Salut, Kim !

Vendredi dernier, le Van Damme a été la fête d’adieu de Gevaert. Retour sur une fantastique carrière avec un témoin très privilégié.

Elodie Ouedroago (27 ans) est depuis dix ans la partenaire d’entraînement et l’amie de la sprinteuse la plus brillante de l’histoire belge :  » A Pékin, peu avant la finale du 4×100 où on a conquis l’argent olympique en 4×100 m avec Olivia Borlée et Hanna Mariën, nous avons subitement pris conscience que c’était la dernière fois que nous courions ensemble. « 

N’étiez-vous pas surtout soulagées que le tendon d’Achille de Kim tienne ?

Elodie Ouedraogo : Je me suis entraînée jour après jour avec elle. J’étais sûre qu’elle serait prête pour Pékin. Cette tendinite est latente depuis huit ans. La pression qui a pesé sur elle avant les JO a peut-être dramatisé cette blessure.

Comme au Mondial d’Osaka l’année dernière, elle a renoncé au 200 m. La pression n’en était que plus intense pour le relais ?

Surtout que la Belgique n’avait pas encore de médailles… C’était avant celle en or de Tia ! On se fixe tellement sur ces plaques qu’on oublie d’autres belles performances. Les gens ne comprennent pas toujours à quel point il est difficile de monter sur le podium aux Jeux.

Pouvez-vous comparer cette course à celle d’Athènes 2004, où vous étiez sixièmes ?

Il n’y avait pas de tape prévu alors qu’habituellement, on reçoit un morceau de tape de couleur à coller sur son couloir. Heureusement, nous courions après les hommes et nous avons récupéré leurs tapes. Les organisateurs les avaient sans doute oubliés pour nous. Je n’avais jamais vu ça.

Cette finale a constitué les adieux internationaux de Kim. Avez-vous remarqué, aux JO, que ses concurrentes respectaient sa carrière ?

Oui ! Sa retraite a fait la une de nombreuses émissions de pays différents. Le site web de l’IAAF l’a aussi annoncé. Kim était au plus haut niveau depuis des années, elle n’a pas été une étoile filante, elle n’a pas vécu une superbe saison suivie d’un trou de deux ans et en plus, elle est blanche dans une discipline dominée par les noires. Elle est restée elle-même, gentille et modeste. Les autres athlètes l’ont certainement remarqué. Beaucoup de gens sont venus la trouver, aux JO : Francis Obikwelu, les sprinteuses américaines et les russes…

Les Jamaïcains ont dominé le sprint. Vous êtes-vous posé des questions ?

La Jamaïque a une tradition en sprint – je pense à Merlene Ottey et Don Quarrie. Chaque victoire d’Usain Bolt et de Veronica Campbell incite sans doute 30 à 40 jeunes à suivre leurs traces. Les performances de Bolt ont suscité quelques discussions de la part des autres athlètes mais restons-en là : si j’étais championne olympique, je n’aimerais pas qu’on remette ma prestation en cause.

La relève est assurée

Le passage de témoin entre Kim et vous est un des points forts de ce relais…

Nos passages ont toujours été bons. Nous aurons besoin de temps pour remplacer Kim mais je continue à croire en cette équipe de relais. La relève est prête. Nous ne sommes pas que quatre. Il y a Olivia, Hanna, Frauke Penen, Anne Zagre – cinquième sur 100 m haies au Mondial des Juniores, Elisabeth Davin, Eline Berings… Nous ne devons pas attendre une nouvelle Kim dans l’immédiat, elle était un talent exceptionnel. Je pense toutefois qu’Olivia approchera les chronos de Kim, à terme.

Kim a vécu dans un milieu spécial, non ?

L’athlétisme international est un univers dur. Vous voyagez seule, vous partagez une chambre avec des concurrentes. Si vous ne vous entendez pas, vous vivez deux ou trois jours pénibles. Kim a découvert ce monde à vingt ans déjà !

