Sa nouvelle trajectoire

Voici comment, en un an, l’entraîneur des Rouches a su imposer sa nouvelle griffe sur l’équipe.

La scène se déroule après la rencontre remportée dans la douleur face à Westerlo (2-1). Comme à son habitude, Michel Preud’homme explose de joie. Pour lui, chaque coup de sifflet final le déleste d’un poids qui semble plus lourd d’année en année. Pourtant, ce soir-là, il sait qu’il a un groupe formidable. Il tient à faire savoir à ses hommes toute la fierté ressentie. Il les réunit au milieu du terrain et leur dit – Je savais que j’avais un bon groupe. Maintenant, je sais que j’ai un grand groupe. Ce soir, vous avez été grands. Témoignage d’un entraîneur qui, en un an, a réussi à donner de l’ambition à son noyau.

Sa carrière a pris une voie que l’on pensait de garage. Un chemin glissant qui au premier tournant devait le conduire au fossé. Mais le bolide Preud’homme en a fait une voie royale. Celle qui bouscule les destins et façonne les légendes. Mais qu’a réussi à changer MPH ? Et comment agit-il ?

Dans la bouche de ceux qui décrivent l’ancien gardien des Diables Rouges, les mêmes mots reviennent sans cesse :  » Très strict, à la limite du perfectionnisme « , lâche son adjoint Manu Ferrera.

 » Le mot dur n’est pas approprié. C’est plutôt quelqu’un d’exigeant « , ajoute Siramana Dembele.

 » Nerveux et superstitieux « , affirme Olivier Renard.

 » Très professionnel, quasiment méticuleux, intelligent, un peu angoissé, passionné et parfois un peu trop sensible aux critiques « , conclut Thierry Luthers de la RTBF radio.

Depuis le début de saison, MPH semble pourtant plus détendu, moins stressé. Après le match contre Bruges, il s’est même laissé aller à un trait d’humour en affirmant à JackyMathijssen que Calimero avait quitté Liège pour Bruges.

S’il se montre plus détendu, c’est qu’il voit que son travail et sa philosophie paient.  » Il n’a pas changé, il est toujours resté le même. Il garde le même engagement, la même passion mais il est peut-être un peu moins nerveux. L’année passée, il avait été engagé dans une course poursuite durant toute la saison. Cela use. Cette saison, il peut davantage souffler « , explique le capitaine Steven Defour. Propos corroborés par le préparateur physique Guy Namurois :  » Le stress provient d’un manque de confiance en l’avenir mais quand on a réussi à cadenasser les choses de façon à éviter les surprises, la sérénité vient plus facilement « .

 » Je le sens plus serein lors des interviews d’avant ou d’après match mais il est toujours nerveux « , nuance Luthers.  » Pour s’en rendre compte, il suffit de relever son exclusion à Saint-Pétersbourg ou son léger pétage de plomb lorsqu’il a shooté dans une bouteille contre Westerlo. Mais la grosse différence, c’est qu’il ne doit plus jouer au pompier de service. Il peut construire une dynamique « .

 » Il est toujours anxieux « , ajoute Renard,  » On le ressent à l’entraînement ou dans les choix d’hôtels lors des mises au vert. Pendant le match, il sait qu’il est dépendant du groupe. Cela n’a pas le don de le calmer « .

Un groupe réceptif

Preud’homme n’a pas changé mais il contrôle plus de paramètres. Il a ainsi pu façonner son groupe, qui a connu quelques retouches.  » Désormais, il a davantage la maîtrise du noyau « , poursuit Renard.  » C’est le commandant du navire. Ce qui n’était pas toujours le cas la saison dernière. Il disposait de beaucoup de joueurs d’expérience et il devait moins intervenir par rapport au groupe. Il savait que ses joueurs rectifiaient eux-mêmes le tir quand il le fallait. Si pendant le match, certains éléments voulaient changer de tactique, ils le faisaient. Cette année, le groupe est plus jeune et plus réceptif. On applique la tactique à la lettre, ce qui est certainement un avantage pour un entraîneur même si cela peut aussi s’avérer un inconvénient à certaines occasions. Quand Preud’homme a été renvoyé en tribune à Saint-Pétersbourg, on s’est senti orphelin. On a encore besoin de coaching « .

Luthers abonde dans le même sens :  » Ce n’est pas un hasard si le Standard a perdu le fil de la rencontre en Russie une fois Preud’homme exclu. Cela prouve qu’il a le groupe en main, qu’il sait recadrer les choses et qu’il a une bonne lecture tactique d’un match « .

D’une équipe marquée par des individualités et des caractères forts, il en a fait une formation basée sur le collectif. Renard :  » Depuis la reprise, ses discours sont plus centrés sur le groupe. C’est essentiel chez lui. L’année passée, il prenait davantage les joueurs en aparté. Il voit que tout le monde s’est épanoui dans le groupe « .

Preud’homme couve donc un peu plus ses ouailles mais il n’exagère pas. Tout est dans le dosage. Pas de blabla inutile, pas d’autoritarisme déplacé :  » Il parle à bon escient. Il essaye de ne pas nous fatiguer avec de longs discours. De même qu’il n’empêchera jamais un joueur de s’exprimer devant le groupe « , précise Dembele.

