Rohan Dennis : un précédent ou une exception ?

Le transfert estival de Rohan Dennis (24 ans) de Garmin-Sharp à BMC est passé inaperçu alors qu’il est une première. L’Australien a trouvé un accord d’un an avec l’équipe de son mentor et compatriote Allan Peiper et il va participer à la Vuelta sous le maillot de BMC.

Bien qu’il perde un grand talent, Jonathan Vaughters, le manager de Garmin, n’a pas bronché. Wim Lagae, professeur de marketing sportif à la KUL, n’est pas surpris :  » L’explication est simple. Beaucoup d’équipes ont des problèmes de liquidités en été. Donc, économiser le salaire d’un coureur qu’on va de toute façon perdre quelques mois plus tard et qui risque d’être démotivé est une bonne chose. Souvent, les équipes n’alignent même plus ces coureurs. En plus, j’imagine que BMC a versé une indemnité.  »

Normalement, une équipe ne peut annoncer un transfert pour l’année suivante qu’à partir du 1er août mais l’UCI a donné son accord au transfert de Dennis. Ce changement d’équipe constitue-t-il un précédent ou restera-t-il une exception ? 99 % des coureurs honorent généralement leur contrat. Fin 2009, Sky avait certes embauché Bradley Wiggins (Garmin) pour 2,5 millions d’euros mais le coureur n’était parti qu’au terme de la saison. Alessandro Petacchi a quitté Lampre pour OPQS en août 2013, quelques mois après avoir annoncé sa retraite.

Le cyclisme suit-il la voie du football et va-t-on assister au transfert massif de coureurs sous contrat en cours de saison, moyennant une indemnité financière ?  » Nul ne peut l’interdire au sein de l’Union européenne, compte tenu de la libre circulation des travailleurs « , précise Lagae.  » Cale va donc se reproduire mais je ne pense pas que ça devienne la règle. Le mercato footballistique est guidé par la pression liée au maintien ou au titre.  »

Lagae estime que l’incertitude financière courante constitue une des raisons du système actuel de transferts, sans indemnités.  » Une équipe dépend de ses sponsors à 90 ou 95 %. Ce sont souvent des contrats de courte durée qui ne permettent pas de débourser une grosse somme pour recruter un coureur, surtout après le Tour de France. C’est différent en football : les ressources sont plus diversifiées : billetterie, droits TV… On peut investir à long terme, d’autant que de plus grosses sommes d’argent y circulent. On peut sponsoriser une équipe du WorldTour pour 12 à 20 millions. C’est le prix d’un grand footballeur.

Les équipes cyclistes qui peuvent payer un transfert sont financées par des milliardaires tels qu’Andy Rihs (BMC) ou Zdenek Bakala (OPQS). Cette différence entre les équipes sponsorisées par des mécènes et celles qui sont financées normalement est de plus en plus marquée. Les mécènes risquent de déstabiliser le marché et de faire reculer des candidats-sponsors classiques en offrant des salaires trop élevés, comme les 4 millions que Peter Sagan gagnerait chez Tinkoff en 2015, un salaire disproportionné par rapport à la valeur marchande du cyclisme.

Cela engendre des tensions malsaines entre les coureurs de grand format et les autres. Un rapport de un à cent, même au sein des équipes du WorldTour, alors qu’en football, il n’est que de un ou trois à dix, en fonction du club et du championnat. C’est pour ça que je plaide en faveur de l’introduction d’un fair-play financier en cyclisme, avec des plafonds salariaux et des indemnités de formation.  »

PAR JONAS CRÉTEUR

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