Sans lui, c’était fichu…

Heureusement que l’Italien a reconduit son titre : il a sauvé la conduite désastreuse des organisateurs et de la presse allemandes.

Sans Paolo Bettini, le Championnat du Monde 2007 aurait bien peu eu à voir avec le cyclisme. La presse allemande, soutenue par un nombre incalculable de politiciens, a tout fait pour mettre de l’huile sur le feu, et cela a en grande partie marché. Le pire, c’est que tous ces tourments ont encore eu lieu au nom de la Pureté, du Nouveau Cyclisme propre. Cela ne justifiera jamais les absurdités qu’a dû subir Bettini durant la semaine.

Stuttgart s’est avérée être une bien mauvaise hôte pour le Championnat du Monde. L’échevine locale des Sports, Susane Eisenmann, voulait à tout prix empêcher que Bettini se présente sur la ligne de départ. Quoi de mieux, en effet, pour une politicienne ambitieuse, que de s’attaquer au champion du monde en titre pour appâter les médias ? La presse allemande, qui avait ses arguments préférés, est venue quelques jours avant la course avec une étrange nouvelle, selon laquelle Patrick Sinkewitz, coupable de dopage, aurait reçu son gel à la testostérone de Bettini lui-même. Peu crédible : le Testogel, produit employé par Sinkewitz, n’est pas un produit de dopage très élaboré que les coureurs se refileraient clandestinement. Il est facilement traçable et disponible dans quasi toutes les pharmacies. Nous en avons même la preuve : arrivés à Stuttgart, nous nous sommes rendus dans la meilleure pharmacie et avons demandé, dans un allemand à la Jean-Marie Pfaff  » Ein tube de Testogel, bitte schön. Le pharmacien l’avait et nous l’aurait bien donné si nous avions une prescription médicale et 170 euros. Sinkewitz n’a pas besoin de Bettini pour cela. Un journaliste allemand, qui prend la peine d’enquêter deux minutes, sait cela aussi.

Mais ça ne fait pas vendre. Des jours durant, Bettini a été présenté dans les médias comme un coupable qui devait sa liberté à une erreur judiciaire. On a encore une fois rappelé que l’Italien se refusait à signer la charte antidopage de l’UCI. C’est donc qu’il a quelque chose à cacher, raisonnait-on… C’est comme si on ne réalisait pas exactement ce qu’est cette fameuse charte. Petit rappel : le cycliste s’engage à soumettre son ADN dans d’éventuelles futures affaires de dopage et à verser un an de salaire à l’UCI si un jour il était pris. C’est ce dernier point que refuse catégoriquement Bettini. Si jamais un jour, il était coupable, il dédommagerait les vraies victimes de son acte, à savoir son équipe.

L’Italien a renvoyé son adaptation personnelle de la charte le 9 juillet à l’UCI. Cette histoire était donc classée. Que l’on ait remis cette affaire au goût du jour peu avant le début du Championnat du Monde sentait la mauvaise intention.

Mais les choses s’aggravèrent le jeudi, quand la chaîne ZDF annonçait que Bettini avait été arrêté par la police allemande. Une info sans aucun fondement, naturellement, et pourtant reprise par quelques médias étrangers sérieux.

Cancellara snobé

Le sport risquait bien d’être relégué au second plan au moment de la finale. Le fait que FabianCancellara ait gagné la course contre la montre est d’ailleurs complètement passé inaperçu auprès de la meute des journalistes allemands. Le Suisse a humilié ses adversaires et a même dépassé David Zabriskie, pourtant parti deux minutes plus tôt et lui-même spécialiste de la discipline. Avec sa 11e place, Dominique Cornu (21) réussissait un joli début chez les pros, gagnant par la même occasion sa place aux Jeux Olympiques de Pékin. C’est peut-être un cadeau empoisonné à ce stade-ci de la saison, Cornu n’en reste pas moins aux anges.

 » Le plus drôle, c’est l’histoire de l’arrestation « , racontait Nikolas Maes, un des fers de lance de l’équipe belge Espoirs.  » J’ai vu Bettini rouler tranquillement cinq minutes après avoir entendu la nouvelle. Tout cela est ridicule. Pourquoi Bettini, bon Dieu ? Parce qu’ils veulent ase faire le plus grand champion les premiers ? Pour moi, ils peuvent se montrer aussi sévères qu’ils veulent dans la lutte contre le dopage, mais dans ce cas-ci, ça n’a plus grand-chose à voir. Dimanche, j’espère que Bettini gagnera et prendra sa revanche « .

Le Slovaque PeterVelits remportait la course des Espoirs, deux semaines après avoir remporté le GP de Fourmies chez les pros. Une victoire méritée, de l’avis général.

Le problème avec le dopage, c’est que le nom des coureurs qui participent à la course des Elites, n’est connu qu’au dernier moment. Ce sont les juges qui ont le dernier mot. Ainsi Bettini a finalement pu prendre le départ. Mais la radio allemande qualifiait la nouvelle de  » défaite dans la lutte contre le dopage « . A la dernière minute, ZDF décidait de ne diffuser qu’un quart d’heure de la course. Peut-être parce que l’histoire de l’arrestation de Bettini leur explosait au visage…

L’Italie restait quand même affaiblie par l’éviction de Danilo Di Luca. Avec son remplacement par Matteo Tosatto, Bettini recevait quand même l’apport d’un lieutenant supplémentaire qu’il réclamait depuis des jours. Il avait raison de se plaindre que la Squadra ne comptait pas assez de serviteurs. Mais que devait faire le coach FrancoBallerini ? Il avait déjà fait un geste fort en laissant RicardoRiccò et DanieleBennati qui avaient pourtant de grandes chances sur le parcours. Quant à l’Espagne, elle recevait avec la présence de dernière minute d’ Alejandro Valverde, un apport de qualité .

Dommage pour Philippe Gilbert

Le dimanche, la délégation belge était hyper relax : personne n’attendait rien de spécial d’elle. Et elle put profiter du spectacle d’un très beau Mondial. Johan Vansummeren, qui nous avait promis qu’il était en forme, se montra joliment. Mais pas de chance pour Philippe Gilbert, exclu du rush final . Et au sein du quintette échappé, c’est bien Bettini qui se montra le plus fort des plus forts ; Quick Step-Innergetic détenant dans ses rangs pour la troisième année de suite le champion du monde.

 » Je roulais à merveille aujourd’hui « , a prétendu Stefan Schumacher.  » Mais quand j’ai vu Bettini à l’£uvre dans les dernières côtes, j’ai su qu’il gagnerait à nouveau « .

L’Italien pleurait lors de la conférence de presse :  » Malgré mon titre, je suis encore toujours très fâché. Ce qu’ils m’ont fait cette semaine est indescriptible. Mais ce deuxième maillot arc-en-ciel prouve une chose : on ne traîne pas impunément quelqu’un dans la boue. Et comptez sur moi pour continuer à les embêter tous. Je ne vais pas arrêter… « 

par jef van baelen – photo: reporters

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