Ronaldinho: Une révolution mexicaine

De l’enfer à la lumière. En 2013, les Gallos Blancos de Querétaro ont été condamnés à descendre en D2. Un an plus tard, le club situé au centre du Mexique s’est mué en attraction nationale, voire mondiale. Le responsable de cette transformation : le Brésilien Ronaldinho, 34 ans, champion du monde 2002, Ballon d’or 2005, et des jambes fatiguées. Retour sur les deux premiers mois contrastés de son aventure mexicaine.

Le 22 novembre, Ronaldinho va jouer une finale. Pas de celles, prestigieuses, qui ont jalonné sa carrière (Coupe du Monde, Ligue des Champions, Copa Libertadores). Bien plus humblement, il s’agira d’un dix-septième et dernier match de saison régulière de LigaMX (championnat mexicain) qui va définir grandement l’évaluation de la saison de Querétaro comme de l’impact de la star brésilienne sur le rendement du club.

Dixièmes sur dix-huit, les Gallos Blancos (coqs blancs) n’ont pas le choix et se doivent de l’emporter sur le terrain du Chiapas FC pour espérer atteindre la Liguilla, les play-offs qui concluent la saison au Mexique et concernent les huit premiers du classement. Si Querétaro se retrouve devant cette obligation, c’est que l’arrivée de Ronaldinho n’a pas fonctionné comme un levier pour l’équipe bleu et noir.

Avant que la star brésilienne ne dispute son premier match, le 21 septembre, à l’occasion de la neuvième journée, les Gallos Blancos pointaient ainsi au huitième rang. Ils ont régressé. Sur le terrain, on attend encore l’effet Ronaldinho. En dehors, en revanche, l’arrivée de l’ex-meilleur joueur du monde au Mexique a fait l’effet d’une bombe.

Kaká à Charleroi

Ronaldinho à Querétaro, c’est un peu comme si Kaká signait à Charleroi, ou Adriano… au Havre. Un joueur qui chausse trois tailles au-dessus de son employeur. D’une autre dimension. Première conséquence, le nom du club, il y a peu anonyme, est désormais connu dans le monde entier. Quotidien bouleversé. Habitué à n’intéresser que la presse locale, Querétaro a ainsi subitement vu affluer des centaines de demandes de la presse nationale et internationale.

Habituée à jouer devant des tribunes clairsemées, l’équipe a commencé à remplir des stades à domicile, comme à l’extérieur. A Guadalajara, deuxième ville du Mexique, les deux meilleures affluences de la saison portent ainsi la signature du Ballon d’or 2005. Le 21 septembre, 38.000 personnes se sont ainsi rendu au stade Omnilife, pour admirer Ronnie, face aux Chivas (1-4, un but sur pénalty de Ronaldinho).

Dix jours plus tard, 45.000autres ont copieusement garni le mythiquestade Jalisco, qui abrite les matches de l’Atlas, le club formateur de Rafael Marquez (défaite 2-1, but sur coup-franc de Ronaldinho). Aux alentours des deux stades de Guadalajara, les maillots-pirates ou officiels de Ronnie se sont vendus comme des petits pains : de 120 pesos (7 euros) à 750 (45 euros).

Ils sont floqués du 49, chiffre choisi en hommage à sa mère, née en 1949. L’équipementier s’est même trouvé momentanément en rupture de stock. La petite structure mexicaine a dû s’adapter à la star internationale. Querétaro doit ainsi désormais se déplacer avec un service de sécurité entièrement affecté à la protection de Ronnie, la poule aux oeufs d’or des Gallos.

Une équipe qui compte

 » Bienvenue dans mon monde « , pourrait dire le Brésilien à ses coéquipiers et dirigeants. Avec le sourire, évidemment. Celui avec lequel il a signé son contrat le 4 septembre dernier, en assurant qu’il était là  » pour gagner des titres « .

