Scifo doit envier Leclercq

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Enzo Scifo nous avait déclaré en janvier, quand Charleroi était encore dans la roue du Standard: « On ne me ratera pas, le jour où mon équipe connaîtra un passage à vide ». Bien vu!

Le Sporting est aujourd’hui dans la panade, avec cinq malheureux points sur les huit derniers matches, et les anti-Scifo-entraîneur font des petits… Ils rappellent que les Zèbres étaient dans le top 5 lorsque Manu Ferrera fut viré. Et que les mêmes joueurs sont aujourd’hui condamnés à terminer la saison en roue libre. Tout cela est exact. Mais Scifo fulmine. Bizarre, quand même, de la part d’un champion qui a côtoyé une presse bien plus féroce en Italie.

« Je suis le premier à reconnaître que nos résultats sont mauvais », dit Scifo. « Cela ne me dérange pas qu’on cite mon bilan en points. Mais je ne veux pas qu’on me démolisse après quatre mois de travail. Dès le début, j’ai demandé qu’on me donne du temps. C’était bien beau de me porter au ciel après quelques bons résultats. Mais aujourd’hui, je ne vaux apparemment plus rien? Je ne crie pas partout que je suis le meilleur entraîneur mais laissez-moi faire mes preuves ».

Que vaut-il exactement? Il a raison de dire qu’il est trop tôt pour le juger. Il est simplement possible, à ce stade, de dégager quelques premières tendances. Si Scifo avait le profil de l’entraîneur exceptionnel, extraterrestre, on s’en serait déjà rendu compte. S’il avait le génie tactique de Goethals, le paternalisme de Heylens, le sens de la remise en question d’ Anthuenis et le détachement de Ferrera, il aurait déjà été happé par l’un ou l’autre grand d’Europe. A l’inverse, il serait allé dans le mur après quelques jours s’il avait les qualités de préparateur physique de Houwaart, la « science » tactique de Gzil, la susceptibilité de Waseige et la psychologie de De Mos. Scifo est toujours là et apprécié de ses joueurs: cela veut au moins dire qu’il n’a pas toutes ces tares!

On accordera donc volontiers un rabiot de crédit à l’homme dont la venue, il y a un an, a permis au Sporting d’éviter aujourd’hui des déplacements à Hekelgem ou à Denderleeuw.

« On me détruit comme si Charleroi était obligé de se qualifier pour une coupe d’Europe alors que nous n’avons que des objectifs à long terme », poursuit Scifo. Le problème, c’est que Ferrera a placé la barre très haut et que son ombre continue à planer sur le Mambourg. Pour beaucoup, le mauvais dans l’histoire du remplacement, c’est Enzo; et le bon, c’est Manu.

Si les Zèbres ont la fièvre aphteuse, les Loups ont la rage! Ils ne perdent plus depuis l’arrivée de Daniel Leclercq.

Leclercq-Scifo: deux hommes que tant de choses opposent. L’âge: le premier pourrait -à peu de choses près- être le père du second. Le look: Leclercq ne fait pas une obsession de sa présentation, Scifo a le costume-cravate collé au corps et son bronzage est nickel de janvier à décembre. L’expérience de coach: l’un a été champion de France comme entraîneur, l’autre ne l’a été qu’en tant que joueur. Le rapport avec les médias: Leclercq considère la presse comme un mal nécessaire, mais laissez un message à Scifo à 2 heures du matin et il vous rappellera à 3!

Mais l’opposition la plus radicale entre ces deux hommes qui ont repris un club en cours de saison, provient des attentes placées en eux. Scifo a hérité d’un noyau qui jouait l’Europe alors que Leclercq a trouvé des Loups qu’on n’imaginait plus en D1 l’année prochaine. Le premier a succédé à un coach qui avait réussi: Ferrera. Le second a pris la place d’un homme qui a été trahi par son manque d’expérience et le manque de professionnalisme de ses joueurs: Grosjean. Bref, Leclercq avait tout à gagner alors que Scifo avait tout à perdre. Qui reprochera quoi que ce soit au « Druide » si les Loups chutent en D2 dans deux mois? On dira qu’il a tout fait pour sauver une équipe qu’un confrère avait embarquée sur une pente savonneuse. Et il repartira tranquillement dans le Nord. Par contre, que deviendra l’image de Scifo si les Zèbres bouclent la saison à la quinzième place? On clamera qu’il a cassé le beau jouet fabriqué par Ferrera. Et en tant qu’actionnaire du Sporting, il ne pourra même pas prendre ses jambes à son cou pour saisir une deuxième chance d’entraîneur ailleurs.

Pierre Danvoye

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