Sanctions disciplinaires et droits de la défense

Il ne se passe pas une semaine sans que l’on apprenne, par voie de presse, la suspension d’un athlète de haut niveau par sa fédération, pour cause de dopage. Dernier exemple en date: le sprinter français Christophe Cheval, suspendu de toutes compétitions d’athlétisme pour deux ans suite à un contrôle anti-dopage positif aux anabolisants lors des derniers Championnats du Monde qui se sont déroulés à Edmonton (Canada).

Vu le très bref laps de temps séparant l’annonce du contrôle anti-dopage positif et la décision disciplinaire de la fédération concernée, il y a fort à parier que celle-ci a été le fruit d’une procédure expéditive digne d’une banale république bananière.

L’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, qui s’applique notamment sur tout le territoire de l’Europe Occidentale, impose, lors de toute contestation relative à des droits civils ou à l’occasion d’une accusation en matière pénale, le respect des règles du « procès équitable », à savoir:

1. Les règles « statutaires »: La contestation doit être soumise à un Tribunal, organisé par ou en vertu de la loi, indépendant et impartial. Cela signifie concrètement que le Juge saisi doit pouvoir bénéficier d’un statut le mettant objectivement et concrètement à l’abri de toute pression ou influence venant de l’extérieur.

2. Les règles procédurales: Tout au long de la procédure, doivent être respectés les principes du « contradictoire » et de « l’égalité des armes », ce qui signifie que chaque élément susceptible d’influencer le délibéré du Juge puisse être soumis aux arguments contradictoires des parties placées à ce sujet sur un strict pied d’égalité.

Ces règles s’imposent-elles également lors de procédures disciplinaires?

La réponse est nette: la Convention Européenne des Droits de l’Homme a vocation à s’appliquer lors de tout litige mettant en cause les droits civils des individus, et notamment leurs droits patrimoniaux. Dès lors que l’instance disciplinaire aura une influence sur le patrimoine d’un sportif, soit par le biais d’amendes, soit par le biais d’une mesure de suspension l’empêchant d’exercer temporairement une activité (semi-) professionnelle, les règles protectionnistes précitées doivent être respectées. A défaut, il y aurait alors violation manifeste de l’article 6 de la Convention!

Que penser dès lors des Juges disciplinaires qui, membres d’une fédération sportive, doivent décider souverainement du sort d’athlètes poursuivis par ces mêmes fédérations?

Poser la question revient ici à y répondre. Il y a là un manque d’impartialité et d’indépendance évident. Et pourtant tel est le lot commun des instances disciplinaires de la grande majorité des fédérations sportives belges.

Une profonde réforme des règlements disciplinaires des différentes fédérations sportives apparaît nécessaire à la lumière des éléments qui précèdent, sous peine de voir bientôt resurgir devant des Hautes Cours Européennes des procès d’envergure. Comme dit le proverbe: « Il vaut mieux prévenir que guérir ».

Luc Misson

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