Mais Ronaldinho savait-il vraiment où il mettait les pieds avant d’atterrir dans cette ville de 600.000 habitants située à deux heures de route au nord de Mexico et dont le centre à l’architecture coloniale fait le bonheur des touristes ? Si son choix peut paraître curieux, l’ex-idole du Camp Nou a préalablement longuement palabré, au Brésil, avec Arturo Villanueva, le directeur opérationnel de Querétaro.

Le club cherchait alors un joueur capable de lui apporter un plus sportivement mais surtout de positionner le club médiatiquement. Premier nom sur la liste : Ronaldinho. Première grosse prise d’une institution reprise en main, en mai dernier, par Olegario Vasquez Raña, quadragénaire ayant hérité des commandes d’une prospère affaire familiale (hôtellerie, établissements de santé, médias).

 » On veut désormais être une équipe qui compte « , nous affirme Adolfo Rios, le président du club. Quand Ronaldinho a signé, il se trouvait sans club depuis la rupture de son contrat, fin juillet, avec l’Atletico Mineiro, l’un des deux grands de Belo Horizonte, avec lequel il a remporté la Copa Libertadores 2013.

Le Mexique, c’est chic

Des rumeurs ont envoyé Ronnie en MLS, en Inde, mais le meneur de jeu aux dents longues a finalement opté pour le Mexique, un pays marqué par la violence et de fortes inégalités, mais qui n’en est pas moins ladouzième économie du monde. La moitié des clubs de LigaMX sont d’ailleurs détenus par des grands groupes qui peuvent proposer aux meilleurs éléments des salaires pouvant dépasser les 100.000 euros mensuels.

Le frère et agent de Ronaldinho le sait bien pour avoir joué aux Tecos Guadalajara en 1999. A Querétaro, Ronaldinho est évidemment l’élément le mieux payé du club (le chiffre de deux millions de dollars annuels a circulé), mais il n’est pas l’individualité la mieux rémunérée du Mexique, selon ses dirigeants. Mais personne ne peut rivaliser avec la cote de popularité du natif de Porto Alegre.

Lors des matches à l’extérieur, Ronnie est ainsi bombardé par les flashs dès qu’il s’approche de la tribune pour tirer un corner. A la mi-temps ou au coup de sifflet final, les joueurs adverses se débattent pour arracher le maillot de l’idole. La plupart de ses coéquipiers se sont pour leur part sentis incrédules quand l’ex-blaugrana a débarqué dans leur vestiaire.

 » Ronaldinho c’était un joueur avec lequel on jouait à la PlayStation, personnellement je n’aurais jamais imaginé que je pourrais jouer avec lui, ni même le voir de près « , assure ainsi le défenseur central, Yasser Corona. Recettes guichets en hausse, merchandising, l’opération Ronaldinho pourrait même s’avérer rentable pour Querétaro.

Comme à la maison

Curieux dans son organisation (voir cadre) et dans ses us et coutumes, le championnat mexicain n’en est pas moins exigeant. Ronaldinho en était-il conscient ? Si la star brésilienne monopolise l’exécution des coups de pied arrêtés, elle a rarement pesé sur une rencontre, sauf lors de son premier match face aux Chivas (une passe décisive et un but).

 » L’attention que lui portent nos adversaires libère nos autres joueurs « , le dédouane toutefois Adolfo Rios. L’entraîneur, Ignacio Ambriz, ex-adjoint de Javier Aguirre à l’Atlético Madrid, a pour sa part déclaré que son équipe devait  » s’adapter  » à Ronnie, à son rythme, mais le gaucho peine à trouver sa place dans une équipe plutôt portée sur le contre que sur la possession.

Positionné en neuf et demi, pour lui éviter de fournir des efforts de récupération dont il s’auto-dispense depuis de longues années, Ronaldinho peut toujours éclairer une rencontre d’une passe ultra-lucide dont il a le secret, mais il manque de vitesse et d’endurance pour suivre le rythme de ses acolytes des avant-postes.

