« Rien à envier à Anderlecht »

Valence puis le Standard : pour Bruges, la semaine dernière fut faste. L’arrière gauche canadien apprécie les gros matches.

En juin 2002, à 21 ans, un arrière gauche canadien d’origine polonaise débarquait à La Louvière, alors entraîné par un certain Ariel Jacobs, en provenance de la CFA de Lille. Michael Klukowski s’affirma rapidement comme un joueur au potentiel intéressant, au pied gauche brillant et dont les montées sur le flanc étaient susceptibles de créer le surnombre en zone offensive. Il participa activement à la conquête de la Coupe de Belgique, en 2003, avant de prendre la direction du stade Jan Breydel en janvier 2005. Aujourd’hui, à 28 ans, Mike est toujours à Bruges, et y restera en principe au moins une saison supplémentaire puisqu’il est encore sous contrat jusqu’en juin 2011. Sans faire de vagues, il est devenu l’un des joueurs les plus réguliers des BlauwenZwart. Consciencieux et discret, voilà comment il fonctionne. Il n’est pas du genre à faire des déclarations tapageuses. Désormais père de famille établi dans la Venise du Nord, il préfère la jouer modeste et laisser aux autres le soin de juger des prestations.

 » Adrie Koster, c’est le meilleur « 

Mike, lorsque vous avez débarqué tout jeune au Tivoli, dans un championnat dont vous ignoriez tout et après avoir été formé en France, imaginiez-vous que sept ans et demi plus tard, vous seriez toujours en Belgique ?

MichaelKlukowski : A l’époque, sans doute pas. Mais j’ai appris à apprécier votre pays et j’ai trouvé mon rythme dans votre championnat. Je ne sais pas si ce parcours correspond tout à fait à ce dont j’avais rêvé. Vous savez, quand on est gamin, on rêve tous de rejoindre les plus grands clubs de la planète. Mais tout le monde ne peut pas jouer au Real Madrid, à Manchester United ou à l’AC Milan. Aujourd’hui, lorsque je mesure le chemin parcouru depuis mon arrivée à La Louvière, je suis content. Je joue tout de même dans un bon club, je participe chaque année à une compétition européenne, je gagne ma vie grâce au football : pour un petit Canadien, ce n’est pas mal.

Il y a souvent eu des doutes à votre sujet. Certains se sont demandé, à intervalles réguliers, si vous aviez le niveau d’un club comme Bruges, surtout défensivement. Au bout du compte, on vous a rarement privé d’une place de titulaire.

C’est, pour moi, une belle satisfaction de constater que j’ai bénéficié de la confiance des différents entraîneurs avec qui j’ai travaillé. Et lorsque je suis sur le terrain, je m’amuse. Le football est devenu mon métier, mais si on ne prend aucun plaisir en l’exerçant, cela ne marchera pas. Du plaisir, j’en prends. Et encore plus lorsque je sais que mon petit Anthony, trois ans, assiste au match depuis la tribune aux côtés de mon épouse Justyna. Je suis un homme heureux, et la bonne saison qu’on accomplit actuellement renforce encore ce bonheur.

Vos différents entraîneurs, parlons-en. Vous en avez déjà connu pas mal au stade Jan Breydel : Jan Ceulemans, Emilio Ferrera, Cedomir Janevski, Jacky Matthijssen et désormais Adrie Koster. Quel est celui qui vous a le plus marqué ?

Ce n’est pas pour lui frotter la manche mais sincèrement : Adrie Koster. Dans tous les aspects, il a quelque chose en plus : la manière de communiquer, de dispenser ses entraînements, de faire jouer l’équipe…

Vous avez senti, dès les premiers entraînements, qu’il y avait quelque chose de changé ?

En fait, je n’étais pas là lors des premiers entraînements. J’ai loupé le début de la préparation pour cause de Gold Cup avec l’équipe nationale canadienne. J’ai donc pris le train en marche. Je sais que l’équipe a été critiquée en période de préparation, car les résultats avaient été décevants. Mais lorsqu’un nouvel entraîneur débarque, il faut lui laisser le temps de mettre son système en place. Lorsque le championnat a commencé, on présentait déjà un tout autre visage que lors des matches amicaux. Et depuis lors, on n’a cessé de progresser. Lorsque j’ai débarqué, au retour de la Gold Cup, j’ai directement constaté que la communication était très bonne. Il parvient rapidement à nous faire comprendre ce qu’il veut. Son système est aisé à assimiler. Il faut jouer au ballon, c’est tout. En essayant de trouver à chaque fois l’homme libre. C’est un football très offensif.

