans pression. Est-ce plus agréable ou est-ce déconcertant ?

Personnellement, j’ai toujours été habitué de jouer avec la pression. Elle ne m’a jamais dérangé. A Anderlecht, commencer le championnat avec un 12 sur 12 ou un 15 sur 15 était une obligation. A Mouscron, on a accueilli le leadership avec plaisir, mais sans plus. La pression que je ressens est celle que je m’impose : je sais que les gens attendent beaucoup de moi et je ne veux pas les décevoir.

Vous aimez vous sentir apprécié ?

Bien sûr, comme tout le monde. Je suis sensible aux marques d’estime. Et je commence à me sentir chez moi au Canonnier. Je trouve de mieux en mieux mes marques : les passes arrivent, on commence à développer de belles combinaisons, le physique est là.

par daniel devos – photos: belga

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