Sale joueur?

Une carte de visite en béton (Hoboken, Berchem, Beerschot, Standard, Club Brugeois, Genk, Seraing, Ekeren, Westerlo) mais on le connaît si mal.

Marc Schaessens (34 ans): « Nous avons un métier fantastique et quand je devrai y mettre fin, ce sera pénible car je n’ai rien connu d’autre. J’ai un diplôme A3 de mécanique automobile. J’ai suivi cette option parce que mon frère l’a achevée rapidement et que je voulais devenir footballeur professionnel le plus vite possible. Sinon, j’aurais opté pour un régendat en éducation physique ou quelque chose de ce genre.

Un footballeur doit consentir des sacrifices que les gens qui font neuf-cinq ne connaissent pas. Si, à 18 ans, vous n’avez toujours pas de relation amoureuse fixe, que faites-vous? Vous sortez, évidemment. Généralement après le match: je m’attardais, en buvant une bière, mais pas jusqu’aux petites heures. Maintenant, les jeunes ne commencent à sortir que vers minuit, une heure du matin, jusqu’à neuf ou dix heures, ai-je appris. Un footballeur professionnel ne peut se le permettre. Avec l’âge, je continue à prendre une bière après le match -et parfois, j’en bois une de trop- mais j’ai toujours le temps de récupérer.

Peu de gens comprennent le stress généré par le football. Nous sommes mis sous pression. Si ce n’est pas par la direction, c’est par les supporters. Avec le temps, j’ai appris à relativiser. Peu de choses me touchent encore. Je suis immunisé contre les huées des supporters adverses -qui me visent régulièrement. Ma femme, mes parents et le petit vivent ça beaucoup plus mal. Au début, notre fils n’y prêtait pas attention: d’autres choses l’intéressaient, dans la tribune. Maintenant, il entend tout ça. Récemment, il était assis à côté de ma mère quand des gens ont commencé à scander le même genre de propos que l’année dernière au sujet de la mère de MarcDegryse. Et quand il demande: – Maman, que crient-ils?… Allez expliquer ça à un petit bout de huit ans.

Mais moi, ça ne me touche plus. Je sais que je ne suis pas le joueur le plus sympathique. Disons que j’ai le sens de la répartie. Je préfère ces cris à rien du tout: au moins, ça veut dire que je représente quelque chose. D’autre part, il m’arrive de me demander comment les gens osent tenir certains propos. En fait, ils me motivent plus que le contraire. Un jeune y pense plus car il n’a que le football. Maintenant, j’ai une femme, un enfant, une vie. J’ai compris que certaines choses étaient plus importantes que le football. En fait, je n’ai commencé à profiter vraiment du football qu’à 28 ans, grâce à cette maturité.

Quand on est jeune, on n’a pas le droit à la parole. Il faut respecter les joueurs plus anciens. Je le comprends d’autant mieux que je me retrouve dans cette catégorie. En fait, j’ai toujours exprimé mon opinion. Il faut oser dire ce qui ne va pas. Les Néerlandais exagèrent dans ce sens mais nous, les Belges, sommes trop timides. Je sais que parfois, je suis un peu direct… Je ne me souviens toutefois pas avoir insulté quelqu’un. Je crie, oui, mais je ne blesse personne. Jamais. Maintenant, j’ai gagné le respect des jeunes, du moins je l’espère, et je remarque que j’ai vieilli, suite à ce changement. C’est un couteau à deux tranchants.

Danny Boffin en sait quelque chose. Nous sommes assez comparables dans la mesure où nous misons sur notre vitesse, une vitesse qui nous permet d’éviter les tackles et donc les blessures. Il faut sentir quand quelqu’un va tackler et qu’il faut donc se débarrasser du ballon. Je n’ai eu qu’une seule blessure grave, qui m’a coûté huit semaines. Je jouais à Ekeren. J’ai été victime d’une déchirure d’un tendon, derrière le genou. A cette époque, je pensais avant tout faire mon boulot. Arrivé à Westerlo, j’ai compris que j’étais davantage. Que je devais assumer mes responsabilités et entraîner les autres quand ça n’allait pas. C’est ainsi qu’on s’attire le respect des jeunes ».

Du succès dans les petits clubs

« Je n’ai jamais vraiment émergé dans un club du top mais à mes yeux, il est aussi important d’avoir eu du succès dans des équipes de moindre envergure. Regardez le Standard: ce n’est pas parce que vous faites partie d’un grand club que vous obtenez des résultats. J’ai gagné le titre avec Bruges, j’ai participé à la Ligue des Champions et joué les demi-finales de la Coupe UEFA. J’ai obtenu de vrais trophées avec des petits clubs: la Coupe de Belgique, avec le Germinal et Westerlo. éa compte plus à mes yeux que toutes les autres saisons réunies, notamment parce que je m’y sentais bien.

