Révolution

Le nouveau coach a bousculé beaucoup de choses, fait exploser le système Van Wijk. Voici pourquoi ça marche.

Mons était moribond fin février quand Dennis van Wijk a été dégagé. Aujourd’hui, c’est une équipe qui joue à fond sa carte dans les play-offs 2 et on y parle même d’Europe. Taper sur le coach hollandais serait injuste, c’est lui qui a fait monter le club en D1 et lui a fait réussir un premier tour inespéré. Mais, clairement, son message ne passait plus depuis fin 2011 : défaites à répétition, multitude de buts encaissés, jeu craintif, lien humain complètement rompu avec le groupe.

Dans tous ces domaines, Enzo Scifo a complètement renversé la vapeur : ça rigole à nouveau dans le vestiaire, ça joue vers l’avant, ça gagne et ça prend nettement moins de goals. Analyse de la métamorphose provoquée par le nouveau T1.

Passage au 4-4-2

Dans presque tous ses matches, Van Wijk a choisi le 4-3-3. Il nous avait expliqué pendant le premier tour :  » Ce sont les ailiers qui ont permis à Mons de gagner le tour final, il est normal que je continue sur le même concept.  » Avec Matumona Zola à gauche et TimMatthys à droite, deux des meilleurs donneurs d’assists du championnat, c’était compréhensible de choisir ce système. Van Wijk a juste fait une exception contre le Club Bruges, fin janvier. Il est passé au 4-4-2, ce lui permettait d’intégrer Aloys Nong, juste arrivé du Standard et posté ce jour-là en attaque près de Jérémy Perbet. Ce ne fut pas une réussite (défaite 0-2). Dans les autres matches, Mons alignait un triangle médian sur sa pointe quand il fallait être audacieux, sur sa base quand c’était mieux d’être prudent (contre les grands et lors de la plupart des matches en déplacement).

Scifo, lui, est passé à un 4-4-2 presque fixe. La blessure de Zola a probablement joué dans son raisonnement. Nong joue dans le dos de Perbet et les deux hommes de flancs ( Ibou Sawaneh à gauche et Matthys à droite) évoluent un peu plus bas que dans le 4-3-3. En perte de balle, ils repiquent régulièrement vers l’axe pour aider le duo de médians défensifs Benjamin NicaiseTom Van Imschoot. Ils sont moins excentrés que dans le système Van Wijk.  » Et ce 4-4-2 se transforme rapidement en 4-2-4 lorsque nous récupérons le ballon « , dit Peter Franquart.  » Il n’est pas rare que Mons ait subitement trois ou quatre attaquants dans la zone dangereuse. Ibou et Matthys retrouvent leurs réflexes du 4-3-3, ils s’écartent fort si c’est nécessaire.  »

Adaptation limitée au système adverse

Le T2 Geert Broeckaert relève que Mons se plie moins qu’avant aux particularités de l’équipe d’en face :  » Avec Van Wijk, il y avait une séance vidéo en début de semaine, il mettait le doigt en détail sur les points forts et les faiblesses de l’adversaire. Et à l’approche du match, il refaisait un briefing sur le même thème. Scifo s’en préoccupe moins. Il aborde l’équipe adverse au début de la semaine, puis il n’en parle plus, il se concentre exclusivement sur nos forces. Comme pour montrer qu’il faut tenir compte des spécificités des joueurs que nous allons rencontrer, qu’on ne peut pas être présomptueux mais qu’on ne peut pas non plus tomber dans l’obsession.  »

Nicaise et Van Imschoot, nouveaux piliers

Nicaise et Van Imschoot avaient un temps de jeu rikiki avec Dennis van Wijk : seulement cinq matches complets et surtout des montées en cours de deuxième mi-temps pour le Français, trois bribes de match pour le Flamand. Dès son arrivée, Scifo a donné le brassard de capitaine à Nicaise, et les deux hommes jouent tout avec le nouveau coach. Ils régulent le trafic dans l’axe de l’entrejeu et leur collaboration est excellente.  » Avec Van Wijk, MaëlLépicier était le médian défensif attitré « , rappelle Broeckaert.  » Mais il ne faut pas être un grand connaisseur pour voir que ce joueur n’est pas du tout un récupérateur. Il a fait toute sa formation et son début de carrière pro comme défenseur central, ça saute aux yeux. Il a eu sa chance dans l’entrejeu pendant la préparation parce que Van Wijk n’avait personne d’autre. Nicaise est arrivé assez tard. Lépicier ne s’est pas mal débrouillé, il a continué à jouer de bons matches en début de championnat et Van Wijk a estimé qu’il n’y avait pas de raison de changer un système et des hommes qui gagnaient beaucoup de matches.  »

