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SÁ DÉMÉNAGE (TOUT LE TEMPS)

Au propre comme au figuré, l’attaquant portugais du Standard a la bougeotte. Apprécié partout, il ne reste nulle part. Se fixera-t-il à Sclessin ?  » Quand je ne me sens pas utile, je m’en vais.  »

Luciano D’Onofrio avait l’art d’aller chercher des joueurs portugais oubliés pour leur permettre de relancer leur carrière chez nous. Cela n’a pas marché pour tous mais c’est grâce à cela que le public belge a pu apprécier des éléments comme António Folha ou Sérgio Conceição.

Orlando Carlos Braga de Sá est de la même veine que ces deux-là. Il ne lui a fallu que quelques semaines pour démontrer son efficacité, comme il l’avait fait auparavant à Chypre ou en Pologne. Au point qu’au Portugal, de nombreux observateurs se sont déjà demandés comment il se faisait qu’à 28 ans, Orlando Sá n’ait encore été qu’une seule fois international.

Peut-être en raison d’une blessure survenue au plus mauvais moment ou, plus encore, à cause de choix de carrière malheureux puisque le Standard est déjà son dixième club.

« Peut-être aussi parce que le Portugal n’a jamais apprécié à leur juste valeur les jeunes centre-avants portugais », dit Carlos Vara, journaliste à A Bola. « Les clubs préfèrent souvent aller chercher des étrangers déjà formés qu’ils revendent ensuite à prix d’or en Italie, en Espagne ou en Angleterre. Cela pose des problèmes à la sélection qui, depuis le retrait de Pauleta surtout, a appris à jouer différemment et à se passer d’un véritable avant de pointe comme Orlando Sá.  »

Sá compte 15 sélections en équipes d’âge (9 en U20, 6 en U21). Au cours de ces rencontres, il a inscrit 10 buts. Une statistique intéressante qui ne l’a cependant jamais poussé à revendiquer quoi que ce soit, même après que Carlos Queiroz l’eut appelé par surprise en février 2009 pour affronter la Finlande. Quatre mois plus tôt, il avait signé un hat-trick contre l’Espagne avec les U21. Ce soir-là, il remplaçait Hugo Almeida à l’heure de jeu. Depuis, plus rien.

En mars de l’année dernière, pourtant, il espérait bien être sélectionné pour le match de qualification face à la Serbie.  » Après Cristiano Ronaldo, je suis l’attaquant portugais qui inscrit le plus de buts « , avait-il dit. Une déclaration mal interprétée qui l’obligeait à apporter des précisions.

 » Jamais je n’ai défié un entraîneur et encore moins un sélectionneur national « , avait-il alors expliqué sur les réseaux sociaux, qu’il utilise abondamment (il a une page facebook et un compte twitter officiels).  » Je me suis limité à relater un fait et à faire part de mon souhait de faire partie d’un projet. Même si certains titres de journaux peuvent donner à penser le contraire, je considère ne pas avoir été présomptueux et n’avoir défié personne. Je travaille très dur depuis sept ans pour revenir en sélection mais je sais que le sélectionneur accomplit un travail fantastique et, s’il m’appelle, je répondrai avec plaisir.  »

Mais l’EURO lui est passé sous le nez. C’est Éder, réserviste à Lille, qui est devenu l’improbable héros de la nation. Aujourd’hui, le Portugal mise plutôt sur le jeune André Silva (FC Porto).

Le Portugal a été sacré champion d’Europe mais Jorge Costa continue à penser que Fernando Santos aurait dû faire confiance à Orlando Sá et qu’il n’est d’ailleurs pas trop tard.  » A ce poste, mieux vaut toujours avoir plusieurs options. Je suis sûr que si on lui donne une chance, Orlando la saisira à deux mains. Je ne suis pas du tout surpris par son succès au Standard parce que c’est un joueur qui, sans une grave blessure en début de carrière, aurait eu un parcours brillant. Il a laissé une image positive partout où il est passé. A Limassol, où j’ai été son entraîneur, c’était un héros. Tout ce qui lui manque, à présent, c’est un peu de stabilité, un club avec un bon projet et de l’affection. Il peut trouver cela en Belgique, dans un championnat très compétitif.  »

BLESSURES ET ÉCHEC AU PAYS

Beau bébé de 1,88 m pour 86 kg, Orlando Sá est né le 26 mai 1988 à Barcelos, ville célèbre pour le coq qui orne fièrement toutes les publications relatives au nord du Portugal. Il commence par faire de l’athlétisme mais son coach entraîne également les jeunes du club de football d’Esposende.

