Rocher à croquer

Le Monte Carlo Country Club est considéré comme l’un des plus beaux clubs au monde.

Depuis qu’il est tout petit, Francis Truchi, un enfant du terroir, fréquente ce qui, pour lui, est le plus beau club du monde. Ancien membre de l’équipe monégasque de Coupe Davis, il dirige avec Patrice Dominguez le tournoi de Monte-Carlo qui, bien entendu, se tient au Monte-Carlo Country Club (MCCC). C’est dire que cet enfant de la balle et du Rocher nous parle avec enthousiasme de son club qui, curieusement, n’est pas inabordable, même pour le visiteur d’un jour.

On dit que le Monte Carlo Country Club est le plus beau club de tennis au monde.

Francis Truchi : Je ne connais pas tous les clubs du monde mais il est une phrase célèbre, prononcée par l’un des mousquetaires français, Toto Brugnon, qui disait que le MCCC était le plus beau club du monde. Or, il savait ce qu’il disait puisque, à cette époque, les joueurs de tennis prenaient le temps de visiter les endroits qu’ils traversaient.

Peut-on dire que votre club est le dernier vestige du tennis de château?

Oui, sans doute. Il n’y a plus beaucoup de clubs de tennis qui organisent des tournois du niveau du nôtre. Il y a Wimbledon, bien entendu, qui est un club de tennis comme le nôtre mais plus prestigieux. Les autres compétitions se déroulent généralement dans des stades ou des endroits qui, en dehors de la période du tournoi, ne sont pas fréquentés par des membres et des joueurs. Donc, c’est vrai que nous sommes parmi les derniers à proposer aux joueurs pros un cadre qui rappelle le tennis des années 50 ou 60.

Est-ce très difficile de mettre sur pied un événement pareil dans le cadre d’un club?

Rien n’est facile, d’autant que le budget du tournoi s’élève tout de même à 50 millions de francs français soit 300 millions de francs belges. Mais il n’y a pas que cela car nous devons transformer le club pour qu’il soit capable d’accueillir le tournoi. Il y a le montage et le démontage des tribunes, des tentes, etc. C’est un peu comme le Grand Prix automobile sauf que, eux, c’est sur trois ou quatre kilomètres qu’ils doivent adapter les routes monégasques.

Pendant combien de temps vos membres sont-ils privés de tennis en raison du tournoi?

Nous essayons évidemment de limiter la période. Grosso modo, on peut dire que les terrains sont tous inaccessibles pendant douze jours mais, même pendant le tournoi, il arrive que certains de nos membres puissent jouer vers 18 ou 19 heures.

Certains membres râlent-ils en raison de l’organisation du tournoi?

Bien entendu, sinon, ce ne serait pas la démocratie mais c’est vraiment minime. Il faut savoir que le membre a la possibilité de venir assister gratuitement au tournoi pendant les neuf jours. C’est compris dans la cotisation.

Cotisation qui ne doit pas être pour rien.

La cotisation de base est à 5.200 francs français soit 31.200 francs belges pour le membre tennis. Quand on est membre tennis, on a aussi accès à la piscine, au club de bridge, au squash, à la salle de musculation et au practice de golf.

Il y a un droit d’entrée?

Pour les adultes, il s’élève à 35.000 francs français soit 210.000 francs belges pour les membres tennis.

Un Belge qui n’habite pas à Monte-Carlo peut-il s’inscrire chez vous?

Si un Belge se présente à l’entrée, il aura deux possibilités. Soit il loge dans un hôtel ASBM et il peut fréquenter le club toute une journée pour 110 francs français (660 francs belges); soit il ne loge pas dans un hôtel ASBM et alors le prix à la journée est doublé.

Les prix que vous donnez ne correspondent pas tellement à l’image qu’a le MCCC à travers le monde. On a plutôt tendance à croire qu’il s’agit d’un club très fermé, très chic avec des montants de cotisation inabordables.

Il s’agit d’une fausse image. Beaucoup de personnes, même de Monaco, me disent régulièrement être surpris par nos prix et par notre sens de l’hospitalité et de l’ouverture. Nous acceptons tout le monde, à condition bien entendu que nos visiteurs portent une tenue correcte.

S’agit-il d’une nouvelle politique d’ouverture?

Non, pas du tout. Cela fait 22 ans que je suis là et la politique a toujours été la même.

La cotisation permet de jouer pendant quelle période?

Nous avons la grande chance d’être ouvert tout au long de l’année. Il y a bien parfois quelques périodes pendant lesquelles nos terrains ne sont pas praticables mais c’est vraiment exceptionnel. Cet état de fait atténue encore le prix de notre cotisation.

Vous pourriez décrire le membre de base du MCCC?

