Sauce piquante

En 13 saisons de D1, l’attaquant bruxellois a fait le tour de Belgique.

M arc Wuyts, qui a joué 13 saisons en D1, a accompli son tour de Belgique : Anderlecht, RC Malines, Charleroi, RWDM (deux fois), St-Trond, Mouscron et La Louvière. Avec du meilleur et du pire. Dans cette dernière catégorie, il range incontestablement la lamentable fin du club molenbeekois dont il a été victime, en 2002, au même titre que 45 familles (joueurs, entraîneurs, kinés, personnel administratif et d’entretien).

 » On habite l’un près de l’autre, à Grimbergen, et quand je croise Eric De Prins, il a le culot de me dire bonjour « , regrette Marc Wuyts.  » Ce n’est pas croyable. Il est à la base de la catastrophe financière du RWDM et de sa disparition. Le club me doit huit mois de salaire et la prime de montée en D1. Le syndicat Sporta s’en occupe, mais c’est lent, et j’ai aussi demandé à un avocat de me défendre. Cette année-là j’ai vécu deux faillites, celle du RWDM et celle de la Sabena où mon épouse travaillait depuis 18 ans « .

Marc Wuyts, alors adjoint d’ Emilio Ferrera, espérait que le club survivrait en D3 et organisa quelques matches amicaux avec les joueurs restant sur le carreau, mais après la radiation le 22 août 2002, il se retrouva sans rien. Il créa alors, en décembre, l’asbl Footballeurs sans Frontières, avec Francis Marcos, déjà à la base d’une pareille initiative il y a quelques saisons avec Tom Frivaldszky, ex-entraîneur du RWDM. But : permettre aux chômeurs de maintenir leur condition physique ( Régis Genaux, de passage, estima que l’entraînement vaut celui de D1) et d’être vus. Venus de tous horizons, 48 de ces laissés-pour-compte étaient inscrits en juillet et s’entraînaient quatre fois par semaine au stade Verbist, dans le Parc Marie-José à Molenbeek. Le Trudonnaire Danny Sempel, entraîneur de jeunes à Anderlecht, apporte son concours.  » Depuis le 15 juin, l’Union Belge nous autorise à organiser des matches amicaux. C’est indispensable car on tournait un peu à vide. Coup sur coup, nous avons joué contre Renaix, le Cercle Bruges, Denderleeuw et l’Union St-Gilloise. Ce qui m’embête, ce sont ces types qui viennent rôder par ici et contactent les garçons sans rien me dire. Je précise immédiatement que je travaille bénévolement. Récemment, coup sur coup, deux joueurs se sont désistés quelques heures avant un match amical :- Monsieur, j’aitrèsmalauventre, jeneviendraipascesoir ! Inadmissible. Je prends des engagements pour ces matches, comment remplacer au pied levé ? Je vais donner un coup de fil à Raymond Mommens, entre autres, car un type est venu pour Charleroi… S’il m’avait prévenu la veille, d’accord, mais pas ainsi. Un autre a été embarqué pour Anderlecht de la même manière… Anderlecht, tu te rends compte ? Ils sont déjà 50 dans le noyau ! Enfin… Tous mes garçons ne trouveront pas embauche, parce qu’il y a de moins en moins de clubs et de plus en plus de joueurs débarqués, mais si 15 à 20 % trouvent un job, je serai satisfait. C’est quasi un problème social. La fédération devrait nous aider, et un ou deux sponsors seraient également les bienvenus. On ne pourra pas continuer ainsi, c’est trop lourd. Il faudra une autre structure, un avocat s’en charge « .

Un goût de trop peu

Depuis quelques semaines, Marc Wuyts a aussi entamé sa carrière d’entraîneur principal au RJ Wavre, en 1re Provinciale. Un contrat d’une saison de quatre entraînements par semaine, en soirée.  » Un seul joueur est resté et 13 joueurs de moins de 19 ans composent le noyau. Mon plan de travail est axé sur la discipline, même sur les détails : plus question d’aller pisser derrière un arbre pendant l’entraînement, comme je l’ai déjà remarqué. On se soulage avant… Mais, je sais rigoler, cela aussi ils l’ont compris « .

