« Sans le Standard, je ne serais pas entraîneur »

Demain, les Rouches se rendent à Hambourg, en quarts de finale de l’Europa League. L’Allemand (58 ans), qui a joué pour les deux clubs, est Entraîneur allemand de l’Année grâce au titre de champion d’Europe -21.

Uelzen, une bourgade pittoresque, est une oasis. En quittant l’autoroute Hanovre-Hambourg à Soltau, on roule pendant une demi-heure à travers des bois et des prairies. Horst Hrubesch a quitté Hamm, son village natal proche de Dortmund, il y a dix ans.  » Je m’étais toujours promis d’acheter une ferme avant mes 50 ans « , avoue l’ancien avant qui fait souvent l’aller-retour avec le quartier général de la Deutscher Fussball Bund qui l’emploie à Francfort depuis 1998.

En 1983, quand le Standard l’a transféré du HSV, il avait un nom dans le football mondial, celui d’un joueur qui avait tout gagné sauf un Mondial. Après avoir quitté le Standard, il a achevé sa carrière à Dortmund avant d’embrasser la carrière de coach avec succès. La semaine prochaine, il recevra le trophée d’Entraîneur allemand de l’Année grâce au titre européen remporté avec les – 21 ans.

Le Standard lui rappelle d’abord l’affaire Waterschei… Au printemps 1984, on a révélé que les Rouches avaient offert leur prime de victoire aux footballeurs limbourgeois deux ans plus tôt pour s’adjuger le titre sans risquer de blessures, peu avant la finale de la C2.  » Jai appris la nouvelle un dimanche soir et le lendemain, j’étais seul à l’entraînement avec Heinz Gründel. Il n’y avait ni entraîneur, ni adjoint, ni membre de la direction à Sclessin. Quatre joueurs du noyau sont finalement restés : Gilbert Bodart, Guy Hellers, Heinz et moi… « 

Hrubesch a achevé la saison avec une équipe de Juniors dont Pascal Delbrouck, Patrick Aussems, Lionel Roger et Jean-Marc Bosman. L’avant n’a jamais trahi la moindre frustration, se rappelle Eddy Snelders, appelé en renfort au terme de la saison avec Guy Dardenne, Roger Raeven et Freddy Luyckx :  » Hrubesch était un professionnel accompli et un homme agréable. Il s’occupait beaucoup des jeunes. Il n’hésitait d’ailleurs jamais à défendre ceux-ci face à l’entraîneur, Michel Pavic. « 

Savez-vous ce qu’est devenu Rudi, le chien de Louis Pilot ?

Horst Hrubesch éclate de rire : Que voulez-vous dire ?

On raconte que vous alliez souvent promener vos chiens ensemble au Sart Tilman. Votre chien était discipliné mais celui de l’entraîneur n’écoutait personne. Un jour, alors que Pilot était à bout, vous avez attaché le collier électrique de votre chien au cou de son Saint Bernard mais quand Pilot lui a enjoint de s’asseoir, le chien a pris la poudre d’escampette. Paniqué, vous avez appuyé sur le bouton et le chien s’est effondré, groggy le reste de la journée.

( Il rit). C’est bien raconté mais c’est faux. Je n’avais pas besoin d’électricité pour me faire obéir. D’ailleurs, quand j’étais avec Pilot, son chien obéissait ! Louis n’était pas sévère et son chien le savait… En mon absence, il n’en faisait qu’à sa tête, je vous assure.

Certains ont été surpris que vous deveniez entraîneur.

Sans le Standard, je ne le serais sans doute jamais devenu. Nous ne nous entraînions souvent que le matin. L’après-midi, je retournais au Sart Tilman, où j’habitais, je regardais les jeunes et parfois, je jouais avec eux. Après le scandale, j’ai passé en revue les jeunes qui pourraient nous être utiles. J’ai développé mon coup d’£il. Ensuite, j’ai été accablé un an par les blessures à Dortmund et mon ancien club, Rot-Weiss Essen, m’a demandé si je ne voulais pas l’entraîner. Je préférais travailler avec des jeunes car mes clubs n’avaient pas les moyens d’embaucher de vrais professionnels chevronnés. Evidemment, face à l’exigence des résultats, il faut toujours se souvenir que les jeunes ont souvent des hauts et des bas.

