Schtroumpf moins grognon

Il a tout gagné avec les Nerazzurri, a failli être champion du monde avec les Pays-Bas, a épousé une des plus belles Hollandaises et s’est converti au catholicisme. A 26 ans, il est enfin en paix avec lui-même ! Explications.

B illy Bigmans. C’était le surnom dont Henk ten Cate alors qu’il entraînait l’Ajax, avait affublé Wesley Sneijder pour le titiller sur son excès de poids. Nous sommes en été 2006 et le club amstellodamois se prépare pour la saison à venir. Ten Cate estime que le joueur est trop vite content de lui et qu’il est impératif de travailler sa condition. Le coach trouve le seul ton que le médian comprenne : dur et direct.

C’est le seul moyen de stimuler le gamin d’Utrecht et de l’encourager à visiter plus souvent la salle de fitness et de transpirer. Sneijder le reconnaîtra plus tard :  » Henk m’a fait prendre conscience de ce qui était indispensable pour rejoindre le top. Ce surnom n’était pas particulièrement flatteur et c’est ça qui a fouetté mon orgueil. J’ai travaillé d’arrache-pied et Ten Cate m’a récompensé en m’offrant un rôle libre, dans l’axe de l’entrejeu. Ce fut ma meilleure saison à l’Ajax. Dès lors, j’étais prêt pour l’étranger. « 

Sourire venimeux

D’emblée, l’Ajax a compris que le petit Sneijder (1,70 m) était surdoué. Il a joué à Amsterdam de 2002 à 2007. Cependant, il était aussi un semeur de troubles, un garçon qui ne mâchait pas ses mots alors qu’il était un des plus jeunes du noyau ! Même Wesley Sonck, qui n’est pas réputé pour avoir sa langue en poche non plus, a sursauté. Ainsi lorsqu’il se plaignait auprès de Sneijder qu’il avait tiré un coup franc au but alors qu’il était mal placé et qu’il aurait dû effectuer une passe, il se fit insulter en retour.

Dans le magazine flamand Humo du 8 février 2005, Sonck, qui a porté le maillot ajacide de 2003 à 2005, commente :  » Certains joueurs, comme Sneijder, se permettaient de dire n’importe quoi sans être rappelés à l’ordre. Mais il a certes reçu une fois une amende pour avoir fait un doigt d’honneur à l’intention de l’entraîneur, Ronald Koeman !  »

Durant sa dernière saison à l’Ajax, Sneijder a également été suspendu pour deux matches, ayant traité un arbitre de… chien aveugle ! Son arrogance lui a valu maints revers. C’est ainsi qu’en octobre 2004, l’éditorialiste Hugo Borst rédige dans les colonnes de l’ Algemeen Dagblad une description plutôt critique d’un  » porte-clefs qui se croit une figure-clef « , le tout sous le titre  » Monsieur Sneijder mérite une leçon « .

Un passage :  » La saison passée, Monsieur a clamé qu’aucun joueur chevronné de l’Ajax ne pouvait lui apprendre quelque chose. C’était insultant, surtout que Jari Litmanen faisait toujours partie de l’équipe. Il a aussi affiché à l’entraînement son manque de respect à l’égard du Finlandais qui avait contribué à la grandeur de l’Ajax dans les années 90. Wesley et Jari s’expédiaient le ballon, à deux mètres de distance. Délibérément, Sneijder a adressé un envoi tendu à Litmanen, pour le toucher. Sans broncher, Litmanen lui a rendu la pareille. Mais je constate aussi le rendement et la recherche de l’esthétique de Wesley Sneijder. Il veut toujours tout résoudre footballistiquement, il joue des deux pieds, possède un superbe tir à distance et a le sens du but. Mais il a toujours ce sourire venimeux de sale gamin sur les lèvres. Se nourrir d’agressivité et d’arrogance n’est bon pour personne, mais il semble excessif de lui demander d’être agréable à fréquenter.  »

La métamorphose

Certains ont retenu leur souffle le lundi 28 juin 2010, quand Robin van Persie a quitté le terrain, furieux, en huitièmes de finale du Mondial, contre la Slovaquie. Il ne fallait pas savoir lire sur les lèvres pour comprendre que van Persie s’en prenait au coach Bert van Marwijk pour l’avoir fait sortir à la place de… Sneijder. Devant les caméras de la NOS, ce dernier a réagi avec un calme surprenant :  » J’aurais été plus impulsif il y a quelques années mais j’ai appris à réfléchir à deux fois avant de réagir. Le passé m’a appris à peser mes mots.  » Van Persie lui-même a minimisé l’incident par la suite.

Pourtant, les deux hommes ne s’entendent plus depuis le quart de finale de l’EURO 2008, perdu 1-3 contre la Russie. Trois mois après l’élimination, Sneijder avait dévoilé, dans Het Parool, que van Persie n’avait pas respecté les consignes en exigeant de botter un coup franc particulièrement bien placé.