A l’âge de 15 ans, il passe à Braga où il inscrit 20 buts en 21 matches chez les juniors. Ses points de référence sont alors Ibrahimovic, Drogba et Fernando Torres et des clubs comme La Corogne ou Valence s’intéressent déjà à lui.

Conseillé par le célèbre agent Jorge Mendes, à qui son talent n’a pas échappé, il choisit de rester à Braga, qui le prête à Maria da Fonte, club de D2 pour lequel il inscrit 6 buts en 26 matches.  » A ses yeux, ce n’était pas assez, il était impatient « , dit son entraîneur de l’époque, Dinis Rodrigues.  » Nous lui avons appris qu’il y avait des choses tout aussi importantes à faire sur un terrain, surtout quand on travaille dans de mauvaises conditions, comme c’était notre cas. Il a écouté nos conseils et les a appliqués.  »

Fort de cette expérience, il retourne à Braga, où tout le monde l’apprécie.  » Un amuseur, un gars extraverti « , dit Castanheira, milieu de terrain qui l’a cotoyé à Braga.  » Un type comme on en rencontre peu dans le monde du foot. Il ne posait jamais de problème, tout le monde l’adorait.  »

Jorge Jesus finit par lui faire confiance. L’actuel entraîneur du Sporting est célèbre pour avoir remporté deux titres avec Benfica mais, surtout, pour avoir valorisé de jeunes joueurs comme Angel Di Maria ou Axel Witsel.

Mais c’est aussi un perfectionniste qui ne lâche pas les jeunes joueurs d’une semelle et lorsque, après qu’il ait passé une semaine de tests à Chelsea, le FC Porto s’intéresse à lui, Orlando Sá n’hésite pas : dès le mois de mars, il signe un contrat avec le champion du Portugal.  » Si c’était à refaire, je profiterais davantage des conseils de Jorge Jesus « , admet-il avec le recul.  » C’est un homme assez arrogant, de cette arrogance qui fait les champions. Il faut de la patience pour travailler avec lui car sa façon de s’exprimer n’est pas toujours adéquate mais il m’a beaucoup appris tactiquement et m’a montré comment utiliser ma force dans les duels.  »

De la force, Orlando Sá en a à revendre.  » Sa puissance est impressionnante « , dit Castanheira.  » Il est rapide et sa détente est exceptionnelle. Techniquement, il est moins fort mais il ne cherche pas la complication avec le ballon.  »

Norberto Lopes, journaliste au Jornal de Noticias, pense aussi qu’Orlando Sá a commis une erreur de jeunesse en quittant le cocon de Braga avant de s’y être totalement affirmé.  » D’autant qu’un mois après avoir signé, il s’est déchiré le ligament croisé du genou à l’entraînement. Il n’a donc pas pu jouer avant le mois de janvier. Or, à Porto, la concurrence est énorme. Le train est parti sans lui et il n’avait pas suffisamment de bagage pour espérer qu’on attende son retour.  » D’autant que l’attaquant de pointe de l’époque s’appelle Radamel Falcao. Mais c’est le Colombien qui surnomme Sá El Toro, en référence à sa puissance.

Au total, Sá ne joue que deux matches de championnat avec le FC Porto. Prêté au Nacional Madère après un an et demi, il n’inscrit que trois buts en 16 rencontres de Liga NOS, dont celui de la victoire contre Benfica. Insuffisant pour espérer convaincre le Dragon, qui a payé 3 millions d’euros pour 60 % de ses droits économiques (20 % appartenaient à Braga et 20 % à Mendes), d’encore lui faire confiance. D’autant qu’il a connu de nouveaux pépins physiques.

L’EXIL

Cela ne l’empêche pas de trouver du boulot à Fulham, en Premier League. Prudent, Porto a tout de même conservé 25 % des droits économiques mais en Angleterre, Orlando Sá n’inscrit qu’un seul but en sept matches : contre Norwich, lors du Boxing Day. Comme le veut la tradition, il a droit au champagne mais le 30 juin, alors qu’il explique qu’il s’était désormais adapté au jeu anglais, qu’il comprend enfin la langue, qu’il va bien se préparer et qu’on va voir le vrai Orlando Sá, le club annonce que les deux parties se quittent d’un commun accord.

Sá s’exile alors à Chypre, terre de refuge de nombreux joueurs portugais en perdition. Mais plutôt que de s’y complaire, il travaille à sa réhabilitation.  » Jorge Costa et Ivaylo Petev (ses coaches à Chypre, ndlr)m’ont fait comprendre que je pouvais revenir au plus haut niveau « , dit-il.  » Ce sont des amis pour la vie.  »

En trois ans et demi, de 2012 à juin 2015, il va tourner à une moyenne d’un but toutes les 143 minutes. D’abord à Limassol, où on le surnomme Magic Orlando, puis au Legia Varsovie, où il a été transféré sur l’insistance des frères Zewlakow et participe largement au doublé coupe-championnat de Pologne avec 14 buts en 26 matches. Il est également sacré meilleur joueur du club et meilleur buteur de la compétition alors qu’il n’a été que quinze fois titulaire.

 » Henning Berg, l’entraîneur du Legia, préférait jouer sans véritable avant de pointe « , dit Marcin Ostrowski, qui suivait Sá pour le compte du site internet Portugoal.  » Généralement, Orlando n’entrait que lorsqu’il fallait faire la différence. Et il la faisait à chaque fois parce qu’il est un peu comme Miroslav Klose : il ne lui faut pas deux occasions pour inscrire un but. Je dois cependant préciser que le niveau du championnat de Pologne est particulièrement faible.  »

Ces statistiques impressionnantes lui valent un retour en Angleterre, mais en Championship, cette fois. Reading l’achète pour 1 million de livres (1,12 millions d’euros), à la grande colère des fans du Legia qui manifestent leur mécontentement devant le siège du club.

Orlando Sá veut faire oublier son échec de Fulham. Il signe pour trois ans et pense bien s’établir à Londres, où il achète même une maison. Mais après un bon début (4 buts en 5 matches dont un hat-trick contre Ipswich que les supporters évoquent toujours), il ne marque qu’une seule fois en quatorze rencontres.  » Le départ de Steve Clarke, injustement limogé après une défaite à Fulham, m’a été fatal. Son successeur ne faisait pas trop appel à moi « , dit-il.  » Or, quand je ne me sens pas utile, je préfère m’en aller.  »

C’est alors qu’il reçoit un coup de téléphone de Jordi Cruijff. Celui-ci est directeur sportif du Maccabi Tel Aviv et le convainc de signer en Israël, où il est transféré pour 600.000 livres (660.000 euros). Le contrat est de six mois, avec promesse de le laisser partir en fin de saison. Sá commence très fort. Il inscrit notamment deux buts et délivre un assist contre Hapoel Kfar Saba. Pas de quoi entrer dans l’histoire si ce n’est que ce match est le dernier auquel Johan Cruijff assiste avant son décès. Après le match, Orlando Sá le rencontre dans un restaurant de Tel Aviv, reçoit ses félicitations et se fait prendre en photo avec lui.

Ces deux buts seront également les seuls qu’il marquera en championnat sous le maillot du club israélien, qui perd le championnat pour un point et s’incline en finale de la coupe.

Après la phase de qualification de l’Europa League, le Portugais prend la direction de Sclessin. Avec quelques doutes tout de même.  » D’autant que j’ai tout de suite vu qu’il y avait de la qualité dans cette équipe et qu’il ne serait pas facile d’y conquérir ma place « , confie-t-il au site portugais Maisfutebol.  » Pour tout vous dire, je ne pensais pas que tout irait aussi vite mais le fait de marquer dès le premier match m’a beaucoup aidé et je suis sûr que le meilleur reste à venir. Dès que l’équipe sera stabilisée, tout sera plus facile encore.  »

PAR PATRICE SINTZEN – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Sá est un peu comme Miroslav Klose : il ne lui faut pas deux occasions pour inscrire un but.  » MARCIN OSTROWSKI, JOURNALISTE À PORTUGOAL

 » Le fait de marquer dès le premier match m’a beaucoup aidé et je suis sûr que le meilleur reste à venir.  » ORLANDO SÁ, À PROPOS DE SON ARRIVÉE AU STANDARD

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