Ronnie dispose pourtant de partenaires d’un niveau décent, comme son compatriote, Camilo Sanvezzo, meilleur buteur de la MLS en 2013, et actuel goleador de la LigaMX (onze buts en seize matches). Il fait également équipe avec le meneur de jeu, Sinha, brésilien naturalisé mexicain, titulaire avec El Tri lors du Mondial 2006 et qui, à 37 ans, se montre bien plus endurant que l’ex du Barça et du PSG.

Au total, six Brésiliens de naissance évoluent à Querétaro. Ronaldinho, qui s’est fait construire un terrain de football-volley dans sa résidence mexicaine, peut se sentir comme à la maison. Le vétéran mexicain, RicardoOsorio, champion d’Allemagne 2007 avec Stuttgart, complète le contingent des coéquipiers de Ronnie au CV non négligeable.

Aucun scandale

Au Mexique, les moindres faits et gestes de Ronnie sont largement relayés. Que la star mange un taco, obtienne son permis de séjour, ou rencontre un compatriote faisant dans le combat UFC, et l’info fait le tour du pays. Deux mois après son arrivée, l’effet Ronaldinho commence toutefois à s’estomper à Querétaro. Le stade Corregidora, qui peut accueillir 35.000 personnes, n’affichait ainsi pas complet lors du dernier match des Gallos face à Morelia (2-1).

Si Ronnie reste l’attraction principale, il n’a plus rien d’un intouchable. Lui qui semblait bénéficier d’un statut de vache sacrée quand il a débarqué au Mexique se fait désormais banalement remplacer. Ce fut le cas face à Morelia, comme lors du match de prestige face à l’America, le leader.

Nacho Ambriz avait alors osé sortir Ronnie, pour le plus grand bien des siens : Querétaro inscrira le but de la victoire une fois la star sur le banc, dont le Brésilien bondira d’ailleurs pour aller féliciter ses partenaires. Pour expliquer le manque de condition de Ronaldinho, aucun scandale de sorties jusqu’au petit matin n’est venu ponctuer les deux premiers mois mexicains de celui qui avait assuré qu’il continuerait à  » vivre comme il l’a toujours fait  » en débarquant au Mexique.

 » Qu’il vive de n’importe quelle manière, c’est un joueur qui a reçu un don de Dieu, et qui nous apportera toujours quelque chose « , estime Yasser Corona. Quelle que soit la forme de sa star de 34 ans, Querétaro veut, en tout cas, absolument sa Liguilla, pour continuer à grandir. Cette exigence de résultats a conduit Ignacio Ambriz à prendre une mesure exceptionnelle, en écartant sept joueurs du groupe pro le 9 octobre.

Faire une Ronaldinho

Malgré son niveau déclinant, Ronaldinho semble se plaire à Querétaro, avec qui il a signé un contrat de deux ans. Et le Mexique, s’il n’a pas le droit au meilleur de la star, se contente allègrement de compter sur l’un des meilleurs manieurs de ballons de tous les temps.

Avant lui, des joueurs comme Pep Guardiola (2006, Dorados Sinaloa), Eusebio (Rayados, 1975) ou Emilio Butragueño (Atletico Celaya, 1995-1998), étaient venus passer leurs vieux jours de professionnels au Mexique, mais l’impact médiatique provoqué par l’arrivée du Brésilien est d’une tout autre magnitude.

 » Il s’agit du transfert du siècle « , fanfaronne Arturo Villanueva. Désormais, plusieurs clubs mexicains chercheraient à faire  » une Ronaldinho.  » Les noms de Gerrard, Forlan, ou Xavi, ont circulé. A défaut de continuer à jouer des finales de prestige, Ronaldinho a peut-être initié une mode revival au Mexique…

PAR THOMAS GOUBIN AU MEXIQUE

Ronaldinho, qui semblait bénéficier d’un statut de vache sacrée quand il a débarqué au Mexique, se fait désormais banalement remplacer.

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