Je ne peux pas dire que c’était le cas à Bruges. Je n’y ai jamais obtenu de véritable chance. Apparemment à cause de mon caractère et de certaines personnes. Si j’y avais reçu une véritable opportunité, j’y jouerais toujours, je crois. Ou du moins, j’y serais resté plus longtemps. J’espère que si j’ai connu autant de clubs, c’est plutôt dû à mes qualités qu’à mon caractère.

J’ai été appelé dans toutes les catégories d’âge de l’équipe nationale. J’ai même été capitaine des Espoirs, mais jamais je n’ai été repris en équipe A: je continue à m’interroger à ce sujet. Pourquoi n’ai-je jamais été sélectionné alors que j’ai effectué la totalité du parcours jusque-là? Durant mes 17 ans en D1, j’ai connu de belles périodes. Est-ce donc uniquement à cause de mon caractère? Ce serait grave de condamner quelqu’un sur un préjugé. J’entends souvent cette réplique, dans mes nouvelles équipes: – Jamais nous n’aurions cru que tu étais comme ça en dehors du football… Après tant d’années, je suis en mesure de jauger mes qualités et j’ose affirmer que je ne suis ni meilleur, ni moins bon que certains de ceux qui ont reçu leur chance à l’arrière droit. Prenez Vreven. Nous avons un caractère similaire, non? Ce qui veut dire qu’on commence à changer d’opinion mais à mon âge, c’est sans doute trop tard. Il n’empêche que je reste supporter des Diables Rouges.

Je suis fan du Beerschot depuis mon enfance. J’ai reçu diverses offres quand j’y étais: Lokeren, Anderlecht, le Lierse, mais je voulais à tout prix jouer au Beerschot. Le niveau sportif n’était évidemment pas très élevé. Je n’y ai connu que la lutte contre la relégation. C’est ce qui a déterminé mon choix pour le Standard. Je me suis beaucoup plu en Wallonie, au Standard comme à Seraing. Je n’ai passé qu’une saison dans cette ville mais l’ambiance y était tellement fantastique qu’on ne pouvait jamais avoir de mauvais jour. Nous avions une excellente équipe, avec Wamberto, Edmilson, Karagiannis, Isaias, Teppers, De Nil… »

Le bonheur de jouer

« C’est au Beerschot que je suis resté le plus longtemps: six ans. BarryHughes était le boute-en-train attitré du club. Je me souviens d’une défaite 6-1 à Liège. Nous étions tellement choqués que certains joueurs pleuraient dans le vestiaire. Dans le car qui nous ramenait à Anvers, l’entraîneur s’est emparé du micro et il a commencé à chanter, sur un air de carnaval: nous étions battus 6-1 mais il y avait de l’ambiance! Il avait toujours des blagues à raconter. Généralement, l’après-midi, les footballeurs s’adonnent au billard ou aux cartes; au Beerschot, ils étaient pendus aux lèvres de l’entraîneur. J’étais heureux de m’y rendre, tous les jours.

J’ai retrouvé ce sentiment à Westerlo, comme au Lierse, mais je ne l’ai pas eu à Genk. Là, ma femme a souvent dû me motiver: – Tu vas te lever et aller t’entraîner, oui!. Eh oui, à Genk, le matin, il m’arrivait de penser à mettre fin à ma carrière, tant j’étais dégoûté. Le groupe était très jeune et on attendait beaucoup de moi. Les supporters étaient fantastiques. D’ailleurs, depuis lors, tout le monde le sait.

Je n’ai bien gagné ma vie que depuis quelques années. Au Beerschot, j’avais le contrat minimum, l’équivalent de 1.000 euros par mois. J’aurais aimé rester à Westerlo car ce n’était pas un problème d’argent. Pour Wijnants, peut-être, pas pour moi. Je ne demandais pas plus que ce que mon contrat précédent prévoyait mais il voulait que je fasse un effort. Or, en trois ans, j’avais largement prouvé ce que je valais.

Les clubs étrangers ne se sont jamais vraiment intéressés à moi. J’ai suscité un vague intérêt aux Pays-Bas, en Turquie et en Espagne. Ma femme et moi aurions aimé nous expatrier. Avant tout pour l’aspect financier, je l’admets. Ceux qui racontent qu’ils souhaitent se rendre à l’étranger pour la culture mentent.

Je ferais pareil si je niais aimer le luxe… Nous achetons ce qui nous plaît. C’est pour ça que j’ai joué toutes ces années. Je sais que d’autres doivent se contenter de moins. Ils ne sont pas moins heureux pour la cause, si j’en juge par mon frère et ma belle soeur. Je suis heureux parce que ma famille et moi sommes en bonne santé, ce qui est essentiel. Il y a deux ans, mon père a subi une opération à coeur ouvert. L’année dernière, mon beau-père est décédé d’un cancer des poumons, après neuf mois de maladie. éa vous fait réfléchir. On pense que ça n’arrive qu’aux autres jusqu’à ce qu’on y soit confronté. Alors, on fait le point et on s’interroge sur ce qui compte vraiment. Le luxe n’est pas le plus important. Je peux me le permettre, c’est tout. ».

Raoul De Groote

« Je n’ai jamais insulté personne »

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