Rock party

En Angleterre, le football est intimement lié au mouvement rock. L’occasion de faire le point et de voir si ce modèle s’exporte en Belgique.

Une fois passé la Manche, le voyageur pénètre dans un monde où la culture Pop règne en maître. Qui se rend à Londres, à Manchester, à Liverpool, à Glasgow ou dans les moindres recoins des vertes prairies du Kent ou des Highlands ne peut ignorer ce qui nourrit cette culture : le rock et le football. Le maillot anglais, écossais ou celui du club local se porte fièrement dans la rue, les stades sont archi-bondés et le dernier tube de la dernière sensation anglaise fait mouche dans tous les pubs du royaume de sa gracieuse majesté. Même la monarchie a dû s’y faire. Le prince Charles pose avec les Spice Girls et la Reine a déjà remis le trophée au vainqueur de la Cup.

Le phénomène n’est pas nouveau mais il reste constant. Loin de l’effet de mode, les deux mamelles de la culture anglaise ont appris à vivre l’une avec l’autre. Il y a 40 ans déjà, Gerry and the Pacemakers trouvait la gloire en plaçant en tête des hits parades You’ll never walk alone, devenu depuis l’hymne de Liverpool et chanté dans tous les stades européens. Il y a 20 ans, Rod Stewart exhibait fièrement son maillot écossais et clamait haut et fort son amour pour le Celtic Glasgow. Elton John rachetait le club de Watford pour le hisser au plus haut niveau. Et plus récemment, au faîte de sa gloire, en 1997, le groupe de Manchester, Oasis, étudiat toutes les possibilités qui s’offraient à lui pour racheter le club de son c£ur, Manchester City, qui végétait alors en D3, les frères Gallagher évoquant même la possibilité de sponsoriser les Citizens en floquant le maillot bleu ciel du nom du groupe. Le projet a finalement avorté. Encore maintenant, il n’est pas rare de voir Robbie Williams monter sur scène avec le maillot de son club favori, Port Vale (D2). Et la reconnaissance suprême pour tous les groupes reste de pouvoir intégrer l’album qui sortira avant chaque Coupe du Monde.

Mais d’où vient cet engouement ?  » C’est un phénomène typiquement anglais « , explique Jerôme Colin, animateur à Pure FM.  » Le rock est issu des quartiers ouvriers, comme le football. Le rock appartient à cette classe moyenne à laquelle John Lennon a rendu hommage dans la chanson Working Class hero. Une ville comme Manchester a eu une importance considérable dans le développement musical des années 80 avec des groupes comme Joy Divisionou New Order. Et aujourd’hui, cette ville offre encore un beau visage avec des formations comme Oasis , Dovesou Elbow. Et ce n’est pas pour rien que cela se passe dans une ville mythique sur le plan du football. Dans toutes les villes industrielles, on retrouve cette dualité football/rock. On voit cela à Glasgow, Liverpool ou Manchester. Il y a un véritable lien entre le football, la musique et le peuple. Et en Angleterre, la musique du peuple, c’est le rock. Par contre, en Italie, c’est la variété. Et ce sont les chanteurs de variété comme Eros Ramazzotti que l’on voit au stade. Mais cela peut être le reggae également. Bob Marley était un grand passionné de ballon rond « .

Dans les autres pays, le monde du football s’immisce de plus en plus dans la culture rock. Mais les deux mondes ne sont pas encore intimement liés. Là où les Anglais sont viscéralement attachés à ces deux produits populaires, les autres pays européens font parfois encore la différence entre les deux. Ainsi, des groupes belges nous ont confié qu’il était parfois mal vu de dévoiler sa passion pour le football. Pour certains, le rock est devenu un art pensé de façon intellectuelle et il n’est pas question pour eux de frayer avec la bassesse engendrée par les rites du football. Pourtant, d’autres n’hésitent pas à revendiquer leurs couleurs. Ainsi, en France, même si c’est davantage le rap qui flirte avec le milieu du football, la scène musicale rock s’est enrichie récemment de groupes aux délicieux patronymes d’AstonVilla ou de Crystal Palace. Le leader du groupe stéphanois Mickey 3D n’a pas hésité à accomplir son set lors des dernières Eurockéennes de Belfort, festival rock en France, floqué du maillot de l’ASSE. En Norvège, le duo électronique Royksöpp (qui vient de sortir un 2e album après avoir écoulé près d’un million de leur précédent opus) fait le tour d’Europe avec les chaussettes du club de leur ville de naissance, Tromsö.

