SANS SOLUTION

En fin de contrat, le médian international de 24 ans n’a plus eu de nouvelle proposition de Sclessin depuis août. Et il n’en attend plus.

Aux côtés des usines métallurgiques, le navire de Sclessin, tout de rouge vêtu, était redevenu, ces deux dernières années, un des fleurons de la flotte liégeoise. Pourtant, les habitudes ont repris le dessus et c’est en chantier de démantèlement qu’a fini l’équipe qui avait accroché la deuxième place à l’issue du dernier championnat. Telle une cure de désamiantage, le bateau fut nettoyé de fond en comble et privé de ses éléments moteurs comme Philippe Léonard, Vedran Runje ou Mémé Tchité.

La deuxième étape consistait à appareiller mais ce ne fut pas sans casse. Avec de nouvelles pièces, le Standard s’avérait encore trop tendre pour la haute mer comme en témoigna le licenciement de Johan Boskamp et les prestations européennes contre le Steaua Bucarest et le Celta Vigo.

Désormais, le Standard a trouvé son rythme de croisière. Il faudra cependant encore passer au chantier car certains éléments devront être remplacés. Comme Karel Geraerts, qui aurait tant voulu faire partie des meubles de la cabine d’équipage mais qui devra pourtant se chercher prochainement un nouveau port d’attache, le commandant et l’armateur n’ayant pas voulu l’honorer d’une promotion tant méritée.

Là où certains auraient fini dans la cale du noyau B pour s’être osés à contredire les désirs de la direction, Geraerts s’est concentré sur sa dernière année de contrat en prouvant à ceux qui n’avaient pas voulu y croire, son utilité dans la charnière médiane. A quelques semaines du mercato hivernal, l’international liégeois s’est confié.

Le mercato arrivant à grands pas, toute la presse commence à se poser la question de votre futur ? Serez-vous au Standard en janvier ?

Je ne sais pas. Je discuterai de mon futur avec mon père après le dernier match de décembre. Pas avant.

Est-il encore possible que vous paraphiez un nouveau contrat avec le Standard ?

La direction et moi n’en avons plus discuté depuis le mois d’août. Nous nous étions vus à trois reprises et n’avions pas trouvé de solutions. Depuis, je n’ai plus reçu aucune proposition de sa part. C’est clair pour elle comme pour moi !

Même si le Standard vient avec une nouvelle proposition ?

Il ne faut jamais dire jamais mais il ne faut pas rêver. Je pense que la dernière fois que l’on a discuté c’était vraiment la dernière.

Avez-vous été déçu que la direction du Standard ne fasse pas de vous une priorité ?

Oui, un peu. Mais c’est leur politique. Je peux la comprendre. Moi, je serais bien resté car je me sens bien ici. J’habite près d’ici, ce qui est agréable au niveau familial. J’ai aussi été peiné par des trucs négatifs qui ont été véhiculés à mon encontre. On a dit que je ne voulais pas resigner au Standard car je ne recherchais que l’argent. Pensez-vous que cela soit le cas ? On a construit une image négative de moi.

C’est quand même sur le plan financier que les transactions ont capoté.

Pas seulement. Nous n’étions pas d’accord sur plusieurs points dans le volet financier et le volet sportif. Je n’ai demandé aucune garantie pour le sportif mais je voulais sentir une volonté de combler le fossé qui existait entre nous et les autres équipes, d’autant plus que nous avions bénéficié d’un bon tirage en Ligue des Champions avec le Steaua Bucarest.

Certains supporters se sentiraient trahis si vous signiez à Anderlecht, Bruges ou Genk…

C’est logique qu’ils soient déçus car ils n’aiment pas ces clubs. Mais, ils doivent comprendre que c’est mon avenir qui est en jeu et pas le leur. J’ai toujours dit que je ne serais pas influencé par tout ce que l’on dit. Il s’agira de mon choix. Je le mûrirai dans ma tête et j’en discuterai simplement avec ma famille et ma femme.

Serait-il pensable de voir un autre symbole du Standard partir vers Anderlecht ?

C’est un sujet trop sensible. Je préfère ne pas répondre.

 » Je n’ai jamais craint le noyau B  »

Tout le monde pensait que vous ne commenceriez pas la saison avec le Standard. Pas vous. Pourquoi ?

Tout le monde me voyait partir à Bruges mais je savais ce qu’il se passait vraiment. J’ai signé un contrat de trois ans avec le Standard et même si je n’ai pas trouvé un accord pour prolonger, je n’ai jamais exclu la possibilité d’aller au bout de mon contrat. Que du contraire. Je sentais que la direction ne voulait pas absolument m’écarter du groupe. Dans ma tête, c’était clair que je resterais. Ma décision était prise et je pouvais me concentrer sur le championnat.

Est-ce que l’opportunité de jouer la Ligue des Champions a pesé dans votre décision de rester au Standard ?