Est-ce pour cela que vous travaillez finalement pour la fédération allemande ?

J’étais las d’entraîner des vieux pros mais j’avais des problèmes chaque fois que j’alignais des jeunes. En Turquie, par exemple, Samsunspor luttait constamment contre la relégation. Avec les jeunes, on a terminé septièmes mais le président n’était pas content : -Pourquoi laissais-je de côté les plus âgés, si coûteux ? Il n’allait pouvoir les vendre s’ils ne jouaient pas. Cela ne s’est bien passé qu’à Innsbruck, où j’étais l’adjoint d’Ernst Happel. Il avait renvoyé tous les internationaux au profit des jeunes. Un an et demi plus tard, il avait une nouvelle levée d’internationaux. Nul n’osait s’opposer à Happel. Nous avons été deux fois vice-champions. L’Austria Vienne m’a permis d’intégrer des jeunes jusqu’à l’arrivée d’un autre président, un an plus tard. C’est à ce moment que le DFB a fait appel à moi. Un collègue m’a dit, un jour : -Quand tu perds avec des jeunes, tu sais pourquoi ; ils sont irréguliers. Avec les autres, tu ne le sais jamais Je peux accepter que des jeunes commettent des erreurs. C’est ainsi qu’ils deviennent des vedettes. Lionel Messi a toujours joué et vous voyez le résultat. N’importe qui peut faire éclore de vrais ténors. Tout l’art est de les détecter et de bien encadrer les autres. Il faut leur offrir une formation sur laquelle ils peuvent s’appuyer ensuite, les aider jusqu’à ce qu’ils sentent s’ils ont vraiment l’étoffe ou non.

Ardoisier

Que préférez-vous : jouer ou entraîner ?

Les deux. Je raffole de mon job ! Diriger des talents tels que Kuranyi ou Schweinsteiger quelques années est fantastique. L’essentiel est que nos joueurs acquièrent de l’expérience internationale. Six à sept joueurs de chaque levée réussissent en Bundesliga. De plus en plus de bons footballeurs émergent dans le football allemand, deux fois plus qu’à mes débuts en 1998. Les jeunes sont les vainqueurs de l’arrêt Bosman. Actuellement, clubs et fédération £uvrent dans le même sens. Depuis 2000, tous les clubs des deux premières divisions allemandes doivent posséder un centre de formation. Beaucoup de clubs y injectent de trois à cinq millions par an et cela porte ses fruits.

Votre palmarès est impressionnant alors que vous n’êtes devenu pro qu’à 24 ans…

Je ne voulais pas jouer en 2e Bundesliga. A 18 ans, j’ai refusé des offres de cette division. Je gagnais mieux ma vie en combinant mon travail d’ardoisier et les primes de la plus haute division amateur que ce qu’un club de D2 pouvait m’offrir. Je pratiquais aussi le handball. Werner Lorant m’a convaincu d’effectuer un test au RW Essen. Je ne suis devenu international qu’à 29 ans. Un mauvais timing pour la Belgique puisque nous avons été sacrés champions d’Europe à son détriment…

Gary Lineker n’a-t-il pas raison en disant  » Un match de football dure 90 minutes et à la fin, l’Allemagne gagne….  » ?

A force de se répéter qu’on n’abandonne jamais, cela imprègne les esprits et on monte sur le terrain avec cette idée. Je n’ai jamais eu peur sur un terrain et je ne veux pas que mes joueurs aient ce sentiment. Celui qui a bien travaillé peut jouer sans crainte. S’il échoue, il saura au moins qu’il a tout mis en £uvre pour réussir. Mais ceux qui ont peur se privent volontairement de 10 % de leurs aptitudes.

Le vécu

Pourquoi avoir accompagné le RW Essen en 2e Bundesliga comme joueur ?

J’avais des offres de Bundesliga mais Essen m’avait aidé et je voulais lui rendre la pareille. J’ai inscrit 41 buts cette saison-là puis j’ai rejoint Hambourg. J’avais eu un entretien positif avec Francfort mais je lui ai demandé de ne pas en piper mot. Or, pendant le trajet de retour, j’ai entendu la nouvelle à la radio. Je me suis arrêté à une station et j’ai téléphoné pour leur dire que je ne jouerais pas pour eux…

Etiez-vous un vrai talent ?

Non, mais j’étais prêt à travailler dur et je connaissais mes limites comme mes qualités. Je ne devais pas imiter Maradona mais j’étais bourré d’engagement et d’enthousiasme. Jouer avec Kevin Keegan, Franz Beckenbauer, Uli Stein, Felix Magath, Manfred Kaltz et en équipe nationale avec Karl-Heinz Rummenigge et Hans-Peter Briegel était fantastique. J’ai assisté aux débuts de Maradona, âgé de 17 ans, au mini-Mondial de 1979 à Montevideo. J’ai savouré chaque moment et j’essaie de transmettre ce vécu à mes joueurs.

Vous avez joué avec des vedettes mondiales au HSV : Keegan, Beckenbauer…

Je réponds toujours que Beckenbauer a joué avec moi. J’ai tout gagné avec le HSV, sauf la Coupe d’Allemagne. Et le Mondial.

Quel était le secret de Hambourg ?

Nous formions une équipe soudée, au sein de laquelle chacun acceptait les autres. Nous pouvions compter les uns sur les autres, nous étions en pleine forme, nous avions une bonne combinaison de vitesse et de technique.

Quel a été le rôle d’Happel pour vous ?

Nous nous entendions bien, il passait à la maison, connaissait ma femme et jouait avec les enfants. Il était l’entraîneur qu’il nous fallait après Branko Zebec. Plus offensif, il m’a permis de m’épanouir. Il n’était pas un dictateur. Tous ses anciens joueurs vous le confirmeront.

Est-ce lui qui vous a convaincu de rejoindre le Standard ?

Oui. Je voulais rempiler deux ans au HSV mais il ne m’offrait qu’un an. A ce moment-là, un manager m’a demandé si je voulais signer au Standard. Happel m’a dit : -Tu peux y aller ; tu ne devras pas apprendre le français car la plupart des joueurs parlent allemand. Il a ajouté que nous n’avions pas besoin du manager. Il m’a emmené chez Roger Petit. En décembre, l’affaire était conclue. A mon arrivée, le Standard émargeait à l’élite européenne. Je m’y suis senti chez moi d’emblée. Malheureusement, j’ai été blessé à deux reprises : au tendon d’Achille contre Dundee puis, un an plus tard, au pied. Il était resté coincé dans les filets. Sans oublier l’affaire, évidemment…

Quelle était l’ampleur de votre déception ?

Je m’entendais bien avec les jeunes et j’ai reculé au libéro. Sans cette affaire, nous aurions été champions et nous aurions gagné la Coupe. Gand nous a battus en finale. Peu avant le coup de sifflet final, nous avons obtenu un corner que notre jeune avant, Lionel Roger, n’avait plus qu’à pousser dans le but. Il a raté le coup et Gand s’est imposée aux prolongations. Quant à l’équipe que nous avions avant le scandale… Quelle belle mentalité ! Je me souviens que nous avions perdu pour la première fois depuis longtemps et que les joueurs en pleuraient dans le vestiaire. Je n’avais jamais vu ça ! Je regrette de n’avoir rien gagné en Belgique. Le Standard aurait souhaité que je reste un an de plus mais pas moi. J’aurais d’ailleurs dû raccrocher mais Dortmund était très insistant et je n’y ai finalement joué que huit matches.

Vous plaisiez-vous au Standard ?

