Romelu, les jeunes années

En l’espace d’un an, Lukaku est passé des catégories d’âge à la D1, dont il est champion et meilleur buteur. Rupel-Boom, Wintam, le Lierse et Anderlecht : le récit d’une belle aventure.

Etape 1 : le SK Rupel Boom

Au comptoir de la cafétéria, du Sportpark De Schorre à Boom, on retrouve un entraîneur des jeunes, Erwin Wosky. Il a été le premier entraîneur de Romelu Lukaku, quand celui-ci avait rejoint les Diablotins, à six ans, sur les anciens terrains du défunt FC Boom. A côté de Wosky, Louis De Boeck, le père de Glen, l’entraîneur du Cercle. Il a été le deuxième entraîneur de Lukaku à Rupel Boom, en Préminimes.

Wosky exhibe quelques magazines reprenant de brefs comptes rendus de matches de jeunes. Un certain Rupel Boom-Hingene s’est achevé sur le score de 10-0. Romeli a inscrit quatre buts.  » C’était bien Romelu « , interroge Louis De Boeck ?  » Non « , rétorque Erwin Wosky.  » Pour nous, c’était Romeli. Son père l’appelait comme ça et nous l’inscrivions de la même façon.  »

Si Romelu a effectué ses débuts là, c’est parce que son père y jouait, en D1.  » Je me souviens de son arrivée en hiver « , poursuit De Boeck.  » Roger a joué avec Glen en Espoirs de Boom. Lors d’un de ses premiers matches, à Seraing, il tremblait de froid. Je lui ai donné mes gants. Il les a peut-être toujours… « 

A six ans, Romelu était déjà grand. Wosky montre une photo d’une équipe de Diablotins :  » Romelu jouait une fois avec une équipe, une fois avec une autre, quand nous manquions de joueurs. Il dépassait déjà ses condisciples. Or, ils avaient deux ans de plus. Il était grand et fort, il avait déjà le sens du but et un super pied gauche. « 

De Boeck :  » Je devais le freiner. Il ne cédait pas le ballon. Nous pouvions effectuer des remplacements à volonté et quand je le retirais après huit minutes, il me demandait pourquoi. Je lui donnais un ballon pour jouer à côté en lui expliquant qu’il n’était pas seul sur le terrain. A cet âge-là, il ne pas faut freiner les gosses mais il ne faut pas non plus encourager leur égoïsme. « 

Wosky :  » C’était une équipe talentueuse. Deux de ses anciens coéquipiers jouent au GBA, un au Club et un autre est revenu chez nous après un passage au GBA. Romelu était une crème. « 

De Boeck :  » Il a parfois raté des entraînements mais ce n’était pas sa faute. Roger avait une vieille auto, plus souvent en panne qu’autre chose. Il téléphonait pour prévenir. J’ai parfois placé Romelu sur le banc à cause de ses absences, pour ne pas m’exposer à des remarques style -Il ne s’entraîne qu’une fois mais il joue.  »

Wosky :  » Il nous est arrivé d’aller le chercher avant un match, quand Roger prévenait qu’il était en panne. Il n’a pas connu ces problèmes à Wintam car il pouvait se rendre au terrain à pied… « 

Il y a deux mois, Wosky a revu Lukaku alors qu’il se trouvait à Neerpede.  » Il est immédiatement venu nous trouver : -Bonjour, trainer, comment allez-vous ? Mais maintenant, je dois regarder en l’air pour lui parler !  » De Boeck :  » Il a toujours été courtois. J’aimerais qu’il revienne nous dire bonjour, quand sa vie sera un peu plus calme.  »

Etape 2 : le FC Wintam

C’est jour de marché à Puurs. Ivo Marneffe, directeur du collège St-Jan Berghmans, qui accueille 2.000 élèves, est aussi président des jeunes du FC Wintam. Il nous attend. La veille, en compagnie de cinq professeurs, il a assisté au match Anderlecht-Courtrai. Son voisin, Roger Lukaku, lui avait offert des billets. Il lance une carte de membre sur la table : les enseignants ont fondé un club officiel de supporters : les Romeli’s. Il compte déjà… six membres et la famille de Lukaku est membre d’honneur.

