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Robin du Parc

Dès l’âge de 6 ans, Pieter Gerkens a été programmé pour briller à Genk mais c’est à Anderlecht que le médian tentera de s’imposer cette saison. Portrait d’un joueur qui combine la classe de Dennis Praet et la volonté de Guillaume Gillet.

À la fin des années ’90, Pieter Gerkens, alors âgé de 4 ans, regardait inlassablement le résumé d’une heure de la Coupe du monde ’98 que son père avait enregistré. On y voyait Zinédine Zidane, Michael Owen, Davor Suker, Dennis Bergkamp… À chaque fois, Pieter refaisait leurs gestes entre les meubles de la maison familiale, dans le Limbourg.

 » C’est cette Coupe du monde qui lui a donné envie de jouer au football « , dit son père, André.  » Il n’avait jamais touché un ballon avant ça. Il s’amusait plutôt avec un arc à flèches, il était fan de Robin des Bois. Par la suite, il n’y en eut plus que pour le ballon.  » Bilzen, terre de Jelle Vossen et Thibaut Courtois, ne savait pas encore qu’elle compterait un footballeur talentueux de plus.

Le début de carrière de Gerkens est, en fait, une suite de concours de circonstances. Comme le jour où André buvait une chope à la buvette de Bilzen VV, son ancien club, et que Pieter, alors âgé de cinq ans, escaladait la balustrade pour aller jouer sur le terrain principal.  » Quelques dirigeants l’ont vu à l’oeuvre et ont trouvé que, pour son âge, il se débrouillait plutôt bien balle au pied. Il était trop jeune pour qu’on puisse l’affilier mais le club a fermé les yeux.  »

À Bilzen et dans les environs, on connaît la suite. André, un avocat, avait beaucoup de boulot. Il n’avait donc pas le temps d’emmener son fils à la journée de recrutement du RC Genk. C’est finalement le père de Thibaut Courtois, dont l’autre fils, Gaëtan, jouait aussi à Bilzen, qui va s’occuper de tout.  » Après ce test, Genk n’a plus voulu lâcher Pieter « , dit André.  » Mais mon épouse et moi n’avions pas envie d’emmener notre fils à Genk un jour sur deux alors qu’il n’avait que six ans. Le club a donc engagé deux autres joueurs de Bilzen, afin que nous puissions faire du covoiturage. Tout cela dans le but d’engager Pieter car, après un an, Genk n’a pas conservé les deux autres garçons.  »

Fin de non-recevoir

À Genk, Gerkens figure toujours parmi les meilleurs de son équipe. À l’âge de onze ans, il monte de catégorie et se retrouve avec Dennis Praet et Divock Origi. Dès les U15, Siebe Schrijvers, un an plus jeune, le rejoint detemps en temps.  » Pieter et moi nous sommes tout de suite bien entendus « , dit Schrijvers.  » On partageait la même chambre en équipe nationale et lorsqu’on était à l’étranger avec Genk. À l’époque, on l’écoutait, c’était un des leaders du vestiaire et, si je me souviens bien, il était régulièrement capitaine. Quand il avait quelque chose à dire à l’entraîneur ou à un équipier, il ne se gênait pas. Il a l’air gentil, comme ça, mais ce n’était pas toujours le cas. Un jour, avec plusieurs joueurs, dont lui, nous sommes restés debout jusqu’à quatre heures du matin alors que nous jouions la demi-finale d’un tournoi quelques heures plus tard. Pieter a même sauté dans la piscine en pleine nuit. Ça ne nous a pas empêchés de gagner le tournoi…  »

À l’époque, déjà, Anderlecht tient le Limbourgeois à l’oeil. Mais Gerkens, qui n’a que 16 ans, préfère terminer ses humanités près de chez lui.  » De plus, il voulait conserver son statut de sportif d’élite « , dit André.  » C’était l’une des conditions pour être sélectionnable en équipe nationale. Il fallait pouvoir justifier dix jours d’absence à l’école.  »