Oui, même si je communiquais difficilement avec Raymond Goethals. Quand je ne comprenais pas, il appelait Walter Meeuws, qui était mon interprète attitré, bien que d’autres joueurs parlaient allemand aussi. Jouer était facile. Les passes arrivaient bien, distillées par Gründel à droite et Simon Tahamata à gauche. Nous ne peinions que contre Anderlecht. On jouait sur un espace de 40 mètres et les deux équipes usaient du hors-jeu. Par contre, j’ai dû m’habituer à la suie noire qui tombait sur le terrain quand il pleuvait. Après le match, j’avais des cernes noirs.

Les défenseurs belges étaient-ils pénibles ?

Non. Ils devaient s’adapter à moi, pas le contraire. En plus, le meilleur défenseur belge était en nos rangs : Eric Gerets était capable d’évoluer à plusieurs positions et il était toujours bien placé. Il était tactiquement fort. Dommage qu’il soit parti en Italie, j’aurais aimé le voir chez nous.

Chez vous ?

A Hambourg. C’est là que j’ai vécu les plus belles années. Le pire a été une deuxième place. Après sa suspension, j’ai conseillé à Gérard Plessers de rejoindre Hambourg. Je lui ai donné le contrat. J’ai fait de même pour Gründel. C’était facile, Günter Netzer était le manager du HSV.

Construire

Quel enseignement irez-vous de votre carrière ?

Le talent seul ne suffit pas. Il faut travailler, être honnête envers soi-même et les autres.

La chance joue-t-elle un rôle ?

On la force par le labeur. 80 % du succès viennent de l’anticipation, qui est le résultat de l’expérience.

Parfois, les joueurs se plaignent que le coach ne les aime pas.

Il faut oser lui demander pourquoi on ne joue pas. Ainsi, d’après les explications de l’entraîneur, on sait ce qu’il faut travailler les mois suivants. Imputer la faute de son échec aux autres est trop facile. Un bon entraîneur doit pouvoir expliquer où le bât blesse.

Qu’est-ce qui détermine le succès ?

Il y a quelques années, on m’a demandé quel a été mon meilleur match. Non, ce n’était pas la finale de l’EURO, durant laquelle j’ai marqué deux buts, ni le match contre la France, qui nous a qualifiés pour la finale. Mon meilleur match a été mon premier en Bundesliga, sous le maillot de Rot-Weiss Essen. Nous nous sommes imposés 2-1 contre le Bayer Uerdingen et j’ai inscrit les deux buts. Que serais-je devenu si je n’avais pas marqué et si nous avions perdu ? On se serait peut-être demandé ce que je faisais dans l’équipe ? Je voulais vraiment me montrer car j’avais toujours rêvé de me produire une fois en Bundesliga. Ce match m’a convaincu que j’avais le niveau requis mais après le deuxième match, l’entraîneur m’a écarté pendant dix semaines. Il m’a dit que je manquais d’entraînement. Puis il m’a retitularisé. J’ai marqué 18 buts cette saison-là. Un but de plus et j’étais meilleur buteur de Bundesliga.

Combien de temps allez-vous encore travailler ?

Je suis sous contrat pour trois ans encore. J’aurai 61 ans. Je n’arrête jamais. Chaque week-end, j’assiste à trois ou quatre matches. Rester à la maison signifierait ma mort. Nous disputons bientôt un tournoi de qualification aux Pays-Bas. Le vainqueur participera à l’EURO français. Je dois gagner trois matches en l’espace de sept jours. Je n’emmènerai que les joueurs en pleine forme. J’en choisis 30 parmi 400 candidats potentiels et je leur dis : -C’en est fini du football de gamins. Il est temps pour vous de devenir des joueurs de Bundesliga mais pour cela, vous devez m’écouter. Les clubs ne pensent qu’aux résultats et s’ils en obtiennent, ils intègrent peut-être l’un ou l’autre jeune. Mon travail me permet de construire quelque chose. C’est ce qui me plaît.

Les jeunes ne sont-ils pas fainéants ?

Pas du tout ! Mais comment les entraîneurs les dirigent-ils ? Il faut les aider.

par geert foutré

« Walter Meeuws était mon interprète. »

« Nous avions le meilleur défenseur belge : Eric Gerets. »

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