Non. Pas vraiment.

Vous n’avez jamais craint un renvoi dans le noyau B ?

Non. Je n’ai pas eu peur de cela. J’en avais discuté avec mon père et nous avions le sentiment que les dirigeants ne le feraient pas.

On a senti toute votre motivation en début de saison. Vouliez-vous prouver aux dirigeants qu’ils avaient tort ?

Non, non. J’avais déjà démontré mes qualités pendant trois saisons. Je continuais simplement à faire ce que j’étais capable de faire. Pour moi, il ne s’agissait pas de me défoncer parce que nous n’étions pas parvenus à trouver une solution. Non, je voulais simplement prouver que j’étais concerné par le Standard. Simplement parce qu’il me restait une année de contrat.

Votre forme du début de saison n’a cependant pas permis au Standard de rallier les poules de Ligue des Champions. Un gâchis ?

Cela s’est joué sur des détails à Bucarest. Nous avons quand même eu la possibilité de faire 0-2 mais c’est vrai aussi que l’équipe n’était pas prête à ce moment-là. On avait de nouveaux joueurs, un nouveau système et une série de blessés. Depuis, tout s’est mis en place.

Pensez-vous que si vous rejouiez contre le Steaua aujourd’hui, vous auriez plus de chances de passer ?

Oui car l’équipe est rodée. Sergio Conceiçao et Igor De Camargo sont revenus ; Oguchi Onyewu a plus de matches dans les jambes. C’est trois mois trop tard.

Voir l’équipe qui n’est pas prête pour l’échéance la plus importante de l’année…

… c’est frustrant mais la direction ne le fait pas exprès. C’est la politique de la maison et on la connaît. Chaque saison, beaucoup de joueurs vont et viennent. C’est un secret pour personne.

Et est-ce la bonne solution ?

Je ne crois pas que le club puisse grandir dans ces conditions mais c’est en train de changer. De Camargo, Steven Defour et Marouane Fellaini ont reçu un contrat de cinq ans. C’est la nouvelle politique.

 » Conceiçao m’a pris par le col après un tacle sur lui et m’a dit – C’est bien !  »

Comment jugez-vous la progression du Standard depuis votre arrivée au club ?

Il y a trois ans, on ne comptait que 8.000 abonnés. Ce chiffre a désormais doublé. On a fait revivre le Standard. Maintenant, on doit aller chercher un trophée pour remercier ces supporters. La première année a commencé dans la difficulté mais le deuxième tour fut très, très bon. On a terminé à la troisième place avant de perdre le test match contre Genk. On a su conserver l’équipe et on s’est un peu renforcé et finalement, on a lutté pour le titre lors de ma deuxième saison. Il y a eu une progression pendant deux ans avant de reprendre à un niveau plus bas au début de ce championnat. On a perdu beaucoup de bons joueurs comme Vedran Runje, Philippe Léonard. Même Wamberto et Moreira élargissaient le noyau en qualité !

Le Standard reconstruit une équipe… sans vous. Vous vous sentez toujours impliqué ?

Moi, je veux continuer à aller le plus haut possible avec cette équipe. Tout le monde doit avoir cet esprit.

C’est-à-dire ?

Le plus haut, c’est évidemment la première place.

C’est toujours possible ?

Ce n’est pas trop tard si on dispute toutes nos rencontres avec la mentalité adéquate. On doit améliorer encore notre concentration. Contre Saint-Trond, on fait le plus dur en marquant. Michel Preud’homme nous avait dit que les cinq minutes après un but étaient souvent les plus importantes et malgré cela, on se fait rejoindre puis dépasser. Contre Mons, on a le match en main et on perd là aussi de la concentration. Or, c’est à ce niveau-là que se fait la différence avec le foot international. Ce manque de concentration, c’est du laxisme. C’est surtout dans la tête que cela se passe.

C’est l’explication des défaites ?

Oui car, que ce soit dans n’importe quel secteur, on ne manque pas de qualités.

Et Conceiçao ?

C’est un leader né. Je me souviens de mon premier contact avec lui. Il s’agissait d’un entraînement lors de mes débuts au Standard. Lui aussi venait d’arriver. Je l’ai taclé un peu trop sèchement ; il m’a pris par le col du maillot et m’a dit – C’est bien, c’est comme cela qu’il faut faire. Il approuvait ma mentalité. Nous avons tous les deux un caractère de gagneur.

 » Nous n’étions pas prêts pour Johan Boskamp  »

Quelle est la différence entre le Standard de Boskamp et celui de Preud’homme ?

Boskamp avait vraiment de bonnes intentions mais il a dû composer avec des blessures et des joueurs arrivés très tard. Il n’y avait pas d’équipe. Sans compter qu’il avait un déficit de communication. Moi, je comprenais mais j’étais un des seuls à assimiler son mélange de néerlandais et de français. Les Portugais n’étaient en Belgique que depuis un mois. Ils devaient s’intégrer à leur nouvel environnement et en plus composer avec un entraîneur qu’ils ne comprenaient pas.

