Sans PIERCING

Le meilleur buteur belge ne sera jamais à court de défis en Bourgogne.

L’Yonne s’étire lentement dans le centre d’Auxerre, une ville de 50.000 habitants, avant de repartir vers les coteaux, bien exposés, qui accueillent un vignoble abondant et réputé. Cette terre offre le Chablis qui ravit tous les amoureux de bonnes tables.

L’été s’est emparé des campagnes. Les juilletistes sont partis tandis que les aoûtiens rêvent de leurs prochaines vacances. A l’Abbé-Deschamps, le stade d’Auxerre, tout le monde travaille ferme. Il est vrai que le boulot ne manque pas. Quatrième du championnat 2003-2004 derrière Lyon, le PSG et Monaco, le club de Guy Roux s’est qualifié pour la Coupe de l’UEFA avec des statistiques intéressantes : deuxième attaque de la L1 (60 buts), quatrième défense (34 buts), etc.

Mais une entité sportive de ce format vit aussi de la vente de ses perles. Autrefois fournisseur préféré de Marseille, Auxerre fait désormais du commerce dans le monde entier. Cette fois, les départs sont peut-être plus importants que d’habitude. Le remarquable Djibril Cissé a quitté l’AJA avec 26 buts et le titre de buteur numéro 1 du dernier championnat. L’attaque auxerroise devra être restructurée mais son transfert à Liverpool a fait rentrer 22 millions d’euros dans les caisses de son ancien club.

La défense sera aussi un chantier. Jean-Alain Boumsong est parti au Glasgow Rangers. Philippe Mexès a claqué la porte en partant à l’AS Rome. Olivier Kapo a signé à la Juventus qui le prêtera à Monaco. Tout cela n’effraye pas Guy Roux, qui n’est pas né de la dernière pluie. Il a recruté René Bolf, 30 ans, international tchèque et solide arrière central de Banik Ostrava. Puis, le renard bourguignon a mis la main sur Luigi Pieroni, incroyablement ignoré par le top belge. Les deux joueurs se distinguent par leur simplicité, leur foi, leur désir d’aller loin. Ce sont des profils psychologiques intéressants quand on veut réussir à Auxerre.

Dans le cas de Luigi Pieroni, le coach d’Auxerre a lu avec attention les interviews qu’il a accordées à la presse du temps de Mouscron.  » Son humilité m’a intéressé « , lance Guy Roux.  » C’est un jeune homme bien élevé, un enfant d’immigrés de la deuxième génération. Nous avons fait un bon choix « .

 » Je ne me teindrai pas pour ressembler à Cissé  »

Guy Roux est élogieux et n’hésite pas à dire que vous êtes plus complet que le phénomène Djibril Cissé. Mais il a tiqué en parlant de votre excès de poids : n’est-ce pas la carotte et le bâton ?

Luigi Pieroni : Les compliments me font plaisir car Djibril Cissé est évidemment un fabuleux attaquant. Après avoir tant brillé à Auxerre, il est parti à la conquête de Liverpool. A mon avis, il réussira en Angleterre. Mais Cissé, c’est Cissé, et je suis un tout autre joueur. Il a ses qualités, j’ai les miennes. Et je ne teindrai pas mes cheveux en blond, et je n’aurai pas de piercings afin de lui ressembler. Djibril Cissé avait son look, j’ai le mien, assez sage, et je ne le changerai pas. Faire le contraire, ce serait la meilleure façon de ne plus être moi-même. Je n’ai pas peur des comparaisons sportives car elles ne sont pas indiquées. Auxerre entame une nouvelle page de son histoire comme ce fut souvent le cas. Ce club a l’habitude de former de nouveaux joueurs et de recruter des éléments convenant à son système, à sa philosophie et à sa mentalité. C’est à cela que j’ai pensé en signant ici et pas du tout à une quelconque fausse obligation de devenir un autre Djibril Cissé.