Une méthode

Preud’homme a pris le temps de l’observation. Renard :  » La saison dernière, il a débarqué une fois le championnat commencé. Pendant huit mois, il a pu juger son groupe. Il a pu afficher ses desiderata durant le dernier mercato en désignant ceux qu’il voulait garder et ceux qui pouvaient partir. Maintenant, il connaît son noyau par c£ur et sait être à l’écoute. Quand un ou deux joueurs se sentent fatigués, il sait qu’il doit alléger les entraînements. A la mi-temps contre Westerlo, on restait sur vingt minutes médiocres. Mais comme l’exclusion de Mohamed Sarr venait d’avoir lieu, il a compris qu’il fallait nous re-motiver. Il a insisté sur les points positifs, a expliqué clairement le repositionnement et a été assez intelligent pour ne pas mettre le doigt sur les 20 mauvaises minutes. Résultat : on est ressorti du vestiaire gonflé à bloc et on a remporté le match. Par contre, deux jours plus tard, il n’a pas manqué d’être critique et de revenir sur notre première mi-temps moyenne « .

Même les remplaçants sont concernés par sa méthode.  » Il fonctionne beaucoup avec la notion de groupe « , explique Dembele,  » Durant les entraînements, on ne sent pas qu’il y a des remplaçants et des titulaires. Il corrige autant les erreurs des uns que celles des autres. On ne se rend compte de notre statut que lorsqu’il dévoile la sélection. Il sait qu’il ne peut pas tenir un championnat avec onze joueurs. Et il a une très bonne gestion du banc. Il a aussi apporté une notion de travail et d’effort. De là découle la notion de plaisir qui n’est réalisable qu’après l’effort. Il a établi des règles dans le groupe et il sait sanctionner si les limites sont franchies. Mais le Standard dispose d’un groupe jeune dans lequel il y a beaucoup de folie et d’insouciance. De ce fait, il laisse aussi parfois faire car il sait que c’est la force de sa formation « .

Un charisme

Preud’homme a imposé sa griffe au noyau.  » Il jouit d’une crédibilité naturelle « , dévoile Dembele,  » On sait qu’il a connu une grande carrière et dans certaines situations, on se dit qu’il a vécu les mêmes situations avant nous et qu’il est plus à même de nous comprendre que les journalistes ou les supporters « .

Par rapport à la saison passée, Preud’homme maîtrise également mieux son travail. Il a dû trouver son rythme de croisière.  » Finalement, il n’a pas une longue carrière d’entraîneur derrière lui « , affirme Renard.  » Il apprend vite, il a su se remettre dans le bain et désormais il sait ce qu’il veut de tel ou tel joueur « .

Il a fallu aussi oublier sa carrière au sein de l’Union Belge et retrouver les sensations du terrain.  » J’ai toujours pensé qu’il ferait un très grand coach « , témoigne Luthers,  » Il a du charisme, il est polyglotte, intelligent, suffisamment psychologue et surtout il sent le foot comme nul autre pareil. Je trouve qu’il coache très bien, qu’il fait des changements judicieux. C’est the right man at the right place… même s’il aurait également été très bon dans le costume de président de l’Union Belge « .

De plus, il a compris qu’il avait une légende à forger à Liège :  » Imaginez la portée symbolique si le titre revenait au Standard sous la houlette de Preud’homme ! « , continue Luthers,  » Il incarne le Standard. C’est un Liégeois qui a débuté comme gamin, à 18 ans, au Standard. Il a une aura ici. Mais aussi à l’extérieur. J’ai pu m’en rendre compte à Saint-Pétersbourg. C’est une star et un ambassadeur de choix pour le club « .

Une vraie cohésion avec le staff

Preud’homme sert de porte-parole mais il peut aussi se décharger sur son staff. Il compte sur ses adjoints et tient à garder cette cohésion. Ce n’est pas pour rien qu’il a insisté pour que le préparateur physique Namurois soit repris à plein temps.  » Je ne le connaissais que comme directeur technique « , dit Namurois.  » Quand il m’a dit qu’il reprenait l’équipe, la donne changeait et j’ai envisagé un retour. Cependant, mon programme étant établi, je ne pouvais que me contenter, la saison dernière, d’un travail d’expertise. A Portimao, durant le stage, on a pu se rendre compte de la bonne entente dans le staff. Cette année, on a bien bossé en préparation. Et en six années de préparation au Standard, je n’avais jamais ressenti une telle charge et qualité de travail. On a pu imprimer ça dès le 26 juin et on récolte en quelque sorte ce qu’on avait déjà semé l’année dernière. La collaboration se passe parfaitement car Preud’homme respecte mon travail et est à l’écoute de mes idées. Chaque membre du staff a l’impression de participer à la formation de l’équipe. Pour les entraînements, je prends en charge la dynamique sans ballon et cela l’arrange très bien. J’établis les programmes et il apporte quelques corrections mais il y a très peu de contradiction. Michel est un perfectionniste terrible et c’est là qu’on se rejoint. Il arrive à 8 heures au bureau et il part à 20 heures. Chaque détail du dernier et prochain match est analysé « .

Ferrera l’assiste depuis un an et le côtoie chaque jour :  » Il y a un respect mutuel. Il demande l’avis de chacun dans son domaine de prédilection. Quand il s’agit d’une question sur l’adversaire, il se tournera vers Stan Vandenbuys, par exemple. C’est quelqu’un d’ouvert, qui écoute l’avis des autres mais qui a aussi assez de personnalité pour ne pas se laisser influencer. Durant un match, il se focalise principalement sur ses joueurs. Moi, je me charge de l’équipe adverse. Les attaques personnelles ne le gênent pas mais il peut se fâcher quand un journaliste attaque injustement un joueur ou l’équipe et il ne se privera pas de le dire en conférence de presse « .

par stéphane vande velde

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