Nous avons 42 nationalités différentes. Il y a bien entendu des enfants du pays et puis il y a ceux qui s’installent en Principauté avec leur famille et qui cherchent un lieu pour rencontrer d’autres personnes. Nous avons actuellement 1858 membres pour une capacité tennis de 1200. Nous avons 23 courts. Notre but est de ne pas faire attendre trop longtemps un candidat membre. Depuis trois ou quatre ans, ce dernier patiente au maximum deux, trois ou quatre mois. L’admission est rendue officielle lors d’une réunion du Comité de Direction devant lequel la candidature, accompagnée du témoignage de deux parrains, est présentée. Mais je rappelle que nous sommes une terre d’accueil, nous faisons donc tout pour recevoir les gens le mieux possible et le plus rapidement possible.

Sans le tournoi, le MCCC perdrait-il de son aura?

On ne peut pas dire cela car le club essaie de s’autofinancer mais il est évident que le tournoi lui permet de faire des investissements qu’il ne pourrait peut-être pas envisager autrement. Nous avons, par exemple, construit une superbe piscine, ce qui n’aurait peut-être pas été possible sans le tournoi. En fait, les installations du MCCC ne cessent de se moderniser grâce à l’organisation annuelle du tournoi. Il y a une interconnection qui est très importante. Nous avons ainsi deux courts qui sont couverts par un toit amovible. Il est évident que nous n’aurions jamais couvert ces terrains si nous n’avions pas le tournoi. En fait, le club grandit en même temps que la compétition.

Il y a vingt-trois ans que vous êtes au MCCC. Quelle est l’évolution qui vous a le plus marqué?

Il y a encore plus longtemps que je connais le club puisque mon père était homme de court. J’ai connu le MCCC à six mois. L’évolution importante est venue en 1969, lors de notre premier tournoi Open. Jusqu’à cette période, c’était tranquille. Les joueurs comme Nicola Pietrangeli et Pierre Darmon, faisaient ce métier – si je puis dire – avec des périodes de repos de deux ou trois mois. L’ambiance était beaucoup plus sereine, le tableau ne comptait que trente-deux joueurs et attirait assez peu de spectateurs. Une des grandes différences est aussi que, dans les années 50, le double avait plus de valeur car le tournoi se jouait par nations. Je me souviens ainsi très bien de la paire belge Washer-Brichant qui a gagné le double chez nous en 52 et qui a encore été en finale une autre année.

Parmi les joueurs que vous avez côtoyés, beaucoup sont-ils venus s’installer sur le Rocher uniquement parce qu’ils adoraient le club?

Je dirais que la Principauté a commencé à attirer des joueurs lorsque le tennis est devenu professionnel. Et ce, pour d’évidentes raisons fiscales.

Revenons-en au tournoi, on a un peu l’impression que les visiteurs aiment bien se montrer.

Disons qu’il y a deux types de spectateurs : les férus de tennis -l’an dernier, nous avons eu plus de 220 bus affrétés par des clubs de tennis – et ceux qui fréquentent les loges. Là, effectivement, on peut dire que certains aiment être à la terrasse. Il faut dire aussi que notre tournoi coïncide avec les premiers beaux jours et que les visiteurs aiment profiter des premiers rayons de soleil. Dès lors, on aime bien sortir sa chemise Lacoste ou son petit tailleur de sport. De plus, la terrasse de notre restaurant correspondant parfaitement à cette clientèle plus VIP. Mais attention, nous disposons aussi d’un restaurant grand public fréquenté lui par les vrais fous de tennis.

Votre club présente la particularité de ne pas être situé sur le sol monégasque, cela vous pose-t-il un problème?

Il est vrai que Roquebrune-Saint-Martin est situé sur le sol français. Heureusement, la fédération internationale nous permet d’accueillir des rencontres de Coupe Davis alors que, normalement, les matches doivent se tenir sur le sol national. Moi-même, j’ai disputé plusieurs rencontres de Coupe Davis ici. Cela étant dit, lorsque l’on jouait au Tennis Club de Monaco situé au centre de Monaco, nous avions un avantage car, comme nous ne déplacions pas beaucoup de monde, nous faisions plus corps avec nos supporters. Au MCCC, nous étions un peu perdus. Nous ne jouions d’ailleurs pas sur les terrains centraux.

Quel est votre plus beau souvenir en tant qu’amoureux du club?

J’en ai beaucoup mais il est vrai que je vous ai beaucoup parlé de l’époque amateur d’avant 68. Cela, c’est mon côté nostalgique mais chaque époque a ses moments forts. Je prends pour exemple l’arrivée de la jeunesse aux commandes du tennis. Avant, les moins de 18 ans ne pouvaient pas prendre part à notre tournoi seniors. Quand des joueurs comme Orantes, puis Borg, sont arrivés, le statut même du tournoi a été complètement modifié. Ces jeunes ont fait tomber certains tabous.

La famille princière vient jouer chez vous?

Le Prince Albert est un grand amateur de tennis et joue de temps en temps sur nos courts. S’il joue bien? Il est très sportif mais, comme dans toutes les disciplines, il faut jouer beaucoup pour s’améliorer.

Vous lui donneriez quel classement?

Au moins 30. Oui, sans aucun doute.

Bernard Ashed

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