Le football a donc une longue vie commune avec le sport roi de l’Europe. Et l’Angleterre donne le ton, comme le montre le portrait de ces quelques groupes vedettes de ces dernières années.

New Order

Historique : New Order est un groupe culte des 20 dernières années. Né sur les cendres de Joy Division après le suicide du chanteur Ian Curtis en 1980, ce groupe fait partie de la scène musicale de Manchester. En 1983, avec le single Blue Monday, le groupe restera classé cinq ans dans le Top 200 anglais. En 2001, après huit ans de silence, New Order est revenu avec l’album Get Ready. Cette année, les Mancunians ont sorti leur dernier album en date Waiting for the sirens call.

Anecdote : En 1990, pour la Coupe du Monde en Italie, le groupe compose World in motion qui deviendra un hymne auprès des supporters. Cette chanson s’avère en fait une référence à l’ecstasy.

Couleurs : Bernard Sumner, le chanteur, est un fervent supporter de Manchester United alors que Stephen Morris, le batteur, préfère Macclesfield Town, équipe de la banlieue de Manchester, qui milite en D3.

Ils ont dit :  » J’ai connu mon jour de gloire en mai 1999 lorsque Manchester a remporté la Ligue des Champions. Quoique, la victoire 6-0 sur Arsenal, c’était pas mal jouissif non plus. Mais je ne pouvais pas trop faire le malin car mon fils supporte Manchester City « .

Chemical Brothers

Historique : C’est en 1995 que Tom Rowlands et Ed Simons, qui se sont rencontrés à l’Université de Manchester, prennent pour nom de scène Chemical Brothers. Avec Setting Sun, chanté par Noël Gallagher (Oasis), ils réalisent leur premier grand succès. Suivront alors Block Rockin beats, Hey boy, hey Girl et beaucoup d’autres titres qui cartonneront dans les boîtes. Leur dernier et cinquième album û Push the button û sorti cette année s’avère déjà un énorme succès grâce notamment aux singles Galvanize et Believe.

Anecdote : Ils étaient tellement nerveux le jour de la finale de la Ligue des Champions opposant, en 1999, le Bayern à Manchester que toutes les interviews réalisées ce jour-là tournaient inévitablement autour du match.

Couleurs : Ed Simons est un fervent supporter de Manchester United où il a eu un abonnement durant trois saisons.

Ils ont dit :  » J’ai développé une théorie au sujet des gardiens anglais. L’interdiction de la passe en retrait leur a fait beaucoup de mal. Traditionnellement, on avait de très bons portiers en Angleterre. GordonBanks, Peter Shilton, ces mecs étaient des génies. Mais depuis le début des années 90, on souffre et cela correspond au changement de règle : plus le droit de prendre la balle en main sur les passes en retrait. Or, les équipes anglaises ont toujours beaucoup utilisé le gardien. Je me souviens que FabienBarthez racontait qu’il recevait dix fois plus de balles en retrait à Manchester qu’en France « . ( So Foot, avril 2005)

Kasabian

Historique : Nouveau groupe anglais formé en 2004. Il a sorti son premier album éponyme l’année dernière et a directement été porté aux nues par la presse anglo-saxonne. Les singles Lost souls forever, Processed beats et Cut off l’a lancé définitivement.

Anecdote : Le premier morceau de l’album se nomme Club foot mais ne parle pas du tout de football.

Couleurs : Natifs de Leicester, les membres du groupe ont toujours soutenu Leicester City, allant même jusqu’à effectuer les déplacements pour les rencontres à l’extérieur. Désormais, une vareuse de Leicester City flanquée du nom du groupe est disponible dans la boutique du stade.