Je dois réussir à Auxerre, c’est autre chose que de devenir le double d’un joueur qui a cassé la baraque. Je ne suis d’ailleurs pas le même joueur que lui. Si Guy Roux le souligne, cela me ravit, évidemment. Je n’aime pas parler de ces… kilos en trop car cela a déjà fait le tour de la presse. On va finir par croire que je suis gras, ce qui est faux. A la reprise des entraînements, j’accuse toujours deux petits kilos de trop sur la bascule. Mais je les élimine rapidement afin de retrouver mon poids de forme (1m87, 84 kg). Ce sera le cas aussi à Auxerre où l’accueil a été très chaleureux. Tout est organisé. Quand je suis arrivé en TGV à Paris, il y avait un dirigeant d’Auxerre pour nous accueillir, nous conduire en Bourgogne.

Avez-vous beaucoup réfléchi avant de tenter votre chance en France ?

Non, je connais les qualités de ce championnat qui permet aux joueurs de progresser à force de travail. Eric Deflandre y a vécu des moments formidables avec Lyon où il a gagné trois titres nationaux, joué en Ligue des Champions. Daniel Van Buyten a fait un immense bond en avant grâce à Marseille. S’il n’avait jamais joué en France, Big Dan n’aurait pas évolué à Manchester City et signé à Hambourg. C’est dire si ce qu’un joueur peut vivre en France est important. Je suppose que Grégory Dufer a réfléchi de la même façon que moi en signant à Caen. Auxerre avait accueilli Enzo Scifo et Khalilou Fadiga qui ont prouvé ici que les joueurs issus de la D1 belge avaient les qualités convenant à l’AJA.

Mes deux agents, Eric Depireux et Michel Thiry, m’ont parlé d’Auxerre il y a un petit temps déjà. Ce transfert n’a pas été réalisé sur un coup de tête. J’étais intéressé car j’avais la certitude que c’était exactement le club qui me convenait à ce moment de ma carrière. Je l’ai déjà dit : Auxerre est un grand club à dimension humaine. Je ne sais pas si ce sera une étape intermédiaire ou autre chose mais j’ai la volonté d’y réussir. Auxerre, c’est le calme et la performance, le travail et le désir de gagner, d’avancer. Personne n’aime se frotter à ce club battant, bien organisé. Celui qui ne travaille pas à Auxerre ne réussit pas. De plus, Auxerre se qualifie chaque année pour une Coupe d’Europe. Je vais découvrir l’ambiance européenne, jouer les grandes affiches de la L1 française dans des stades de 50.000 spectateurs comme à Marseille, au PSG, à Bordeaux, à Nantes, à Lens, etc. J’ai tout à gagner. Je vais beaucoup progresser, c’est certain, mais je sais aussi, même si je ne redoute rien, que ce ne sera pas facile tous les jours.

Mais si Auxerre est performant, il n’y règne pas la pression propre à Marseille ou à Paris. C’est une ville calme où chaque chose est à sa place. Les vraies valeurs comptent plus que tout. J’ai été séduit par cette sérénité. Dès que je suis venu en visite à Auxerre, je me suis dit que c’était le club idéal pour moi. Nous cherchons une maison pour l’instant. Ma copine, Virginia, s’occupe beaucoup de cela. Nous ne pouvons pas vivre éternellement à l’hôtel. Nous avons besoin d’une demeure avec plusieurs chambres afin d’accueillir la famille quand elle viendra nous rendre visite.

Le Betis lui a fait une offre

Avez-vous eu d’autres offres ?

En fait, j’ai très vite trouvé un terrain d’entente avec Auxerre. Il n’était plus nécessaire d’attendre, d’espérer une autre offre qu’elle soit belge ou internationale. Quand il fut connu qu’Auxerre était sur la balle, j’ai eu une offre du Betis Séville qui m’offrait aussi un contrat de quatre ans. Mais ma religion était faite, j’avais déjà opté pour Auxerre. J’ai lu dans la presse qu’Anderlecht et le PSV étaient intéressés mais que j’étais le deuxième choix et la solution de secours si le transfert de Mbo Mpenza ne se faisait pas. De toute façon, je suis heureux de mon choix.

Vous avez parlé de progression à Auxerre : sera-t-elle technique ou physique ?

Les deux. A Auxerre, le travail physique est intense. On bosse en salle mais je n’ai jamais autant couru en forêt. Je n’avais pas connu cela à Mouscron où nous avons surtout bossé au Futurosport. Mais on n’oublie pas de répéter les gammes techniques. Nous travaillons beaucoup au mur. La balle revient vite, on améliore la synchronisation, tous les gestes techniques, etc. Je crois que je peux améliorer mon bagage.