Deux ans plus tard, le club bruxellois se voit à nouveau opposer une fin de non-recevoir. Mario Been trouvait que Pietje avait quelque chose, il disait de lui que c’était un médian dynamique. Des joueurs comme Kumordzi, Hyland et Camus sont écartés au profit du frêle Limbourgeois capable d’intercepter un ballon dans sa moitié de terrain et de se présenter dans le rectangle adverse quelques secondes plus tard. Il lit aussi le jeu bien plus vite que les autres. Et avec le temps, il se montre de plus en plus sûr de lui.

C’est ainsi qu’il refuse une proposition de prolongation de contrat parce qu’il trouve que Peter Maes ne l’apprécie pas trop. Il préfère avoir du temps de jeu dans un plus petit club que ronger son frein à Genk.  » Il aurait très difficilement pu avoir sa place « , raconte Nico Vaesen, son agent depuis plus de quatre ans.  » Il a donc opté pour une étape intermédiaire. Beaucoup de jeunes joueurs n’osent pas, ne peuvent pas ou ne veulent pas redescendre d’un cran. À Bruges, à Genk, à Gand, à Anderlecht ou au Standard, ils sont dans de l’ouate parce que tout est organisé. Ils restent dans leur zone de confort mais ne jouent pas.  »

Raffiné et malin

Pour Gerkens, pas question de s’enliser à la Cristal Arena, aujourd’hui rebaptisée Luminus Arena. En janvier 2016, lorsque Saint-Trond vend Rob Schoofs à Gand, il a l’occasion de rejoindre le Stayen. Un an et demi plus tard, il est trop fort pour les Canaris. La proposition sportive et financière que lui fait Roland Duchâtelet ne convient pas au box-to-box âgé de 21 ans qui a cassé la baraque en play-offs 2.

Il songe à dire non pour la troisième fois à Anderlecht car il préfère le calme d’Ostende à l’agitation bruxelloise. La proposition d’Utrecht le séduit également mais le club hollandais se retire pour raisons financières. Après quelques discussions avec RenéWeiler, Gerkens est convaincu : l’entraîneur ne lui promet pas d’être titulaire mais il s’entend néanmoins dire que le club ne le transfère pas uniquement pour atteindre le quota de home grown players.

 » J’ai compris que Weiler aimait travailler avec des joueurs intelligents « , dit Vaesen.  » Dans le pire des cas, il aura besoin d’une période d’adaptation mais beaucoup de gens seront surpris par le nombre de minutes qu’il va passer sur le terrain.  »

À Genk, on suit de près l’évolution du jeune joueur.  » Il est raffiné et malin « , dit Peter Croonen, le nouveau président, dans un journal local.  » Mais nous ne nous sommes pas trompés à son sujet : je pense que même aujourd’hui, il éprouverait des difficultés à être titulaire chez nous.  » À Gerkens de prouver le contraire au cours des prochains mois. Malgré le scepticisme engendré par son transfert, son ADN est proche de ce qu’Anderlecht recherche : élégance, vista, discernement, précision de la passe.  » Et il ne rechigne pas à faire des kilomètres « , ajoute Vaesen.

Pour André Gerkens, tout peut arriver.  » Si Pieter échoue à Anderlecht, il n’y aura pas mort d’homme. Combien de joueurs peuvent-ils se targuer d’avoir signé un contrat de plusieurs années avec le club le plus prestigieux du pays ? Pieter y sera entouré de bons joueurs – ce qui n’a pas toujours été le cas à Genk et à Saint-Trond – et, si j’en crois les gens, ça lui permettra d’exprimer encore davantage ses qualités.  »

PAR ALAIN ELIASY – PHOTOS PHOTONEWS

 » Beaucoup de gens seront surpris par le nombre de minutes que Pieter va passer sur le terrain.  » Nico Vaesen

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