Ils ont dit :  » J’ai joué pour Nottingham Forest chez les jeunes uniquement parce que Leicester City ne m’a jamais contacté. Ces cons ! C’est le drame de ma vie. Sous les chaussettes de Nottingham, je gardais mes chaussettes de Leicester City  » ( So foot, décembre 2004)

Oasis

Historique : Formé autour des frères Gallagher ( Liam et Noël), Oasis sort son premier album Definitely Maybe en 1994 . Porté par les singles forts ( Supersonic, Cigarettes and alcohol, Live forever) cet album est un succès public et critique. Les deux albums suivants font du groupe de Manchester les idoles des Anglais. D’autant plus que les frères accumulent les frasques des stars (alcool, mariages, etc). Cela leur a permis de devenir les chefs de file de la Brit Pop des années 90. Leur sixième opus Don’t believe the truth est sorti au mois de juin.

Anecdote : Fans de Manchester City, ils ont pensé racheter le club. Ils ne manquent pas de placer le stade de leur club fétiche dans chacune de leurs tournées. Quand Manchester City a quitté son stade de Maine Road pour leur nouvel antre, ils faisaient partie des groupes invités pour le concert de fermeture de la vieille enceinte.

Couleurs : Manchester City, of course.

Ils ont dit :  » Que fera-t-on en 2006 lorsque la tournée sera terminée ? Je ne pense pas que l’on planchera sur un nouvel album. On suivra simplement la Coupe du Monde en Allemagne « .

Franz Ferdinand

Historique : Les membres du groupe font connaissance en 2002 lors d’une… bagarre. Mais c’est fin 2003 que le groupe, du nom de l’archiduc autrichien assassiné à Sarajevo en 1914, sort son premier single, Darts of pleasure. Mais c’est le tube Take me out qui assurera à leur premier album un succès phénoménal.

Anecdote : Ecossais pur jus, leur rêve est d’écrire l’hymne de la sélection écossaise pour la Coupe du Monde. Ils ont déjà composé la chanson. Le hic, c’est que l’équipe au chardon ne se qualifiera vraisemblablement pour le Mondial 2006. En octobre, ils ont même déclaré devant le pauvre classement de leur sélection qu’ils étaient déçus d’attendre jusqu’en 2010.  » Et si Berti Vogts est encore à la tête de la sélection, il faudra encore attendre plus longtemps « , a dit le chanteur Alex Kapranos. Depuis, le coach allemand a été remplacé par Walter Smith, un ex des Rangers.

Couleurs : Seul le batteur Paul Thomson a déclaré ouvertement sa préférence pour un des clubs de Glasgow. En l’occurrence, le Celtic.  » Il n’y a qu’un seul maillot qui vaille la peine : celui du Celtic. Les bandes horizontales, ça grossit, surtout John Hartson, mais ça reste super classe « .

Ils ont dit :  » L’un des moments les plus beaux du foot, c’est quand une équipe presse pour marquer et obtient un corner. Le public pousse un cri que l’on n’entend à aucun autre moment du match : à mi-chemin entre la célébration et la déception de n’obtenir qu’un corner. Le cri de l’espoir « .

Kaiser Chiefs

Historique : Petit groupe de Leeds, il a sorti un premier album, Employment, qui trouve immédiatement la voie du succès grâce aux singles Oh my god et Everyday I love you less and less. Favori pour le Mercury Prize qui récompense l’album anglais de l’année et qui sera remis en septembre, il fera le bonheur des festivaliers belges en se produisant au Pukkelpop. Le nom du groupe fait référence à un club de foot d’Afrique du Sud, Kaizer Chief.

Anecdote : L’ambition la plus folle de ses membres, lorsqu’ils ont débuté dans la musique, c’était un jour de jouer dans le stade de leur club préféré, Leeds United.

Couleurs : Leeds, Leeds et encore Leeds.

Ils ont dit :  » Nos chansons n’ont rien de prétentieux. On veut juste qu’elles fassent danser les gens et qu’elles les rendent heureux. Les Beatles ont commencé aussi comme cela. Par des chansons simples, juste bonnes à fredonner. Et du moment qu’on passe nos compositions à Elland Road, le stade de Leeds, c’est bon « .

Stéphane Vande Velde

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