Votre carrière internationale a en fait débuté avec les Diables Rouges face aux Bleus, avec un tir sur le poteau ce soir-là, et elle se prolonge en France : tout aurait été complet avec une participation à l’EURO au Portugal, non ? Votre génération ne perd-elle pas un temps fou ?

Probablement. Les jeunes auraient pu y apprendre des tas de choses. Au vu de ce spectacle, il aurait été intéressant de vivre cette aventure. J’ai déjà 23 ans et il n’y a qu’un an que j’ai découvert la D1. J’ai moins de temps que les plus jeunes. J’espère que la Belgique sera présente en Allemagne. Prendre part à une Coupe du Monde, c’est le rêve de tout joueur de football. C’est aussi le mien. Et je mets des atouts de mon côté en jouant à Auxerre. Le coach fédéral belge suit le championnat de France. Et avec un peu de chance, Auxerre rencontrera le Standard en Coupe de l’UEFA : ce serait assez extraordinaire.

Ce transfert à Auxerre, qui aurait payé 1,5 million d’euros à Mouscron, n’est-il pas aussi un pied de nez adressé au Standard où vous avez vécu vos classes d’âge ?

Un pied de nez ? Une revanche ? Une mise au point ? Non, pas du tout. Ils n’ont pas cru en moi, c’est leur problème. Avant de signer à Mouscron, j’avais eu un contact avec Michel Preud’homme. J’ai lu récemment un reportage dans un magazine de télévision où j’aurais affirmé que je ne pouvais pas accepter le salaire de misère que me proposait le Standard. Je n’ai jamais dit cela. Si j’ai préféré ne pas retourner à Sclessin, c’est parce que je n’avais pas envie de me retrouver sur le banc. Je voulais jouer et je risquais d’être la cinquième roue à la charrette. A l’époque, je n’avais pas encore signé de contrat à Mouscron. J’avais beaucoup de contacts en D2… Mais, cela dit, je rejouerai peut-être un jour au Standard, on ne sait jamais.

Il n’oubliera jamais Mouscron

Que devez-vous à Mouscron ?

Tout. Je n’oublierai jamais ce club. On m’y a fait confiance, c’est là que tout a commencé. Pourtant, j’ai eu des doutes. Je n’avais pas été recruté par Georges Leekens.

Et alors ?

Je suis venu à Mouscron parce que Lorenzo Staelens croyait en moi. Puis, il a cédé sa place à Georges Leekens qui ne me connaissait pas. Cela s’est bien passé mais il faut toujours le temps de la découverte. En début de saison, je n’étais que réserviste. A la fin de l’automne, j’ai profité de la blessure de Marcin Zewlakow avant de faire mon trou. Puis, je me suis accroché, j’ai confirmé, je suis resté en pointe. C’était alors chouette avec Georges Leekens, avec Marcin Zewlakow, avec Mbo Mpenza, etc. Je m’entendais bien sur le terrain et dans la vie avec Mbo. Il m’a téléphoné pour prendre de mes nouvelles. Je l’ai félicité pour son transfert à Anderlecht. Nous rejouerons ensemble. Il m’a dit, en riant : -En équipe nationale. J’accepte…

Peut-on comparer Guy Roux et Georges Leekens ?

Chaque coach a ses atouts, ses caractéristiques. A Liège, j’avais apprécié durant quelques mois le professionnalisme de Neba Malbasa qui exigeait une discipline totale. Pas question d’arriver une seconde en retard à l’entraînement. Puis, j’ai énormément progressé sous la direction d’Henri Depireux à Liège. C’est un ancien attaquant et il m’a bien conseillé. Georges Leekens m’a installé en D1 et ce furent forcément des moments prodigieux. Guy Roux apporte beaucoup à son groupe, tire le maximum de ses joueurs, comme ce fut le cas avec Enzo Scifo. Je vais avancer avec lui.

Pierre Bilic, envoyé spécial à Auxerre

 » Je n’ai jamais dit que le STANDARD m’avait proposé un SALAIRE DE MISÈRE avant de signer à Mouscron  »

 » Je n’aime pas parler de ces… kilos en trop car ON VA FINIR PAR CROIRE QUE JE SUIS GRAS « 

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