Romelu viendrait du  » ro  » de Roger, du  » me  » de Menema (second nom, africain, de Roger) et du  » lu  » de Lukaku. Roger est devenu le voisin de Marneffe quand il a déménagé de Ruisbroek à Wintam :  » Il jouait alors à Ath, en Promotion. Nous l’avons convaincu de nous rejoindre en 2e Provinciale. Ses deux fils, qui fréquentaient déjà notre école, jouaient à Rupel Boom. Roger a entraîné nos Scolaires et nos Juniors. J’étais le délégué de ses équipes. Romelu était un diamant brut, qu’il fallait tailler techniquement. Son jeu de tête n’était pas brillant non plus. Je me souviens d’un match opposant le premier au deuxième : 6-6, dont cinq buts de Romelu. L’adversaire a demandé si son âge était exact mais il est né à Anvers, il n’y a pas de doute possible. Il était très soucieux d’apprendre, et toujours très poli. Il siégeait au conseil des élèves. Il avait peu de temps mais ça ne l’empêchait pas d’organiser les activités sportives de sa classe. Dans le vestiaire, avant le match, il écoutait attentivement ce qu’on expliquait et en cours de partie, il demandait des consignes supplémentaires. Il en allait de même avec l’équipe de l’école, que j’entraîne depuis 25 ans. « 

Marneffe sort une photo :  » C’est l’équipe 2006, qui a remporté la Coupe du Cardinal, le trophée le plus important pour les écoles libres. Il aimait bien jouer avec nous. Anderlecht le dispensait de l’entraînement du mercredi alors. L’année suivante, nous avons perdu la finale. Il a été insulté à cause de sa couleur de peau. C’est la seule fois que nous avons vécu ça. Il était très affligé, parce qu’il n’avait pas marqué mais aussi parce qu’il avait été maltraité. En basket aussi, il était le meilleur. Il aurait pu y réussir mais il ne pensait qu’au football. Il était dans la section économique mais c’était difficilement compatible avec ses entraînements à Anderlecht et en accord avec le club, nous avons jugé préférable qu’il poursuive ses études à Bruxelles. « 

Marneffe ne se souvient d’aucun élément négatif :  » Romelu ne se comportait pas en vedette, il ne monopolisait pas l’attention. Il est reconnaissant de ce qu’on a fait pour lui. Lors d’une de ses premières interviews à la chaîne Sporza, il a déclaré : -Je voudrais dire bonjour à mes amis de Wintam.  »

Etape 3 : le Lierse

Marcel Vets est bien incapable de dire combien de talents il a vu émerger en D1 en l’espace de 35 ans mais quand on lui demande si Lukaku est le plus doué de tous, il ne doit pas réfléchir :  » J’ai eu Cavens, Huysegems et Hoefkens mais Lukaku est d’un autre niveau. Il possède le niveau d’un Paul Van Himst ou d’un Rik Coppens. Il peut encore beaucoup progresser, même s’il est déjà loin : être, à 17 ans, le meilleur buteur de Belgique au sein de la meilleure équipe du pays, ce n’est pas rien. En plus, il ne donne pas l’impression d’être intimidé par ce qui lui arrive.  »

Romelu a joué deux ans au Lierse. Vets :  » Nous nous sommes intéressés à lui peu après le Nouvel-An, durant la saison 2003-2004. Son père voulait qu’il achève la saison à Wintam, ce qui en disait long sur l’accompagnement dont bénéficiait Romelu. J’ai apprécié cette correction. Néanmoins, quand il n’avait pas entraînement à Wintam, il s’entraînait avec nous. L’entraîneur qui s’occupait des Préminimes habitait à Wintam, comme Lukaku, et le convoyait. Lukaku était déjà très discipliné. En deux ans, jamais l’entraîneur n’a dû l’attendre une seule fois. La brochure de notre école des jeunes stipule que les études sont prioritaires. Lukaku était en primaire mais l’entraîneur nous a raconté qu’en auto, il se mettait spontanément à étudier… Il était en avance sur son âge et évoluait à l’avant-centre, en 4-3-3. Il marquait beaucoup, il avait un super tir du gauche et était avantagé dans les duels aériens comme sur les corners. Il adorait jouer à la limite du hors-jeu. Il était toujours prêt à foncer vers le but et quand il partait seul, ce n’était pas aveuglément car il n’oubliait pas ses partenaires. Son équipe a été championne à deux reprises, grâce à ses buts. Finalement, nous ne lui avons pas appris grand-chose. Je n’ai vu pareil footballeur qu’une fois, quand je jouais moi-même à Berchem Sport. Durant un lever de rideau, un jeune footballeur au tir redoutable m’avait frappé. C’était Ludo Coeck. Son tir était tellement tendu que je me demandais si l’intercepter n’était pas dangereux pour le gardien. Rik Coppens, qui entraînait Berchem, comptait les jours jusqu’aux 16 ans de Coeck, pour pouvoir l’aligner en équipe fanion.