Ce qui n’est pas pour vous déplaire…

C’est clair. J’apprécie les combinaisons, le jeu au sol, les montées. Et je ne suis pas le seul dans l’équipe actuelle. Cela fonctionne très bien.

Et au niveau des entraînements ?

Pour tout dire, actuellement, les entraînements sont assez courts en raison des matches qui se succèdent. Courts mais intensifs. Je sens surtout une différence de concentration par rapport aux saisons antérieures. Les entraînements sont plus techniques, aussi. On éprouve tous beaucoup de plaisir.

 » Des lacunes défensives ? Autrefois, oui « 

Rater le début de la préparation, alors qu’un nouvel entraîneur débarque et que l’équipe se forme, n’était-ce pas un risque ?

Peut-être. Il y avait une époque où je privilégiais le club, parce que je devais encore m’affirmer et que je devais être à 100 % pour défendre mes chances. J’ai refusé des sélections, surtout lorsqu’elles m’imposaient de longs et éreintants voyages transatlantiques à des périodes peu propices. Aujourd’hui, à 28 ans, l’équipe nationale est devenue importante à mes yeux. Je n’ai plus envie de rater trop de grands tournois. A la Gold Cup 2009, j’ai été élu dans l’équipe-type du tournoi. C’est une belle satisfaction. On a été éliminé en quarts de finale, mais je sens qu’on dispose d’une belle marge de progression. On a une équipe jeune, et avec mon expérience européenne, je peux guider mes jeunes partenaires. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’essaie de répondre favorablement aux convocations. Jusqu’à présent, cela ne m’a pas porté préjudice puisque je suis toujours titulaire à Bruges.

Même le retour de Peter Van der Heyden, en janvier, ne vous a pas déstabilisé…

Je ne l’ai pas perçu comme un signe de défiance à mon égard. Un club ambitieux a besoin d’avoir deux bons joueurs à chaque poste. Un peu de concurrence n’a jamais fait de tort, elle peut même stimuler. Et puis, personne n’est à l’abri d’une blessure. D’ailleurs : je me suis moi-même blessé en janvier. Mais, dès que j’ai été guéri, j’ai récupéré ma place. Tant mieux.

Vous êtes surtout considéré comme un arrière offensif, avec certaines lacunes défensives. Etes-vous d’accord avec ce point de vue ?

C’est une étiquette qu’on m’a accolée au début de ma carrière. C’était peut-être vrai durant ma période louviéroise, mais j’ai progressé depuis. J’ai amélioré mon placement défensif, j’ai gagné en expérience, je parviens désormais à gérer mon match sur 90 minutes. Je n’aime pas trop parler de moi, mais je pense être arrivé à maturité.

Si vous êtes l’un des joueurs les plus expérimentés en équipe nationale canadienne, cela commence à être le cas à Bruges aussi.

On a une équipe très jeune, effectivement. Surtout dans le secteur offensif. Et derrière, on a beaucoup d’expérience. Je pense que l’équipe est bien balancée, il y a des atouts à tous les niveaux. Et la confiance est là aussi. Ce qui a changé, par rapport aux années précédentes, c’est que l’équipe est désormais capable de conserver le ballon. Cela me permet, notamment, de mieux exploiter mon tempérament offensif. Je sais que, si je monte, je ne devrai pas revenir en quatrième vitesse parce que le ballon a été perdu dans l’entrejeu.

A La Louvière, vous étiez aussi réputé pour votre frappe. Depuis votre arrivée à Bruges, vous n’avez pas encore trouvé le chemin des filets en championnat. Cela vous manque ?

( Ilrit) C’est vrai qu’un petit but me procurerait un grand bonheur. Mais je peux vivre sans cela. A La Louvière, il m’arrivait de tirer les coups francs. A Bruges, on a d’autres tireurs désignés. Dimanche, contre le Standard, j’ai malgré tout pu tenter ma chance en fin de match, mais mon envoi est passé au-dessus. Cela viendra…

Bruges n’avait plus battu le Standard à domicile depuis 2004. Pour vous, c’est donc une grande première…

C’est à cela aussi qu’on voit que le Club a progressé. Les années antérieures, si l’on avait été mené 0-1 à la mi-temps, on ne serait jamais revenu. Désormais, on ne doute plus. On savait qu’on pouvait renverser la vapeur. Le coach a procédé à quelques ajustements et cela a porté ses fruits. L’introduction de Wesley Sonck ? Elle démontre que, même si l’on avait commencé avec le même 11 de base que contre Valence, on a une profondeur de banc intéressante. La fatigue était bien présente, mais les deux équipes étaient logées à la même enseigne. Le Standard avait aussi un match européen dans les jambes. Moi, en tout cas, j’aime enchaîner les gros matches : Valence, puis le Standard trois jours plus tard, cela ne me dérange pas. On reste dans le rythme.