Le lendemain, l’avant d’Arsenal réagissait dans les colonnes de l’ Algemeen Dagblad :  » Nous aurions pu en discuter à l’hôtel à l’issue du match, voire même au petit déjeuner. Mais après cette défaite, Wesley, sans l’accord du sélectionneur, a préféré passer la nuit avec sa famille dans un autre hôtel. En parlant de consignes…  »

Il est aussi entré en conflit avec un autre cadre des Oranje : Mark van Bommel. Le 1er avril 2009, Sneijder revient sur ses disputes avec les autres internationaux dans Voetbal International :  » On a propagé beaucoup de mensonges depuis l’EURO. C’est dommage car c’était justement le moment où l’équipe nationale en voulait à nouveau, avec un nouveau sélectionneur, van Marwijk. En interne, nous n’en avons plus guère discuté, c’est éloquent, non ? C’est le monde extérieur qui grossit tous les événements. Je n’ai jamais vécu une seule saison durant laquelle chacun était l’ami des autres. Ce n’est absolument pas nécessaire, pour autant que chacun poursuive le même objectif, ce qui est le cas.  »

Selon Hugo Borst, certains joueurs et membres du staff technique auraient voulu écarter Sneijder de la sélection. Bon nombre de ses équipiers le surnommaient du reste le Schtroumpf ou Snejidertje (petit Sneijder) en guise de moquerie. Quoi qu’il en soit, Wes s’est départi de son comportement irritant et de ses caprices depuis un an et demi. Qu’est-ce qui a induit ce revirement ou plutôt qui ? Deux personnes entrent en ligne de compte : José Mourinho et… Yolanthe Cabau van Kasbergen.

Mourinho, le deuxième père

Eté 2007 : Sneijder réalise un transfert de rêve au Real Madrid. Durant sa première saison, sous la férule de Bernd Schuster, il casse la baraque et remporte le titre. Juande Ramos, qui remplace Schuster dans le courant de la saison 2008-2009, croit initialement dans les aptitudes du petit Batave mais celui-ci ne marque que deux buts et ne délivre que deux assists.

Il ne faut pas chercher longtemps les causes de sa perte de rendement : en début de saison, il s’est gravement blessé et est resté sur la touche plusieurs mois. En outre, il lui est difficile de résister aux attraits de la vie nocturne madrilène. Son mariage avec son amour de jeunesse, Ramona, la mère de son fils Jessey, vacille. Et la fin sportive à Madrid se vit en mode mineur…

Au terme de la saison, c’est l’Italie qui lui tend la main. José Mourinho le veut à tout prix à l’Inter et comme au Real, certains ne supportent carrément plus le Hollandais, le transfert se réalise facilement. A Milan, Sneijder n’est plus une étoile parmi d’autres car Mourinho fait de lui sa plaque tournante. L’entraîneur portugais place deux médians défensifs, Thiago Motta et Esteban Cambiasso, dans son dos et il peut donc se consacrer à la seule offensive.

En équipe nationale, soutenu par Nigel de Jong et van Bommel, il évolue dans un registre semblable mais il est encore davantage un numéro dix à l’Inter. La grande différence, c’est qu’il ne renâcle plus à effectuer sa part de travail défensif. Il l’a reconnu lui-même dans une interview à Voetbal International (28 avril 2010) :  » Il y a quelques années, je défendais peu. Je n’étais pas un coureur. A cette époque de ma carrière, je n’avais pas un coffre suffisant et je ne pouvais compenser cette carence par ma seule technique. Je n’avais pas la même mentalité non plus. J’ai dû effectuer tout un processus avant de devenir le footballeur que je suis actuellement.  »

Si sa mentalité a changé, il le doit à des fortes personnalités comme ten Cate et Mourinho. Le Portugais n’a pas hésité à donner de l’importance au joueur rejeté par le Real. Et cette responsabilité n’a jamais fait peur à Sneijder. Il en est même sorti plus fort encore. On a vu le résultat la saison passée : le titre, la Coupe et la Ligue des Champions.

Pendant le Mondial, il a lâché, de son hôtel en Afrique du Sud :  » Je ressemble un peu à Mourinho. D’ailleurs, il aurait pu être mon père. Je l’adore. Il a compris quel joueur je suis. C’est quelqu’un de très proche du groupe. Dans l’avion, il s’assied au fond, parmi les joueurs. Bert van Marwijk ne fait pas ça. « 

Pourtant, il ne suivra pas Mourinho au Real. Car il a de bonnes raisons de rester à Milan : sa nouvelle femme adore le shopping et se sent comme un poisson dans l’eau dans la capitale de la mode…

Catholique pratiquant

L’actrice et présentatrice Yolanthe Cabau van Kasbergen (25 ans) a joué un grand rôle dans la métamorphose de son mari. Il y a un peu plus d’un an, ils ont fait connaissance et tout s’est enchaîné : ils se sont déjà mariés civilement et religieusement. A l’église, car Sneijder s’est fait baptiser il y a quelques mois, cédant à l’insistance de Yolanthe, catholique pratiquante. L’événement a eu lieu à la chapelle du complexe d’entraînement de l’Inter et depuis, il est aussi catholique pratiquant. Pendant le Mondial, il priait tous les jours, avec Yolanthe, parfois par téléphone, et il récitait régulièrement un Notre Père en compagnie d’un prêtre. Avant chaque match, il cherchait un endroit tranquille où se recueillir.

Entre-temps, il semble que Rafael Benítez, le nouvel entraîneur de l’Inter, ait entendu les prières du joueur. Le coach espagnol, le visage de Liverpool pendant des années, a annoncé qu’il souhaitait ardemment travailler avec Sneijder. L’arrivée du médian offensif Philippe Coutinho ne changera pas grand-chose. Le Brésilien n’a que 18 ans et constitue davantage une solution d’avenir qu’une menace directe pour Sneijder.

par steve van herpe

« Je n’ai jamais vécu une seule saison où tout le monde était ami. Ce n’est absolument pas nécessaire… « 

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