Lukaku était déjà passionné de football. Il ne se lassait pas de s’entraîner. Il était appliqué, ne sombrait jamais dans la nonchalance. Le ballon devait être son meilleur ami. Son père a une grande part dans sa carrière. Roger ne s’est jamais imposé auprès des entraîneurs, il ne s’est jamais fait remarquer le long du terrain. Il ne disait rien. Quand nous insistions, il répondait calmement : – Il peut jouer à un niveau supérieur. Il partira d’ici un an ou deux. Nous avons tenté de le persuader de différer son départ mais le football a une hiérarchie naturelle. Anderlecht est supérieur au Lierse et nous ne pouvions conserver un tel talent.  »

Etape 4 : les jeunes d’Anderlecht

Jean Kindermans, le coordinateur des jeunes d’Anderlecht, se souvient parfaitement du moment où il a découvert Romelu Lukaku.  » C’était à Neerpede, sur le terrain n°2 lors d’un match pour -13 ans, Anderlecht-Lierse. J’ai découvert un grand avant noir qui ne cessait de courir après des ballons impossibles et un de nos scouts, Johnny Peeters, m’a annoncé qu’il était déjà engagé…  »

Cette année-là, Anderlecht a transféré 11 joueurs du Lierse.  » Nous ne l’avons pas volé « , relève Kindermans, qui a lui-même joué quelques saisons au Lisp, à la fin des années 80.  » Le club était moribond et beaucoup de joueurs venaient se présenter d’eux-mêmes. Quatre éléments de cette équipe nous intéressaient : les deux Lukaku, Gideon Boateng, devenu professionnel au MVV, et Nicky Simons. Les autres sont venus spontanément. Romelu était grand et fort mais avait du pain sur la planche sur le plan technique. Si nous l’alignions en -14 ans, il allait émerger physiquement et marquer 100 buts mais sans progresser. Nous l’avons donc placé chez les -15 ans. Il était en pleine croissance et souffrait du genou. Le groupe étant talentueux, nous l’avons promu en entier en -17 ans. La plupart des joueurs a bien évolué, Lukaku encore mieux… Il a inauguré notre programme scolaire Purple Talent. Avec, en plus des quatre séances hebdomadaires usuelles, une heure d’entraînement technique par jour à l’Institut St-Nicolas. Lukaku y a beaucoup progressé. Beaucoup de gens étaient sceptiques et se demandaient ce qu’il adviendrait de lui quand ses compagnons d’âge se seraient développés physiquement. Ils ont sous-estimé ses aptitudes techniques. En plus de la force et de la vitesse, de nombreuses heures d’entraînement lui ont permis de devenir un meilleur footballeur.  »

Tous les matins, à 7 heures, un bus d’Anderlecht conduisait Lukaku de son domicile à St-Nicolas, un institut d’enseignement secondaire général, puis à St-Guidon, où il étudie le tourisme et le marketing.  » Prétendre qu’il est un élève modèle serait mentir mais il fait des efforts pour combiner football et études, avec l’aide de la cellule sociale. C’est du travail sur mesure. « 

Kindermans considère Lukaku comme un modèle pour les autres jeunes Anderlechtois.  » Il n’a jamais été le seul leader mais l’un d’eux. Il possède du charisme et est toujours de bonne humeur. C’est un ket bien élevé. Nous voyons défiler beaucoup de gars doués qui ne parviennent pas à franchir l’ultime cap. Lukaku, lui, est même déterminant en équipe fanion ! Il a toujours été motivé, concentré sur son objectif. Il a toujours atteint ses buts plus vite que prévu. Alors que d’autres se reposent sur leurs lauriers, il se fixe de nouveaux objectifs. Mais tout est allé hyper vite alors que sa formation n’est pas achevée. A terme, il peut devenir un joueur de format européen, s’il continue à travailler ses carences. Il continue à appuyer sa technique sur sa force. Il doit y adjoindre une touche de finesse. « 

Et si Lukaku joue toujours à Anderlecht, c’est grâce à Herman Van Holsbeeck, selon Kindermans :  » Il a défendu le dossier financier auprès de la direction et je ne pense pas qu’elle regrette de l’avoir écouté. Roger Vanden Stock nous disait qui avait téléphoné… En -15 ans, le gamin a été carrément filmé et nous n’avons compris que des grands clubs étrangers étaient en train de réaliser un DVD sur Rom’. Chelsea était le plus généreux. Il était prêt à consentir de gros efforts pour faire venir toute la famille à Londres et l’invitation reste valable. « …

par geert foutré

« Il était très costaud mais devait fort travailler sa technique.  » (Jean Kindermans, Anderlecht) »

« En basket aussi, il aurait pu réussir mais il ne pensait qu’au football. (Ivo Marneffe, FC Wintam) »

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