Attaquant en retrait, vif et technique, habile en combinaisons courtes, et capable de tirs surprenants, Marc était un 9,5 comme il se définit lui-même.  » Pas un 10 meneur de jeu, pas un 9 en pointe non plus car j’entrais rarement dans les 16 mètres. Mais des passes courtes, des assists, cela oui « . Bref, plutôt du genre Marc Degryse ou Roberto Baggio. Jeune, il accumula les sélections nationales : une en Cadets, deux en Scolaires, 24 en Juniors et neuf en Espoirs. Pas de A.  » A ma meilleure période à Charleroi, Paul Van Himst a eu un £il sur moi, mais de nombreuses blessures et quatre opérations en 13 saisons et certains coups de gueule m’ont, sans aucun doute, bloqué. Et puis, Anderlecht mis à part, mes clubs étaient moyens, avec des hauts et des bas, et moi je suivais le mouvement. Je flambais souvent les premiers mois, perdais pied aux passages à vide de l’équipe, puis revenais à la surface… Je n’ai jamais pu jouer une saison régulière comme Cédric Roussel, par exemple, qui a eu cette chance à Mons. Tout cela, je l’ai payé. Oui, il y a un goût de trop peu dans ma carrière, mais il y eut du très bon, du très positif. 13 saisons en D1, cela se mérite, non ? »

Revue de détail du tour de Belgique de Marc-le-bourlingueur, né à Woluwé-St-Lambert le 12 septembre 1967 et affilié à l’Olympic FC Stockel où il est repéré par Jef Van Ingelghem, ex-international du Daring et entraîneur des Minimes anderlechtois. Filip Van Wilder et Pierre Hanon le prennent en charge en Cadets, Scolaires et Juniors, et à 17 ans et demi, Paul Van Himst le fait vaciller de joie en l’intégrant dans le noyau A pour un match de Coupe des Champions à Nicosie, en 1985.  » Tu t’imagines ? Dans l’avion avec Juan Lozano, Enzo Scifo, Georges Grün, Per Frimann ! Je n’ai pas joué, ce n’était pas prévu d’ailleurs, mais un peu plus tard, sous Arie Haan, j’ai signé pro pour trois saisons et j’ai débuté au FC Liégeois, comme remplaçant d’ Arnor Gudjohnsen à trois minutes de la fin. Et mieux que ça, j’ai joué la dernière demi-heure d’Anderlecht-Bayern Münich (2-2) en Coupe des Champions 86-87. Pas mal à 20 ans « .