 » On a encore plein d’objectifs cette saison « 

Qu’aimeriez-vous encore accomplir ?

Sur le long terme, je ne ferme pas la porte à une éventuelle expérience dans un autre pays, même si je ne me focalise pas là-dessus. Je préfère me concentrer sur le présent. On a la possibilité d’encore réaliser de belles choses cette saison et je ne veux pas passer à côté.

Vous parlez du titre ou d’un beau parcours européen ?

Les deux. Tous les matches à venir seront très importants. Il faudra être à 100 % à chaque fois.

Bruges peut-il être champion ?

Pourquoi pas ? Avec les playoffs, une autre compétition commencera. Les équipes devront s’habituer à ce contexte particulier, qui n’est pas encore ancré dans la tradition en Belgique. En saison régulière, on peut se permettre de perdre un ou deux matches, et de refaire son handicap deux mois plus tard. En playoffs, pas : tout se jouera de la mi-mars à la mi-mai. Un faux pas pourra difficilement être compensé. Je pense qu’on y verra un football différent. Les équipes montreront peut-être un visage moins offensif, elles éviteront de prendre des risques. Chaque match sera un match de coupe. Le public se passionnera.

Avec la formule habituelle, le titre n’aurait sans doute pas échappé à Anderlecht. Avec les playoffs, tout est remis en question.

C’est peut-être notre chance, en effet. Même si l’on ne devra pas aborder les playoffs avec un retard trop conséquent.

Qu’est-ce qu’Anderlecht a de plus que vous, cette saison ?

Rien. Cela peut paraître prétentieux, mais j’en suis persuadé.

Qu’est-ce qui justifie, alors, l’avance du Sporting ?

On a perdu des points, ces dernières semaines, dans des circonstances sur lesquelles je ne veux pas revenir. ( NDLR : il veut parler des exclusions dont le Club a été victime). Cela fait partie du football, je ne veux pas condamner les arbitres. Concentrons-nous d’abord sur notre tâche.

L’élimination de la Coupe de Belgique, contre La Gantoise, constitue la grosse déception ?

C’est clair qu’elle ne nous a pas fait plaisir. Mais il faut tourner la page et regarder devant. Il y a d’autres objectifs qui se présentent à nous.

Et avec le Canada ? Pour la Coupe du Monde 2010, c’est raté. Et à 28 ans, le temps commence à presser pour vous…

Forcément, j’aimerais participer un jour à une Coupe du Monde. La dernière fois que le Canada était présent, j’avais cinq ans. C’était au Mexique en 1986. Depuis, la concurrence a progressé. Le Mexique, qui est quasiment abonné, est toujours là. Et les Etats-Unis se sont ajoutés à la liste des participants réguliers. Il ne reste donc plus qu’une place pour toutes les autres équipes de la Concacaf. Les Etats-Unis ont fourni un gros travail de fond et l’organisation de la Coupe du Monde 1994 a servi d’élément déclencheur. Le soccer n’est plus un sport mineur. Le Canada progresse aussi : Toronto participe à la MLS (Major League Soccer) et deux autres équipes, Vancouver et Montréal, vont bientôt la rejoindre également. Je ne sais pas si ces efforts seront suffisants pour me permettre de goûter aux joies d’un Mondial avant le terme de ma carrière : le Canada est bien moins peuplé que les Etats-Unis ou le Mexique, le réservoir est donc moins important. Mais sait-on jamais ?

Un autre joueur du championnat de Belgique a les mêmes origines que vous : Canadien d’origine polonaise. Il s’agit de Tomasz Radzinski.

Oui, j’ai précisément fait sa connaissance en équipe nationale. Avant cela, on ne se connaissait pas, mais depuis lors, on est régulièrement en contact. Sans qu’on ait, pour autant, l’occasion de se voir très souvent.

Quel est le meilleur joueur avec qui vous avez joué en Belgique ?

A La Louvière, je retiens essentiellement Peter Odemwingie et Oguchi Onyewu. A Bruges, il y en a beaucoup mais je ne les citerai pas car j’ai peur d’en oublier… ( Ilrit).

par daniel devos – photos: reporters/ sprimont

L’équipe est désormais capable de conserver le ballon. Ce n’était pas le cas avant.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire