RIEN DE BIEN 9

Depuis que les play-offs ont commencé, les attaquants de Bruges ont disparu. Gênant, dans une période où les buts comptent double. Mais Michel Preud’homme a-t-il vraiment besoin d’un serial killer pour être champion ?

Il existe un adage qui veut que les titres se gagnent avec un grand gardien et un grand attaquant. Alors, pour s’installer à nouveau sur le toit du football belge, le Club a mis toutes les chances de son côté. Entre les perches, il est allé chercher Ludovic Butelle, pour oublier le douloureux départ de Mathew Ryan avec quelques mois de retard. Et devant ? Le mercato estival a ressemblé à un casting monté à l’envers : on cherche un homme pour un rôle. Mais après, il lui faut une doublure.

Et puis, peut-on vraiment laisser passer l’occasion d’ajouter cet acteur au générique ? Au pire, on adaptera un peu le scénario… Voilà comment Bruges s’est retrouvé avec Abdoulay Diaby, Leandro Pereira et Jelle Vossen, après des castings mouvementés menés par le duo Michel Preud’homme Vincent Mannaert. Le metteur en scène et le producteur du film de la saison :  » À la recherche du buteur du titre.  »

Neuf mois après le tournage des premières scènes, l’équipe a acquis quelques certitudes, sous forme de lois aussi inexplicables qu’irréfutables : quand Vossen marque, Bruges gagne toujours. Et quand Diaby marque, c’est pareil. Plutôt agréable, d’autant plus que les deux hommes ne lésinent pas sur les moyens, avec treize buts au compteur chacun.

C’est à peine moins bien que Stefano Okaka, l’indispensable buteur du rival mauve (14 buts), et mieux que Laurent Depoitre et ses douze buts. Le film des buteurs brugeois ressemble à  » La mélodie du bonheur « . À un détail près : depuis le début des play-offs, là où les buts comptent double, les attaquants des Gazelles n’ont marqué que trois des treize buts brugeois. Trois buts anecdotiques, quand la plantureuse victoire face à Zulte Waregem était déjà entérinée.

Finalement, cette sécheresse des buteurs ne devrait pas être inquiétante. Mais si c’était le cas, pourquoi Abdoulay Diaby s’est-il mis tous ses équipiers à dos pour tirer un second penalty face au Essevee après avoir raté le premier ? Le Sénégalais cherche sa confiance, pendant que Vossen attend celle de son entraîneur. Preud’homme, lui, espère certainement ne pas devoir resservir la phrase de l’an dernier, après une défaite synonyme de titre perdu face à Gand :  » Tu ne peux pas exiger de Sander Coopman ou de Tuur Dierckx qu’ils nous sauvent. On va devoir faire la bonne analyse.  »

Cette analyse, c’était celle d’une attaque qui disparaissait du marquoir dans les moments où elle devait sortir le Club d’une mauvaise passe. Un an plus tard, Bruges ne peut-il pas refaire la même analyse ?

LA PISTE DIABY

Michel Preud’homme et son éternel souci du détail semblent plongés dans une quête inassouvie, pareille à celle des alchimistes médiévaux qui cherchaient à tout prix à changer le plomb en or. Depuis son arrivée en Venise du Nord, MPH cherche l’attaquant idéal. Deux années durant, il a pu compter sur Tom De Sutter. Un pivot comme il les aime, puisque c’est avec un joueur de ce profil qu’il a travaillé durant ses années à Twente et à Gand.

D’ailleurs, Marc Janko avait connu une saison moyennement prolifique (14 buts) à Enschede, tandis que Zlatan Ljubijankic n’a jamais été le meilleur buteur des Buffalos. Mis à part lors de ses deux années arabes, Preud’homme n’a jamais terminé le championnat avec le meilleur buteur au sein de son noyau. Son goût pour la rotation est une première explication, les tâches demandées à son attaquant de pointe en sont une autre.

À Bruges, De Sutter a terminé son bail en marquant moins de buts que José Izquierdo, meilleur buteur du Club la saison dernière. Avec 10 pions au compteur, l’attaquant belge était loin des chiffres d’Aleksandar Mitrovic (20 buts), et l’éclosion printanière d’Obbi Oularé avait connu un coup d’arrêt lors des play-offs.

Il serait évidemment excessif de mettre la perte du titre de la saison dernière sur les épaules des  » neuf  » brugeois, mais avec un but chacun dans le money-time, les attaquants des Blauw en Zwart se sont retrouvés dans l’oeil du cyclone. Ils ont donné raison à leur entraîneur, qui avait déjà fait le forcing pour attirer Abdoulay Diaby au Jan Breydel au mercato hivernal.

Retenu par René Girard, qui voulait lui donner sa chance à Lille, le Sénégalais a finalement débarqué à Bruges cet été. Avec les compliments de Preud’homme :  » C’est un joueur qui crée le danger. Le genre de profil qui peut vraiment faire la différence dans les rencontres serrées.  »

Un compliment que Diaby a du mal à honorer pour l’instant : il a marqué les demi-finales de la Coupe de son empreinte (un but dans chaque match contre Gand), mais a noirci son tableau avec sa carte rouge, sans doute négativement décisive, lors de la finale face au Standard. En pointe du système brugeois, l’ancien buteur du RMP semble étouffé, en manque de ces espaces qui lui offrent de l’oxygène pour ses appels en profondeur.

Finalement, c’est en tant que faux ailier droit qu’Abdoulay Diaby a semblé le plus épanoui. À un poste qui n’est pas le sien, mais qui lui permettait d’arriver lancé dans le rectangle, sans devoir y attendre les ballons. Dans le rôle dévolu à Lior Refaelov, le Sénégalais semblait emprunté, presque maladroit lorsqu’il touchait le ballon hors des seize mètres, mais était beaucoup plus redoutable qu’en pointe une fois entré dans la boîte.

Sur ses onze buts inscrits hors penalty en Pro League, sept l’ont été dans ce rôle d’ailier (généralement à droite, mais parfois à gauche). Dans l’axe, seul le Standard déséquilibré du début de saison lui a offert la profondeur qu’il aime tant. Diaby les a remerciés avec un quadruplé.

LE PROBLÈME VOSSEN

Cette nécessité vitale de profondeur pour le jeu de Diaby, et l’absence d’espaces offerts dans le dos des défenses aux attaquants du Club, sont des paramètres que Michel Preud’homme maîtrise sur le bout des doigts. Et pourtant, il voulait Abdoulay coûte que coûte. Le coach de Bruges affirme qu’il  » pense toujours vertical « , et se régale donc de ces profils qui attaquent la profondeur, avec ou sans le ballon, pour poignarder l’arrière-garde adverse dans son dos.

Les meilleures équipes de MPH ont toujours été bâties sur cette association entre un joueur-pivot et un homme capable de prendre les espaces. De Sutter servait de point d’appui à Izquierdo, Janko offrait des espaces à Nacer Chadli, Ljubijankic ou Elimane Coulibaly ont servi de référence aux sprints de Yassine El Ghanassy ou de Bryan Ruiz, et le Standard de Preud’homme comptait plus sur les appels de Milan Jovanovic (deux fois meilleur buteur des Rouches en deux saisons) pour alimenter le marquoir que sur le jeu dos au but d’Igor De Camargo ou de Dieumerci Mbokani.

L’idée, c’est une sorte de 4-4-2 qui n’en est plus vraiment un depuis que Preud’homme a quitté Sclessin, mais toujours avec un duo capable de s’associer presque naturellement. Tant pis si le 9 marque moins souvent, s’il permet à son acolyte de briller plus fort. Dans ce costume d’attaquant de second rôle, c’est Leandro Pereira qui a débarqué du Brésil avec un gabarit loin de faire rêver les plages de Copacabana, mais parfait pour servir de  » point de référence  » et  » provoquer une faute aux alentours des seize mètres adverses dans les grands matches « , pour reprendre les explications de Refaelov.

Mais le temps d’adaptation des Brésiliens est loin d’être une science exacte. Mannaert a donc frappé un grand coup médiatique et assuré le quota de buts de l’attaque brugeoise avec le transfert de Jelle Vossen.  » Tu sais à quoi t’attendre avec Jelle, tu dois presque être déçu s’il ne met pas entre quinze et vingt buts « , explique alors le manager du Club à Het Laatste Nieuws.

Preud’homme voulait des buts, il a reçu un buteur. Comme si l’un allait naturellement avec l’autre. Mais c’est sans compter sur l’anarchie du jeu offensif de Vossen, diamétralement opposée au jeu méticuleusement organisé du coach des Gazelles. Malgré ses treize buts, souvent frappés du sceau de son instinct redoutable, et plus souvent décisifs que les pions anecdotiques de Diaby, l’ancien Diable rouge n’est pas vraiment inscrit au casting du onze de MPH.

Remplaçant en finale de la Coupe, il doit même commencer sur le banc face à Genk, une semaine après le pétage de plombs de Diaby contre Zulte Waregem. La force de Vossen, c’est d’être imprévisible. Un vrai renard, toujours là où on ne l’attend pas. Le problème, c’est que Preud’homme veut toujours savoir où sera son numéro 9. Sa présence et ses appels doivent être cohérents pour faire fonctionner l’ensemble du système offensif brugeois.

MPH n’a jamais joué avec un véritable renard des surfaces. Son attaquant idéal fait jouer les autres tout en étant capable d’inventer un but tout seul si la solution collective n’apparaît pas. Sa pierre philosophale, c’est Dieumerci Mbokani. La piste a d’ailleurs été explorée à plusieurs reprises par Vincent Mannaert, mais le manager brugeois n’a jamais pu attirer le Congolais au Jan Breydel.

VANAKEN, L’HYBRIDE

Entre un Leandro Pereira pas prêt et un Jelle Vossen pas adapté, Preud’homme a longtemps cherché comment faire briller Diaby autour d’un autre attaquant. Les défaites de l’association Diaby-Vossen face au Standard et à Anderlecht ont eu raison du duo, et c’est maintenant le Sénégalais qui accumule les titularisations en pointe. L’homme des espaces est là, mais encore fallait-il trouver le pivot, car Diaby sert difficilement de point d’appui aux courses intérieures de Refaelov et Izquierdo. Mais après tout, pourquoi le pivot devrait-il obligatoirement être en pointe ?

Au milieu de ses joueurs qui raffolent de profondeur et de jeu vertical, Michel Preud’homme a donc installé Hans Vanaken. Face au jeu, l’ancien numéro 10 de Daknam est capable de déposer un ballon derrière la défense dès qu’on lui laisse de l’espace. Et quand les intervalles se referment ? Vanaken court lentement, mais il pense vite. Son jeu en une touche est toujours bien inspiré, souvent pensé vers l’avant, et offre un point d’appui ou un prolongement aux courses de ses équipiers.

Sur les coups de pied de but, c’est systématiquement vers sa tête que partent les ballons de Butelle. Dans cette équipe de Bruges, Vanaken est un numéro 9 qui joue au numéro 10. Il ne lui reste plus qu’à participer au but du titre sur une combinaison avec Diaby, et on n’entendra plus Bruges se plaindre du rendement de ses attaquants. Dans le cas contraire, la quête de l’alchimiste Preud’homme reprendra. Il n’arrivera peut-être pas à transformer le plomb en or, mais il finira bien par changer un attaquant en Dieumerci Mbokani.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS BELGAIMAGE

La force de Vossen, c’est d’être imprévisible. Le hic, c’est que Preud’homme veut toujours savoir où sera son 9 pour faire fonctionner l’ensemble du système offensif brugeois.

Faut-il vraiment un 9 rentable pour être champion ? Depoitre n’a marqué qu’un seul but lors des PO1 qui ont couronné Gand…

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