Entraînement à Noël

Successeur d’Arie Haan, Georges Leekens a été viré après la trêve. Marc, lui, n’était plus dans le coup, opéré en septembre au tendon d’Achille.  » J’ai repris avec Raymond Goethals qui m’appréciait, je crois. Comme conseiller de Daniel Renders au RJ Bruxelles, il avait suggéré de me transférer. Il m’a aligné régulièrement, mais jamais dix matches d’affilée : il couvait ses titulaires. Il m’utilisait parfois au médian droit défensif, et même à l’arrière en l’absence de Georges Grün. Ce fut le cas à Bruges, face à Jan Ceulemans. Il m’a eu : sur un long dégagement, je suis passé en dessous du ballon et Caje a lobé Filip De Wilde. Je suis aussi monté à Anderlecht-FC Malinois en Coupe des Coupes 88-89, une douloureuse défaite pour le Sporting. Peu avant l’arrivée d’ Aad de Mos, j’ai resigné pour deux ans. Il donnait la priorité aux jeunes et a pris Luis Oliveira, Johan Walem et Bertrand Crasson dans le noyau, pas moi. Il m’a dit :- Tuesprodepuistroissaisonsettunet’espasimposé, tupeuxpartir ! Sa logique m’a fait d’autant plus râler que deux mois avant, le Sporting avait refusé une offre du Lierse. J’ai alors accepté un contrat de dix mois de location au RC Malines. Là, j’ai dû tourner le bouton : fini le jeu académique. Cela m’a forgé le caractère. Comme points forts à Malines, je revois Marc Grosjean, l’international hollandais Benny Wijnstekers et Krohm, un bulldozer allemand. A Beveren, j’en mets trois et on gagne 3-4. Georges Heylens m’a alors proposé un contrat de trois ans à Charleroi, et Anderlecht a empoché 15 millions de francs belges. Il y avait du beau linge à l’époque au Mambourg : Hurtado, Brogno, Beugnies, Mommens, Suray, Pugh et Stojic, engagé en même temps que moi. Un redoutable pro, ce Stojic, il ne se privait pas de nous engueuler… Au premier match chez nous, on a mis le feu : 5-1 au grand Malines des Preud’homme, Albert, Bosman, Wilmots, Versavel, Clijsters, Koeman et j’en ai planté trois à Michel. Leur excuse était valable : pour cause d’Europe, ils entamaient le championnat 15 jours après nous. Après une première saison moyenne, Georges Heylens a loué Pär Zetterberg, mal apprécié à Anderlecht, et le moulin a mieux tourné. Mais, cata en novembre, l’Olympic nous sort de la Coupe, et Heylens doit s’en aller. En championnat non plus, ce n’était pas fameux. L’adjoint Raymond Mertens a relayé, puis Luka Peruzovic s’est chargé du sauvetage. Quel électrochoc ! Jamais je n’ai turbiné comme ça… On s’est même entraînés le 24 et le 31 décembre. Et froid qu’il faisait ! Mais Peru voulait dégeler l’iceberg… Une contracture ? Et alors ? Tu t’entraînes ! Il nous a sauvés, et Anderlecht l’a embauché. Avec Robert Waseige, ma saison a été difficile. Une opération des adducteurs m’a écarté jusqu’en janvier. Avec une énorme satisfaction tout de même : en dix jours, nous avons battu trois fois Anderlecht, demi-finales de coupe et championnat compris. Et le but décisif à Anderlecht à mon compte, 1-2. Waseige m’a bluffé pour la finale contre le Standard : il a aligné Marco Casto et Neba Malbasa est resté seul devant. A 20 minutes du terme, il m’a appelé, mais on a perdu 2-0 « .

Au Parlement avec Detrem’

 » Le RWDM était preneur et m’a engagé en même temps que Stephen Keshi, déjà éteint. Une équipe bien balancée avec Lörincz, Rubenilson, Jacobs, Thairet, Rosez… Toutefois, cette saison 93-94 fut mauvaise. Après une défaite contre Seraing, Freddy Smets nous a réunis : – Je vais être limogé, dites-moi ce qui ne va pas, j’attends vos critiques… On a vidé notre sac. Il n’a pas été limogé, mais Martin Lippens lui a été adjoint. Qui faisait quoi ? Ceux qui avaient critiqué Smets ne furent plus retenus ! Il n’a pas su assumer dans une spirale négative, mais le nouveau duo nous a maintenus en D1. Suivirent deux saisons sous René Vandereycken, une moyenne et une très bonne avec une quatrième place pour l’UEFA. J’avais scoré 11 fois, dont six fois pour 1-0, mais Vandereycken était très raide, très absolu dans son raisonnement, et sur le plan humain, cela n’a plus marché entre nous. Il m’a écarté pour les cinq derniers matches. L’arrêt Bosman m’a permis un bon transfert à St-Trond pour quatre fois 1,3 million de francs au RWDM. Le président Johan Vermeersch aurait préféré 5,2 d’un coup, et m’en a peut-être voulu. Lorsque je l’ai approché pour des nouvelles sur le Brussels, c’est tout juste s’il m’a salué. Quelle salade, ma première saison trudonnaire ! Avec Goots, Rednic, Teppers, Ducoulombier et Lecomte, on a battu les cinq premiers (le leader Mouscron, Bruges, Anderlecht, Standard et le Lierse), mais on finit seizièmes. Avec trois entraîneurs : Wilfried Sleurs, Freddy Smets deux mois et l’inévitable Guy Mangelschots. Dès le début, la direction m’a cherché des poux : je portais des Adidas alors qu’il fallait des Lotto, ma boucle d’oreille agaçait, j’étais trop gras… Evidemment, en stage on m’avait donné de la créatine, alors que, blessé, je béquillais. Cinq kilos de trop. J’ai remis le compteur à zéro, travaillé dur et bien tenu ma place. Deuxième saison, bonne entente avec Barry Hulshoff, une crème d’entraîneur, mais aux deux tiers de la saison il est viré et Poll Peters, l’entraîneur des gardiens, est nommé. A sa première séance, il avait quatre fardes sous le bras, j’ai tiqué… Un théoricien absolu qui a tout appris dans les livres : A va en C, E double D qui avance… on ne comprenait rien. A Ekeren, j’ai explosé. On est mené 1-0 alors que le Germinal est réduit à dix. Le moment était choisi d’intensifier l’attaque, mais non : il remplace le Polonais, en pointe avec moi, pour un milieu, puis me rappelle et lance un ailier de débordement, qui va centrer pour qui ? En retournant au banc, à 15 mètres de Peters, je crache par terre, de dépit. On m’a expédié dans le noyau B. Là-dessus JeanPierre Detremmerie, un des grands de notre foot avec Constant Vanden Stock, me téléphone : – ViensdîneravecmoiauParlement, monchauffeurteconduira ! Il me demande d’entrée : – TuasréellementcrachéversPeters ? Je lui explique, et il me dit : – Bienvenue àMouscron. J’y ai bien gagné ma vie : beaucoup de victoires, des primes intéressantes. C’était du solide avec Vanderhaeghe, Vidovic, Tanghe, Dugardein. J’évoluais en pointe avec Frédéric Pierre. On a raté l’UEFA d’un rien. Mais la poisse ne me lâchait pas : une déchirure, juste avant la compétition, m’a bloqué deux mois. Re-déchirure à trois matches de la fin. Manque de souplesse, paraît-il, ce fut ma quatrième opération. Je me sentais prêt pour la reprise, mais pas Hugo Broos. Sur ce, j’ai reçu, via Johan Boskamp, une proposition du Dynamo Tbilissi, mais après discussions avec les dirigeants géorgiens, j’ai prudemment refusé, et en décembre 1999, j’ai dit oui à Marc Grosjean « .

