Ris comme Kim, Titine !

En 2003, lors de la finale qui les opposait à Roland-Garros, les choses étaient grosso modo claires dans notre pays petit : les Wallons souhaitaient la victoire de Justine Henin, les Flamands celle de Kim Clijsters. Pulsions d’origine linguistique somme toute basiques, nous appartenons à un terroir et le langage en est le ciment. Deux ans plus tard, les attitudes supporteresses vis-à-vis de nos deux championnes de baballe se sont curieusement complexifiées : au début du récent US Open, alors même que les deux jeunettes étaient encore en lice, pas mal de voix wallonnes, tant dans les médias que dans les bistrots, exprimaient leur souhait d’enfin voir la Flamande remporter un tournoi du Grand Chelem !

Preuve que le sentiment communautaire s’estompait, qu’une cinquième victoire de Henin n’aurait rien apporté de supplémentaire à la fierté wallonne. Et preuve que le sentiment national existait toujours bel et bien, Clijsters était quand même belge… quoique flamande : la voir remporter enfin une grande finale ne serait que justice par rapport à sa rivale déjà quatre fois choyée…

Ce n’est pas la seule raison, il faut se l’avouer : il y a aussi que, plus le temps (belge) passait, plus il y avait moyen d’être irrité par Justine… et plus il s’avérait impossible d’être irrité par Kim ! L’une est ronchon, l’autre nature. Henin veut gagner, Clijsters sait perdre. La défaite n’est dramatique que pour la première, la victoire n’est qu’un plaisir plus grand que d’autres pour la seconde. Jacques Brel disait fort justement On est de son enfance, et l’enfance de Justine fut tout sauf facile, et ceci éclaire sans doute cela : fixation sur un objectif unique, besoin de revanche, méfiance par rapport à l’agitation alentour,… rendez-vous chez un psy sportif pour plus d’explications ! Mais bon, il existe aussi des enfances malheureuses qui n’ont pas obtenu ensuite, ni à 20 ans ni jamais, d’aussi ravigotantes contreparties que celles obtenues par Henin : Juju, ça vaudrait la peine de méditer un coup là-dessus !

Récemment, un lecteur, du nom de David Riffont, avait tenu à m’écrire, joliment d’ailleurs, qu’en mai dernier, à l’issue du premier Charleroi-Bree de la finale des playoffs de basket, il s’était laissé aller à se goinfrer d’un hamburger/ketchup, en fin de soirée devant le fritkot du Spiroudôme, quand n’y rôdaient plus que quelques spectateurs affamés. J’ignore pourquoi il m’écrivait ça à moi : sans doute supputait-il que j’aimais moi aussi les fricandelles, les hot-dogs, le ketchup, les frites, les boulets sauce chasseur et autres joyeuses saloperies grasses qu’on raffole d’engouffrer au sortir d’un match, debout dans l’air du soir… Mais la question n’est pas là : ce dont tenait à m’informer ce lecteur, c’est qu’il s’était retrouvé là dans les mêmes odeurs frites que Kim Clijsters elle-même, laquelle accompagnait une bande de Flamands bouffant tous des hamburgers ou des boudins à côté des poubelles ! Et même que Kim avait mordu, pas discrètement du tout et avec une grande bouche, dans plusieurs des grasseries de ses potes de Bree ! Anecdote certifiée véridique, mais rigoureusement inimaginable s’il s’était agi de Henin…

Verso de l’anecdote, sur base de cette déclaration passée de Super-Wallonne, que vient de rappeler Vers l’Avenir :  » On ne doit pas se faire des amies sur le circuit « , a dit Juju un jour.  » Quand on affronte une amie, on n’a pas la même hargne que si on ne la connaissait pas « . Déclaration hélas archi-courante en sport (certains cons-pétiteurs vont même jusqu’à évoquer la nécessité de haïr l’opposant), mais déclaration archi-nulle à l’aune de ces fameuses valeurs, qui prônent le sport en tant qu’humanisme, échange, solidarité,… rendez-vous chez un sociologue du sport pour plus de détails ! Ou rendez-vous chez Kim qu’on imagine mal déclarer ça, il paraît qu’elle est beaucoup plus copine que Justine avec les autres nénettes à raquette ! Moi, ces prochaines années, ça me ferait chaud au c£ur (et à la Wallonie) de voir Justine rigoler beaucoup plus, quitte à gagner moins souvent ! Vraiment.

par Bernard Jeunejean

Ça me ferait chaud au c£ur (et à la Wallonie) de VOIR JUSTINE RIGOLER BEAUCOUP PLUS, QUITTE à GAGNER MOINS SOUVENT !

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