Boskamp a essayé de changer le jeu du Standard aussi…

Il a voulu jouer de manière trop offensive, en 4-3-3, en mettant l’accent sur la circulation de ballon. On dispose des joueurs pour un tel système mais nous n’étions pas prêts. Il aurait dû mettre l’accent davantage sur l’organisation. On sortait de deux saisons durant lesquelles on allait au duel et on développait un jeu physique fait de longs ballons. Il nous fallait un temps d’adaptation.

Pourquoi avoir choisi de tout bouleverser alors ?

Sans doute parce qu’il avait vu que notre noyau possédait des éléments de qualité capables d’évoluer de la sorte.

Qu’a modifié Preud’homme ?

Il n’est pas totalement revenu en arrière. Il essaie de construire mais il a quand même un style comparable à celui de Dominique D’Onofrio. Avec davantage de jeunes. C’est normal. Ils connaissent la maison et savent comment jouer ici.

Et ce ne fut pas difficile de voir l’homme avec lequel vous avez négocié devenir le nouvel entraîneur ?

Non car il y a du respect entre nous. On sait tous les deux pourquoi les négociations ont capoté. Malgré cela, je sais ce que je lui dois. C’est lui qui m’a sauvé. Lors de ma première saison, j’étais sur le banc contre le Lierse et il est venu me parler et m’a dit qu’il ne reconnaissait pas le médian qui l’avait séduit à Lokeren et avec les Réserves de Bruges. Cela m’a servi de déclic.

A vos côtés, il y a désormais un  » petit  » jeune : Marouane Fellaini. Comment définiriez-vous votre duo ?

Je pense que l’on est complémentaire. De Marouane, tu prends sa taille, sa force, sa capacité à aller au duel. Tout cela nous fait du bien car nous n’avions pas vraiment de grands joueurs pour aller de l’avant. Avant la rentrée de De Camargo, il n’y avait personne. Et puis, il y a sa jeunesse. Il va vers chaque ballon.

Ce fut facile de vous adapter ?

Je regarde où il se trouve et ce qu’il fait sur le terrain et je me charge des autres besognes. On n’a pas besoin de beaucoup parler car on s’entend vraiment bien. On sent le football tous les deux.

Et avec Dembele ?

C’est un autre style. Il est moins grand et il veut davantage les ballons dans les pieds. Il distribue le jeu. Fellaini est plus fort au niveau de la récupération mais il aime aussi aller devant le but et dévier quelques ballons. Je dois toujours regarder où il se trouve car cela arrive encore parfois que l’on aille à l’offensive tous les deux en même temps. Tandis que quand j’évolue aux côtés de Dembele, je sais qu’il y a toujours quelqu’un derrière moi.

 » A Bruges, on me voyait comme médian défensif. C’est la principale faute des Brugeois  »

Les puristes ne savent pas dans quelle catégorie vous placer : médian défensif ou médian offensif ?

Je suis un mélange. Je ne suis pas seulement offensif car ce n’est pas ma seule tâche et je ne suis pas non plus défensif car j’aime trop monter aux avant-postes.

Est-ce une qualité ou un défaut ?

Cela dépend du contexte. Ici, c’est ma troisième saison. J’ai construit quelque chose. Si on me demande de rester devant la défense, je le ferai sans problème mais je perds alors certaines de mes qualités qui peuvent servir à l’équipe.

Votre principale qualité réside finalement dans le fait d’être au bon endroit au bon moment…

Il faut sentir le jeu. C’est une question de feeling. Savoir où l’action va se dérouler, où le danger va se préciser. Je ne sais pas si cela s’apprend mais moi, j’ai toujours joué de la sorte, en cherchant le but. A Bruges, on me voyait vraiment comme un médian défensif. On me demandait de rester devant la défense, récupérer le ballon et donner. Moi, j’étais convaincu que je pouvais offrir plus. C’est peut-être la principale faute des Brugeois. Ils ont mal calculé.

Comment expliquer que vous n’atteigniez pas le même niveau au Standard et avec les Diables Rouges ?

Tout le monde a été mauvais contre la Pologne. Il ne faut pas utiliser ce match comme référence pour me juger.

Pourtant, au Standard, vous avez trouvé vos marques. Vous laissez la création aux ailiers mais vous ne pouvez pas le faire en équipe nationale…

Le milieu de terrain mis en place contre la Pologne sait garder un ballon dans un jour normal.

Garder oui, mais le donner ?

On sait qu’il ne faut pas demander à des joueurs comme Timmy Simons ou moi de dribbler plusieurs hommes. On récupère et on cède le ballon. Bart Goor et Anthony Vanden Borre savent éliminer un homme et plonger dans les brèches.

STÉPHANE VANDE VELDE

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