Scène de ménage à 3

Italie, France, Pays-Bas : 3 monstres pour 2 places en quarts de finale. Baseggio, Dembélé et Van Veldhoven répondent aux grandes interrogations du Groupe C.

Walter Baseggio (Mouscron) et l’Italie :  » Luca Toni est un monstre, il peut être LA révélation de l’EURO « . Siramana Dembélé (Standard) et la France :  » La moyenne d’âge est élevée, ça pourrait poser problème « . Harm Van Veldhoven (Germinal Beerschot) et les Pays-Bas :  » Une attaque extraordinaire mais une défense de deuxième zone « .

Qui est selon vous le leader naturel de l’Italie / de la France / des Pays-Bas ?

Walter Baseggio : Le capitaine naturel, qui donne le ton, c’est Fabio Cannavaro. Vu sa blessure, son rôle devrait être repris par Andrea Pirlo, qui fait tourner l’entrejeu et toute l’équipe. Il accélère quand le jeu doit être accéléré et temporise quand c’est nécessaire.

Siramana Dembélé : Lilian Thuram, sans hésiter. Tout parle pour lui : ses expériences, ses succès, sa sagesse. C’est un rôle qu’il assume naturellement, il ne force pas du tout. En retrait, il y a Claude Makelele et Patrick Vieira.

Harm Van Veldhoven : J’en vois deux : Rafael van der Vaart et Ruud van Nistelrooy. Dans une moindre mesure, il y a Wesley Sneijder. Et en défense, il n’y a personne. André Ooijer est peut-être son patron naturel, vu son âge, mais ça s’arrête là.

Quels sont les principaux atouts de l’Italie/ de la France/ des Pays-Bas ?

Walter Baseggio : L’expérience. Ce groupe-là aborde un EURO ou une Coupe du Monde avec les doigts dans le nez, c’est presque une routine. L’Italie a un peu piétiné en début de qualifications parce qu’il y avait eu l’un ou l’autre départ, dont celui de Francesco Totti. Mais tout s’est assez vite remis en place et on a retrouvé ce qui avait fait la force de la Squadra au Mondial 2006 : la même base, le même jeu, la même solidité. Et toujours la même façon d’être présent dans les grands rendez-vous. Les Italiens devaient réaliser un résultat en Ecosse pour garder leurs chances de qualification : ils s’y sont imposés sans discussion. Dans ce match-là comme dans d’autres, c’est d’abord le vécu qui a parlé. Ce vécu peut encore parler durant l’EURO.

Siramana Dembélé : Son homogénéité, son équilibre et le fait que l’équipe ait peu changé depuis la Coupe du Monde 2006. On entend parfois que la France est trop offensive, trop défensive, trop ceci, trop cela. Moi, je vois un bloc compact qui est bon partout. Il faut être fort pour y déceler une faiblesse criante. A côté de ce bloc, il y a des individualités phénoménales comme Franck Ribéry, Nicolas Anelka ou Thierry Henry qu’on ne peut certainement pas condamner après sa saison difficile à Barcelone. Un cran en dessous, je citerais des gars comme Grégory Coupet, Claude Makelele ou Lilian Thuram, eux aussi capables de sortir de la grisaille quand l’équipe traverse un passage à vide.

Harm Van Veldhoven : L’incroyable puissance offensive de cette équipe. Les Pays-Bas, c’est l’inverse de la Belgique : ils ont toujours eu plus de bons attaquants que de bons défenseurs. C’est une question de formation, de tradition, de constance à travers l’histoire : Robbie Rensenbrink, Johan Cruijff, Marco van Basten, Ruud Gullit,… Ce pays a presque toujours eu les meilleurs attaquants d’Europe et même du monde. Aujourd’hui encore, c’est impressionnant avec énormément de Hollandais qui marquent comme ils respirent dans les plus grands championnats : Ruud van Nistelrooy, Arjen Robben, Robin van Persie, Ryan Babel, Jan Vennegoor of Hesselink, Klaas Jan Huntelaar. La force offensive est impressionnante aussi dans l’entrejeu avec des types comme Wesley Sneijder ou Rafael van der Vaart. Ils sont tous capables de marquer.