Un chèque en bois et des cornflakes

 » La Louvière était en D2, mais avec un potentiel de D1. J’y ai mal vécu, ce fut l’épisode le plus noir de ma carrière. Je sentais que Grosjean me laissait tomber, et je le lui ai durement reproché. Trop, sans doute. On s’est qualifiés pour le tour final, mais lors d’une séance de tirs, j’ai ressenti un coup de couteau dans les adducteurs. Impossible de m’aligner, et la rumeur a circulé : il a la trouille de la D1, il sait qu’il n’y aura plus sa place. Je n’ai pas suivi le tour final, et, une fois de plus j’ai retrouvé le noyau B pour six mois. Fameuse perte de temps, et drôle d’ambiance dans le vestiaire, où j’entendais parfois parler de fumer un pétard. Le Red Star de Paris (Nationale française, D3 belge) m’a proposé un test, mais j’ai décliné. Par contre, j’ai accepté l’offre d’Eric De Prins et Charles Simar, qui semblaient jongler avec des centaines de millions, et voulaient mon retour au RWDM alors en D2. Ariel Jacobs, lui, était contre. A 34 ans, et trop lourd, je manquais de jus, et après quatre matches, il m’a mis sur le banc. J’ai alors suivi les cours d’entraîneur du Heysel. A trois matches du tour final, Jacobs a dû s’effacer pour Patrick Thairet, et on est monté. Je me suis proposé comme adjoint. Thairet a refusé, mais m’a chargé de la Réserve. J’ai accepté, et la RTBF m’a sollicité comme consultant de Match 1. C’était bien. Quatre mois après, Patrick a volé à son tour, et Emilio Ferrera a débarqué. Il m’a demandé comme adjoint. Plus de RTBF, mais en bossant un an avec lui, j’ai énormément appris. En avril 2002, il m’a même aligné 20 minutes contre Alost. Un adjoint sur la pelouse, original, non Cela m’a permis de faire mes vrais adieux comme joueur au public molenbeekois. A mon avis, Ferrera a 15 ans d’avance sur les autres. Il nous a maintenus en D1, puis tout a foiré. Plus d’argent, salaires non payés. Un joueur s’est fâché : – Je n’ai plus rien, on m’a donné un chèque en bois, je ne mange plus que des cornflakes ! L’idée des Footballeurs sans frontières s’est mise alors à me tourner dans la tête « .

Henry Guldemont

 » Eric De Prins a le culot de me dire bonjour alors qu’il est à la base de la disparition du RWDM « 

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