A-t-elle beaucoup changé en dix ans ?

Oui, la jeune fille timide s’est muée en une femme séduisante et engagée. Kim sait ce qu’elle veut et ne quitte pas ses objectifs des yeux. Elle a découvert l’athlétisme professionnel du temps de stars telles qu’Ottey et Irina Privalova. Rester soi-même n’était pas évident.

Rudi Diels, votre entraîneur commun, dit qu’il y a deux Elodie : celle qui ne connaissait pas encore Kim, gagnait tout et pensait que ça allait de soi puis l’autre, qui a compris qu’elle devait travailler.

En effet. Beaucoup de jeunes talents qui gagnent se croient arrivés puis, en débarquant dans les grands championnats, ils se font battre par tout le monde. J’ai eu la chance de devenir pro et de m’entraîner avec Kim.

Le courant est-il passé d’emblée, entre Kim et vous ?

Oui. Nous avons des caractères très différents, complémentaires. Je suis impulsive, Kim réfléchit avant de parler ou d’agir. Elle m’a appris à tourner ma langue sept fois dans ma bouche et je lui ai peut-être communiqué une part de ma réactivité. Sinon, nous avons le même humour et apprécions les mêmes personnes.

Manager ou maman ?

Aimeriez-vous qu’elle devienne votre manager ?

Oui, je l’ai souvent dit, mais Kim a d’autres priorités pour l’instant. Elle veut fonder une grande famille. Or, un manager doit voyager, etc. Elle va passer beaucoup de temps dans son foyer dans les prochains mois, pour respirer et faire ce qu’elle aime.

A-t-elle assuré son avenir ?

Je n’en sais rien, nous ne parlons pas d’argent ni de contrats. Je suppose qu’elle a bien gagné sa vie quand même.

Vous est-il difficile de vous motiver sans votre amie ?

Je vis toujours sur le petit nuage de Pékin mais les entraînements vont être différents. Quand Kim était quelque part, Elodie n’était jamais très loin. Nous étions inséparables depuis dix ans. Je perds ma copine. Nous avons parfois passé plus de temps ensemble qu’avec nos partenaires. Mais je la comprends : c’en est assez. J’espère pouvoir effectuer mes adieux avec le même sentiment de satisfaction que Kim, plus tard. C’est le rêve de tout sportif.

L’athlétisme va-t-il lui manquer ?

Je crois que oui mais elle a aussi très envie d’entamer le second volet de sa vie.

Kim effectue ses adieux en beauté mais n’aurait-elle pas pu faire mieux encore ?

Physiquement, elle n’était pas à bout. C’était plutôt mental. Tout sportif de haut niveau appréhende la saison de trop, craint de se traîner en fin d’année. Je n’ai guère remarqué de signe d’usure à l’entraînement mais elle ne laissait rien au hasard, sachant que ce serait sa dernière saison. Elle s’est ainsi astreinte à des séries supplémentaires d’abdos alors que nous nous demandions si c’était vraiment nécessaire.

Vous avez souvent déclaré que vous arrêteriez en 2008…

Oui, mais beaucoup de gens rêvent de mon job et je ne dois pas l’abandonner comme ça à 27 ans.

Kim ne s’entraîne-t-elle jamais sur les haies avec vous qui courez aussi le 400 haies ?

Avant, elle se risquait aux haies ou au saut à la perche pour se changer les idées mais avec l’âge, on comprend qu’il est stupide de risquer une blessure. Nous connaissons Kim la sprinteuse mais avant, elle s’est adonnée au saut en hauteur, avec succès. Elle regrette parfois de n’avoir pu s’adonner à davantage de disciplines dans le passé.

A l’entraînement, avez-vous sprinté l’une contre l’autre ?

Parfois mais je ne l’ai jamais battue. Tout ce que je pouvais faire, c’était la déconcentrer par un faux départ (elle rit).l

par matthias stockmans

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire