Ronaldo vs Barcelone

Tout ce qu’il faut savoir sur le clash de ce soir à Donetsk.

LA STAR DU PORTUGAL

Oubliés les deux premiers matches de l’EURO et les statistiques désolantes en tournoi. Depuis ses deux ratés monumentaux contre le Danemark et la déferlante de critiques, Cristiano Ronaldo a sorti son habit de lumière.  » C’est la grande force de Ronaldo « , explique l’ancien international Joao Pinto.  » Il a une capacité de rebond unique. Aucun autre joueur ne se remet autant en question. Cela arrive souvent qu’après un mauvais match avec le Real Madrid, il plante un triplé la semaine d’après. Avec le Portugal, on n’avait pas encore vraiment vu cette facette, bien qu’après une mauvaise Coupe du Monde, il ait réussi des qualifications exceptionnelles ( NDLR : 7 buts).  »

Ronaldo a qualifié le Portugal pour les demi-finales à lui tout seul, que ce soit contre les Pays-Bas ou la République tchèque. Avec 3 buts, et s’il continue sur sa lancée, il file vers le titre de joueur du tournoi. De plus, Ronaldo peut également varier son jeu. Quand cela ne fonctionne pas sur l’aile, on l’a vu jouer derrière l’attaquant ou simplement en position plus avancée en quarts de finale.

Pourtant, son comportement a longtemps fait débat : il n’a pas fêté les trois buts de ses coéquipiers contre le Danemark, il file seul vers la caméra quand il marque (ne remerciant surtout pas le passeur) et passe son temps à engueuler ses partenaires quand ceux-ci ratent une passe ou tentent leur chance.

Certains Portugais se demandent s’il représente le capitaine idéal, tant il ne joue pas pour l’équipe.  » C’est sans doute la personne qui reçoit le plus de critiques au pays mais tout le monde est conscient au Portugal qu’on ne saurait rien faire de bon à l’EURO sans lui « , explique Pedro Soares, journaliste pour A Bola. A ces critiques fondées, s’ajoutent également les clivages typiquement portugais : formé au Sporting Lisbonne et natif de Madère, Ronaldo est détesté des Portugais du nord du pays (Porto).

Reste son rôle au sein de l’équipe. Esseulé dans le noyau, proche seulement des joueurs du Real Madrid ( Fabio Coentrao et Pepe) et de Bruno Alves, il est également jalousé pour ses caprices de star (il a demandé une suite avec jacuzzi et plusieurs écrans plats) mais chacun de ses coéquipiers sait qu’il peut les conduire au titre (et donc aux primes qui vont avec).

LA STAR DE L’ESPAGNE

C’est l’équipe. Le danger peut venir de partout et quand un joueur a un coup de mou, un autre devient décisif. Mais si on doit dégager deux noms, on aurait tendance à retirer du lot les deux cerveaux de cette Roja, Xavi et Andres Iniesta. Si Xavi garde cette constance dans les grands rendez-vous, il a décidé de laisser la lumière au petit vampire de Barcelone.

Iniesta a démarré cet EURO sur les chapeaux de roues avec des prestations cinq étoiles contre l’Italie et l’Irlande. Depuis lors, il est plus discret. Contre la Croatie, il a été gêné par le dispositif qui l’avait ciblé comme l’homme à surveiller. Résultat des courses : Iniesta avait à chaque fois deux à trois joueurs sur le paletot quand le ballon transitait par lui. Néanmoins, c’est encore lui qui força le destin en offrant la passe décisive à Jesus Navas. Même rengaine contre la France, en quarts de finale. Iniesta était surveillé mais deux éclairs de génie ont été suffisants pour créer la zizanie dans la défense française.

 » Andres joue très bien « , expliquait Vicente Del Bosque en conférence de presse.  » Techniquement, il est parfait. De plus, il joue si naturellement, presque sans efforts. C’est comme quand Federer joue au tennis, il sue à peine. Iniesta donne l’apparence de ne faire aucun effort pour jouer. C’est extraordinaire de l’avoir.  »

C’est la première fois qu’Iniesta aborde une compétition en pleine forme mais la longue saison du Barça a laissé des traces dans les organismes et certains se demandent s’il tiendra le coup sur toute la compétition. Il a une tendance à manquer de jus en fin de match et pour la première fois, son entraîneur l’a retiré, contre la France alors que l’Espagne ne menait que par un but d’écart.

LE COACH DU PORTUGAL

Paulo Bento est un homme posé, rassembleur et peu diplomate. Quand il a quelque chose sur le c£ur, il le dit. Cela ne plaît pas à tout le monde, notamment à José Bosingwa ou Ricardo Carvalho, qui ont renoncé à la sélection. Jeune entraîneur (43 ans), il n’avait qu’une expérience limitée de deux ans au Sporting Lisbonne quand il a succédé à Carlos Queiroz au poste de sélectionneur en septembre 2010 après un début d’éliminatoires catastrophique. Sa première mission fut de rassembler une équipe divisée par Queiroz. Et cette mission, il l’a réussie puisque jamais le Portugal ne fut aussi soudé. Mis à part le cas Ronaldo, chacun joue pour l’autre et cela se voit.

Comment s’y est-il pris ? En impliquant les joueurs et en débattant avec eux sur la tactique à utiliser.  » Evidemment, je ne vais pas les laisser choisir si nous jouons en 4-3-3 ou en 4-4-2, mais on peut leur dire que le plat est un steak et leur demander s’ils le veulent bien cuit ou à point, avec du riz ou des pâtes « , a- t-il d’ailleurs lancé en début de tournoi.

Contrairement à Queiroz qui rentrait souvent en conflit avec sa star, il a fait de Ronaldo sa pierre angulaire. Il lui permet beaucoup de choses et l’attaquant du Real le lui rend bien. C’est Ronaldo qui a sauvé le Portugal du naufrage lors des éliminatoires grâce à ses sept réalisations. Après les critiques des deux premières rencontres, Bento est monté au créneau pour le défendre ouvertement. Les faits lui donnent raison : Ronaldo est devenu incontournable et a brillé par la suite.

Il a également cautionné le silenzio stampa décrété par les joueurs (Ronaldo en serait l’instigateur) suite aux critiques. Cela lui a permis de fédérer encore davantage ce groupe, un peu dans le mode : seul contre tous.

LE COACH DE L’ESPAGNE

Del Bosque fait partie d’une autre génération que Bento. Il n’est pas exalté et ne réagit pas comme un joueur. Il fait plutôt office de sage, toujours posé et ouvert au dialogue. Il fait face aux critiques avec aplomb, sans se démonter mais avoue aussi qu’il peut se tromper ou douter de ses choix.

 » J’ai toujours dit que j’avais des doutes – et je plains ceux qui n’en ont pas « , reconnaissait-il avant le quart de finale.  » Nous avons 23 joueurs qui jouent brillamment. Ce qui signifie que nous avons pléthore de choix. Et nous essayons de faire ce qui nous semble le meilleur choix. Tous nos joueurs excellent dans leur club. Ils sont différents les uns des autres mais tous utiles et capables de contribuer à notre marche en avant. Rien n’est donc décidé à l’avance. « 

Le groupe apprécie particulièrement Del Bosque pour sa franchise mais également parce qu’il se remet en question et n’est pas enfermé dans ses certitudes. A l’extérieur du groupe, il est également soutenu. Surtout pour sa sportivité et sa disponibilité.

 » Nous sommes des sportifs et normalement, les sportifs se doivent d’être amicaux et fair-play « , a-t-il ajouté.  » Chacun se bat pour ses idées mais nous sommes aussi ici pour servir d’exemples et avoir un comportement adéquat. Ici, mais aussi dans la vie en général. Dans une compétition comme un EURO ou une Coupe du Monde, nous devons montrer une belle image de notre pays. C’est ce que nous tentons de faire, même si on n’y arrive pas toujours « .

A l’EURO, il protège son groupe. Il n’hésite pas, dans son style posé, à énoncer les problèmes auxquels les champions du monde sont confrontés depuis le début du tournoi, le tout sans jamais s’en servir comme excuses préalables. Comme la fatigue, suite à une longue saison et à une finale de Copa del Rey, disputée fin mai. Ou comme le manque de récupération après les quarts de finale, le Portugal disposant de deux jours supplémentaires. Il a également avoué à la fin de plusieurs rencontres que ses joueurs étaient vidés ou, après la France, que la chaleur avait constitué un problème, vu la différence de température entre Gdansk, où l’Espagne a disputé ses trois premières rencontres et où elle a son camp de base, et Donetsk. Del Bosque est conscient que c’est son boulot de gérer ces paramètres !

LA POINTE DU PORTUGAL

C’est le point noir. Durant les quatre premiers matches, Bento a fait confiance à Helder Postiga, l’attaquant de Saragosse, auteur de cinq buts lors des éliminatoires et qui s’est blessé contre la Tchéquie. Pour beaucoup, il n’a pas le niveau de l’entrejeu, ni de la défense. Pour d’autres, il n’est pas aidé par Ronaldo et Nani, qui préfèrent sans cesse jouer leur carte personnelle et rentrer dans le jeu que le servir. De plus, contrairement à Nani et Ronaldo, Postiga effectue un gros travail défensif, jouant le porteur d’eau des deux ailiers. On lui reprochait de marquer trop peu mais il a trouvé le chemin des filets contre le Danemark.

Pour le remplacer, Bento n’a pas beaucoup d’options. A chaque rencontre de poules, il a fait rentrer Nelson Oliveira. Mais le jeune attaquant, qui n’est pas titulaire indiscutable à Benfica, n’a que 20 ans et ne peut porter à lui seul le poids de l’attaque. En quarts, quand Postiga s’est blessé, Bento a préféré l’expérience à la jeunesse et a lancé Hugo Almeida dans le bain, qui s’est montré très présent mais pas assez clinique. L’attaquant de Besiktas reste sur une saison très moyenne et manque de rythme. Pourtant, ce sera sans doute lui qui sera censé animer la pointe de l’attaque.

Une dernière option serait de confier ce poste à Ronaldo et de mettre sur une des ailes Silvestre Varela qui est, à chaque fois, bien rentré.

LA POINTE DE L’ESPAGNE

Là aussi, il s’agit d’un débat plutôt vif. Depuis la blessure de David Villa, Del Bosque ne sait pas quoi faire. Longtemps, on a cru que Fernando Torres tenait la corde mais c’est Cesc Fabregas qui a été aligné contre l’Italie. Certes, le Barcelonais a marqué ce soir-là mais la question demeure pendante. Del Bosque a estimé que sa tactique a fonctionné mais Torres est retourné dans le onze de base contre l’Irlande. En plantant deux buts, le débat semble clos. Pas vraiment !

Del Bosque continue à balancer entre profondeur et possession de balle. Une fois, c’est Fabregas, une fois, c’est Torres. Contre la France, Del Bosque a aligné Fabregas mais l’entrée de Torres a une nouvelle fois apporté plus de profondeur et de solutions à une Espagne qui semble peiner.

La presse espagnole ne sait pas prendre parti : Fabregas et Torres comptent deux buts chacun. Mais le débat ne s’éteindra qu’en cas de victoire finale de l’Espagne. Sinon, on reprochera toujours à Del Bosque de ne pas avoir opté définitivement pour un vrai numéro 9.

L’ENTREJEU DU PORTUGAL

Le Portugal peut se reposer sur un entrejeu très fort et complémentaire. Tout le monde se focalise sur la vivacité des deux ailiers (Ronaldo et Nani) qui percutent beaucoup et sont attirés par le but, mais derrière ces deux stars, la Seleçao a construit un triangle particulièrement séduisant. Contrairement aux générations 2000 et 2004, le Portugal ne compte plus de numéro dix technique. Il n’y a plus de Rui Costa, Luis Figo ou Deco pour servir de chef d’orchestre. Les éléments les plus techniques sont sur les ailes.

Dans l’axe, on retrouve, certes, de bons manieurs de ballon mais ils ne sont pas réputés pour cela. Miguel Veloso, le médian de Genoa, est un gros travailleur, qui récupère énormément de ballons et dispose d’une grande intelligence de placement. Devant lui, on retrouve Raul Meireles, infatigable et capable de surgir sans cesse de la deuxième ligne pour apporter le surnombre dans le rectangle et conclure grâce à une frappe de balle très lourde.

Enfin, il y a Joao Moutinho que certains considèrent comme le c£ur de cette équipe. Beaucoup de ballons transitent par lui et il a un peu un rôle de relayeur, de courroie de transmission.

L’ENTREJEU DE L’ESPAGNE

Contrairement au Portugal, l’entrejeu espagnol ne tourne pas autour d’un seul homme. Xavi et Iniesta demeurent les cerveaux mais David Silva a pris du galon. Aujourd’hui titulaire indiscutable, il est mis sur le même pied que les Barcelonais. Parfois irrégulier dans une rencontre, il est capable de faire la différence, comme sur le but face aux Italiens. Il s’imbrique parfaitement dans le jeu de passes même s’il n’a jamais évolué aux côtés de Xavi et d’Iniesta en club.

Derrière ce trident offensif et créatif de génie, capable d’ouvertures lumineuses (on a encore vu des passes exceptionnelles contre la France), mais également de se sortir d’un goulet en deux passes, il y a les deux aspirateurs, Sergio Busquets et Xabi Alonso. Busquets récupère beaucoup et s’imbrique dans le jeu de passes à la barcelonaise. C’est également le plus vicieux du côté espagnol. Malin comme un singe, il sait très bien provoquer la faute. Précieux, il réalise un EURO à la hauteur de son jeu. A ses côtés, Xabi Alonso a longtemps été décrié. Comparé aux autres médians, il est censé apporter de la variété, par la qualité de son jeu long et de ses frappes. Mais son premier tour fut approximatif. Ses longues ouvertures ne trouvaient personne et ses frappes n’étaient pas assez cadrées. A tel point que certains se demandaient si Del Bosque n’allait pas préférer Pedro contre la France. Mais Xabi Alonso a été maintenu et il a retrouvé tout son football, pour sa 100e sélection. Auteur de deux buts, il a également été plus précis dans l’entrejeu. C’est aussi cela la force de l’Espagne : chaque médian est capable, à un moment ou à un autre, de faire basculer une rencontre.

Au final, cet entrejeu repose sur la technique et une possession de balle qui doit limiter la capacité d’action de l’adversaire.

LA DÉFENSE DU PORTUGAL

Autre faiblesse : le gardien. Le temps de Ricardo, sauveur face à l’Angleterre en 2006 est passé. Celui d’ Eduardo, qui gardait les buts à la dernière Coupe du Monde, peut-être aussi. Relégué sur le banc à Benfica, il n’a pu prétendre à un rôle de titulaire. Bento a donc choisi de confier le poste à Rui Patricio, le gardien du Sporting Lisbonne. Peu expérimenté (à peine 14 sélections), ce portier de 24 ans n’a pas rassuré lors des quatre premiers matches. Alors que sa grande taille devrait lui permettre d’être souverain dans les airs, on le voit souvent passer à travers.

Heureusement, il peut compter sur une arrière-garde solide. Du moins depuis le début du tournoi car le Portugal arrivait en Pologne avec la défense la plus friable des éliminatoires ! Mais l’EURO a changé la donne. Pepe, débarrassé de l’ombre pesante de Ricardo Carvalho, a pris une nouvelle dimension. Il dégage beaucoup de puissance et de sérénité et est devenu le patron de cette défense. Il est méconnaissable par rapport à l’image qu’il renvoie de lui au Real. On est loin du boucher et de la crapule des dernières années en club. Une statistique étonnante appuie d’ailleurs cette réalité : en équipe nationale, il n’a pris que deux cartons jaunes dans un tournoi majeur, soit 10 matches de phases finales !

Son entente avec le défenseur du Zenit, Bruno Alves est parfaite. Les deux tours règnent souverainement sur les airs et dans les duels. Milan Baros en a fait d’ailleurs les frais et a paru bien pitoyable face à cette opposition.

Mais les deux surprises viennent des flancs. On ne connaissait pas bien le droitier Joao Pereira mais le joueur du Sporting Lisbonne monte en puissance. Invisible contre l’Allemagne, il reste sur deux prestations de haut niveau contre les Pays-Bas et la République tchèque. De l’autre côté, Fabio Coentrao a retrouvé le niveau qui était le sien lors de la dernière Coupe du Monde, après une saison moyenne au Real Madrid. Il dynamite son flanc et fait preuve de volonté et d’aisance technique dans ses montées.

LA DÉFENSE DE L’ESPAGNE

Jusqu’au quart de finale, on aurait pu penser que l’Espagne, c’était, au niveau défensif, tout le contraire du Portugal. Non pas que la défense espagnole est faible mais elle repose principalement sur son gardien : San Iker. Iker Casillas fait jusqu’à présent un sans-faute dans le tournoi. Il a sauvé son équipe contre l’Italie et la Croatie, à des moments cruciaux. Devant lui, la question de la solidité défensive demeurera tant que cette équipe d’Espagne sera tournée vers l’offensive. En allant à l’abordage, Jordi Alba et dans une moindre mesure Alvaro Arbeloalaissent souvent les défenseurs centraux livrés à eux-mêmes.

 » Il y a bien un moment où cette frêle digue va craquer « , a prédit l’ancien sélectionneur Luis Aragones. Et pourtant, Sergio Ramos et Gerard Piquésont pour le moment intraitables et semblent même monter en puissance. L’Espagne n’a d’ailleurs encaissé qu’un seul but, ce qui en fait le demi-finaliste le moins perméable.

Une défense forteresse qui est aussi le moteur des offensives espagnoles. Les relances de Piqué sont souvent propres et le back gauche, Alba, est une vraie plus-value par rapport à l’Espagne 2008 et 2010. Par contre, on se demande ce que fait Arbeloa dans cette équipe…

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Contrairement aux générations 2000 et 2004, le Portugal ne se repose plus sur un 10 comme Figo, Rui Costa ou Deco. « 

 » La défense espagnole paraît friable et pourtant, elle est la moins perméable des demi-finalistes. « 

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