Quelles sont les faiblesses de l’Italie / de la France / des Pays-Bas ?

Walter Baseggio : Peut-être la moyenne d’âge élevée de sa défense. Elle a été parfaite au Mondial, mais deux ans de plus, c’est peut-être beaucoup quand on fonce vers la fin de sa carrière. Cristian Panucci a 35 ans. Marco Materazzi les aura dans quelques semaines. Gianluca Zambrotta a 31 ans. A cet âge-là, on ne peut plus être aussi vif que des gamins. Il y a moyen de mettre l’Italie en difficulté en profitant de ce point faible.

Siramana Dembélé : Je pense à la moyenne d’âge de l’équipe et au programme infernal qu’ont connu certains cadres du noyau pendant toute la saison. Des gars comme Claude Makelele, Patrick Vieira et Franck Ribéry ont bossé comme des malades, la dépense d’énergie a été énorme. A l’opposé, un Lilian Thuram aura peut-être du mal à retrouver le rythme après une saison où il n’a pas énormément joué. Il faudra être capable de gérer trois gros matches par semaine à un moment où beaucoup de joueurs sont épuisés : c’est un point d’interrogation, surtout chez ceux qui tirent vers la fin de carrière.

Harm Van Veldhoven : La défense. C’est à coup sûr le talon d’Achille de cette équipe. La première explication, c’est que les défenseurs sont souvent abandonnés à leur sort, tellement les autres joueurs ont des envies offensives. Et prenez les défenseurs un par un : c’est moins prestigieux que les attaquants. Des gars comme Wilfred Bouma (Aston Villa), Tim De Cler (Feyenoord), John Heitinga (Ajax), Joris Mathijsen (Hambourg) ou André Ooijer (Blackburn) sont dans de bons clubs européens, mais s’ils brillent là-bas, c’est d’abord parce qu’ils sont parfaitement entourés.

Quelles conclusions tirez-vous de la campagne qualificative de l’Italie/ de la France/des Pays-Bas ?

Walter Baseggio : Les débuts ont été difficiles, avec un nul contre la Lituanie et une défaite en France. Les joueurs étaient encore sur le nuage de la Coupe du Monde et tout le monde les attendait au tournant : c’était chaque fois le gros bazar qui débarquait. Certains ont directement enterré l’Italie, mais après cela, ce fut le parcours presque parfait. Gagner en Ukraine et en Ecosse n’est pas donné à tout le monde. La France n’a pris qu’un point sur six dans ces matches-là. Je retiens aussi l’éclosion de deux attaquants qui ne sont qu’à l’Udinese, pas à l’Inter ou à l’AC Milan : Antonio Di Natale et Fabio Quagliarella. Et j’ai été surpris par l’affirmation de Marco Borriello. Je l’ai eu comme équipier à Trévise : il n’en touchait pas une, il ratait tout. Aujourd’hui, c’est un des meilleurs du championnat.

Siramana Dembélé : On a gardé un petit goût de trop peu. Les Français ont été dominants en début de campagne, puis ils ont connu un passage à vide qui a effrayé pas mal de monde. Ils avaient joué les premiers matches en poursuivant sur leur dynamique du Mondial, ensuite ils ont commencé à se poser des questions. Un parcours tout à fait inverse à celui des Italiens. La campagne des Bleus s’est un peu finie en queue de poisson, mais moi, je ne me suis jamais posé de questions. Je savais qu’ils passeraient, et s’ils avaient été obligés de gagner leur dernier match, en Ukraine, ils l’auraient fait.

Harm Van Veldhoven : Ce fut une campagne à deux vitesses. Les Hollandais ont été très vite rassurés sur leur qualification et à partir de ce moment-là, ils ne se sont plus vraiment préoccupés de terminer premiers ou deuxièmes de leur poule. Il y a eu un relâchement, ils ont commencé à beaucoup discuter, notamment de la meilleure tactique à utiliser. Toutes ces palabres n’ont pas fait de bien à l’équipe, et quand Marco van Basten a annoncé qu’il partirait à l’Ajax après l’EURO, ça a encore un peu plus dégénéré. On a vu une équipe fort nonchalante, avec des joueurs qui avaient du mal à se concentrer sur ces matches amicaux. Comme si ça les ennuyait de quitter leurs grands championnats pour disputer des rencontres sans grande importance. La Roumanie en a profité pour terminer en tête.

La Roumanie est-elle condamnée à jouer les utilités dans le groupe ?

Quelles sont les ambitions au pays ?

Walter Baseggio : Non. Je me méfie de cette équipe. Ce n’est pas un hasard si elle a terminé en tête du groupe des Pays-Bas dans les qualifications : ça joue bien au foot, c’est technique à souhait et il n’y a pas que des nobodies dans cette équipe : Adrian Mutu est à la Fiorentina, Stefan Radu à la Lazio, Cristian Chivu à l’Inter et il y a encore d’autres joueurs dans des clubs européens valables. Il ne faut surtout pas rigoler avec les Roumains !

Siramana Dembélé : La Roumanie a moins de chances de qualification mais elle ne sera pas ridicule. Son gros parcours en éliminatoires a suscité le respect. Terminer devant les Pays-Bas, ce n’est pas rien. Il y a là-bas une jeune génération montante, des gars qui ont la culture de l’Europe de l’Est : ça sait jouer au foot, ce n’est pas très rapide mais c’est hyper technique. Cela m’inspire plus confiance que des Hollandais qui sont d’éternelles déceptions.

Harm Van Veldhoven : Normalement, oui. L’équipe roumaine est bien équilibrée et très organisée. Elle peut devenir un outsider dangereux si tout s’emboîte bien pour elle. Mais sur le papier, elle n’a pas les mêmes arguments que les trois autres équipes du groupe. Sa seule chance est de marquer en premier lieu car les adversaires devront alors prendre tous les risques et les Roumains sont capables de faire mal une deuxième fois.

Quelles sont les ambitions au pays?

Walter Baseggio : Les ambitions sont énormes, il y a un seul mot d’ordre : aller jusqu’en finale et la gagner. Tout autre résultat sera vécu comme un gros échec. Quand on est champion du monde, on a le devoir de maîtriser toutes les équipes européennes.

Siramana Dembélé : Le Français est chauvin et il voit son équipe jouer l’EURO pour le gagner, pas pour viser un deuxième prix. Il y a d’autres gros favoris mais je pense que cette ambition est tout à fait réaliste.

Harm Van Veldhoven : Le titre et rien d’autre. Les Hollandais abordent chaque tournoi pour le gagner, ils sont toujours extrêmement optimistes. Cela se remarque d’ailleurs au nombre de supporters qui se déplacent partout. Les Belges voient d’abord ce qui ne va pas dans leur équipe nationale, les Hollandais ne voient que ce qui marche. S’ils ne vont pas au moins en finale, la déception sera énorme.

Quelles réactions et quelles grandes décisions prévoyez-vous au pays en cas de non-qualification pour les quarts de finale ?

Walter Baseggio : Les critiques se déchaîneraient, comme après le parcours décevant de l’Inter et de l’AC Milan en Ligue des Champions. Mais je ne pense pas que Roberto Donadoni serait menacé car il a rempilé pour deux ans. Par contre, titre ou élimination précoce, on peut s’attendre à une vague de départs chez les joueurs : Marco Materazzi, Fabio Cannavaro, Christian Panucci, Alessandro Del Piero et sans doute d’autres encore. Ils seront vraiment trop âgés en 2010 et la relève est de toute façon prête, avec de bons jeunes en équipe A et une très bonne génération d’Espoirs.

Siramana Dembélé : Ce serait une catastrophe . Les conséquences ? Le départ automatique et sur la pointe des pieds de quelques anciens du noyau comme Claude Makelele, Willy Sagnol, Grégory Coupet et Patrick Vieira. Par contre, je ne suis pas du tout persuadé que Raymond Domenech sauterait. Tout le monde est content de ce qu’il a réalisé jusqu’à présent avec les Bleus. D’ailleurs, on ne cite jamais de noms de successeur potentiel. La Fédération pourrait-elle se permettre d’aller en dénicher un à l’extérieur alors qu’elle n’arrête pas de vanter les mérites de son école d’entraîneurs et de la Direction Technique Nationale ? Je ne crois pas.

Harm Van Veldhoven : Le statut de Marco van Basten serait fort remis en question. Tout le monde n’accepte pas qu’il soit resté à la tête de l’équipe après avoir signé à l’Ajax pour la saison prochaine. Aux Pays-Bas, c’était un dieu quand il jouait, mais il n’a plus cette auréole depuis qu’il est sélectionneur, ses choix sont souvent discutés. Il prend un risque dans cet EURO. Au niveau du noyau, deux joueurs importants risqueraient de sauter, vu leur âge : Ruud van Nistelrooy et Jan Vennegoor of Hesselink. Les autres sont surtout des jeunes qui promettent. En cas d’élimination précoce, je m’attends aussi à ce que la presse et le grand public réclament une nouvelle rigueur défensive.

Qu’est-ce qui peut faire capoter l’EURO de l’Italie/de la France/des Pays-Bas ?

Walter Baseggio : Le niveau de la France et une certaine facilité toujours possible contre le plus petit adversaire du groupe sur le papier : la Roumanie. Les Italiens sont rarement aussi bons contre les petits que face aux grands.

Siramana Dembélé : La multitude de vedettes ne sera pas un handicap. On connaît plus ou moins l’équipe type et la donne est bien définie. Mais si les Bleus se retrouvent en ballotage au moment de jouer le dernier match du groupe, contre l’Italie, ce sera très chaud. Le pire des cadeaux.

Harm Van Veldhoven : Le danger pourrait venir du surplus de vedettes dans ce noyau. Le coach devra forcément laisser l’une ou l’autre star sur le banc. Comment réagiront-elles ? Beaucoup de joueurs veulent avoir des responsabilités et être protégés : c’est impossible.

Quel joueur italien/ français/néerlandais peut être LA star de l’EURO ?

Walter Baseggio : Luca Toni. Il est extraordinaire. Il défend, dévie, donne des ballons de but et marque. J’ai joué contre lui : on est impuissant face à un monstre pareil.

Siramana Dembélé : Franck Ribéry. Toute la France pense qu’il peut exploser complètement dans cet EURO. Il est arrivé à maturité, il sort d’une grosse saison avec le Bayern et il a une grande soif de conquête. Attention aussi à Thierry Henry : on l’a enterré après sa moche saison au Barça mais il n’accepte pas du tout cela.

Harm Van Veldhoven : Rafael van der Vaart. Tout le monde s’emballe pour Robin van Persie, moi je craque pour Van der Vaart. Il a une technique phénoménale, de l’impact sur toute l’équipe, il donne des assists et marque. Il peut jouer plus haut qu’à Hambourg, viser l’Espagne. Le seul danger, c’est qu’il soit bloqué dans l’entrejeu par Nigel de Jong, Giovanni van Bronckhorst ou Wesley Sneijder. Si tous ceux-là commencent à se marcher sur les pieds, ce sera un problème.

Quel est votre pronostic pour le classement du groupe ?

Walter Baseggio : 1. Italie, 2. France, 3. Pays-Bas, 4. Roumanie.

Siramana Dembélé : 1. France, 2. Italie, 3. Roumanie, 4. Pays-Bas.

Harm Van Veldhoven : 1. Italie, 2. France, 3. Pays-Bas, 4. Roumanie.

par pierre danvoye

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