Lépicier, ancien capitaine, est la grande victime du changement. Nicaise est le nouveau patron de l’équipe et Van Imschoot, qui a sur le papier essentiellement une mission défensive, monte souvent d’une ligne et marque son but à l’occasion.  » Au départ, ce sont deux vrais numéros 6 « , dit Franquart.  » Mais ils parviennent facilement à ajouter des touches offensives dans leur jeu. « 

Jeu 10 à 15 mètres plus haut

Le défenseur central Franquart remarque que Mons joue  » entre 10 et 15 mètres plus haut  » avec Scifo qu’avec Van Wijk. Simplement parce que l’ex-Diable a une conception plus offensive du foot que le Hollandais ? Broeckaert tempère :  » On jouait haut aussi avec Van Wijk au premier tour, puis c’est devenu moins frappant pour plusieurs raisons, surtout des petits détails qui font qu’un entraîneur fait une bonne saison ou pas. Inconsciemment sans doute, tout le monde a un peu reculé. Pourquoi ? Les raisons de l’effondrement de l’équipe ? Si on avait les réponses, Van Wijk serait sans doute toujours ici aujourd’hui. Et pourquoi ça a de nouveau directement marché avec Scifo ? Il y a sûrement le fait que quand un nouvel entraîneur arrive, un vent frais souffle. Et si des petits détails se résolvent, les débuts sont réussis. « 

Dans La Tribune, Nicaise a sous-entendu que Mons était défensif avec Van Wijk et offensif avec Scifo. Un résumé trop simpliste selon Nordin Jbari, consultant pour divers médias et – ça se sent – pro-Scifo mais aussi pro-Van Wijk.  » On n’a pas le droit de dire que Van Wijk est un entraîneur prudent. Ce serait malhonnête d’oublier les bonnes choses que son équipe a réussies dans la première partie de la saison. C’était un foot très hollandais, donc fort porté vers l’avant. Mons jouait haut, et le fait qu’il alignait Ibou Sawaneh – qui n’est pas un médian axial – en plein axe illustrait qu’il voulait avoir un joueur offensif en plus.  »

Franquart résume :  » Avec Scifo, on défend en avançant. C’est plus simple que défendre en revenant vers son but et devoir intervenir en catastrophe aux 18 mètres. Nous intervenons souvent à une dizaine de mètres de la ligne médiane plutôt qu’aux abords de notre rectangle. Nous prenons évidemment le risque de nous faire avoir dans notre dos sur un ballon profond, mais nous le gérons assez bien. En jouant plus haut, les lignes sont plus resserrées. Les attaquants participent plus qu’avant à la récupération et ils ne doivent plus le faire sur une aussi grande portion du terrain. Eux aussi ont appris à défendre en avançant, en pressant. Et quand nous repartons vers l’avant, ils ne doivent plus faire que des courses de 20 ou 25 mètres pour arriver dans le rectangle adverse, alors que c’étaient souvent des rushes de 40 ou 45 mètres avec Van Wijk. Ils sont donc plus frais et ça se voit. En début d’année, il y avait également un manque flagrant de communication entre les défenseurs, ça ne parlait plus beaucoup, il y avait régulièrement des malentendus. Nous avons aussi corrigé cette lacune. « 

Défense en zone

Toujours sur la RTBF, Nicaise a eu une phrase étonnante :  » Avec Van Wijk, on jouait l’individuelle sur tout le terrain.  » Sur ce point aussi, Jbari a une autre analyse :  » Ce n’était pas frappant dans les matches de Mons que j’ai couverts. Mais la défense individuelle a certainement de gros avantages dans certaines circonstances. Si les gars à vocation surtout défensive sont moyens, tu limites les risques car chaque joueur sait quel adversaire il doit prendre. Alors qu’en zone, il peut y avoir des hésitations.  »

Broeckaert parle d’un mix individuelle / zone :  » Parfois, Van Wijk exigeait que les médians défensifs et les défenseurs centraux ne lâchent pas un joueur précis. Par exemple, quand on jouait contre le Beerschot, il était bien prévu que Hernan Losada ne pouvait avoir aucune liberté, qu’il devait toujours avoir un de nos joueurs à quelques centimètres de lui. Mais ce n’était pas une constante. Par contre, avec Scifo, c’est clair : la zone tout le temps.  »

 » Dans plusieurs matches, certains joueurs avaient pour mission de suivre un adversaire partout où il se déplaçait « , dit Franquart.  » Il y a eu des rencontres où Maël Lépicier n’a fait que ça. Idem pour Pieterjan Monteyne, qui était back gauche théorique mais se baladait aux quatre coins du terrain. Pour les défenseurs centraux, c’était compliqué aussi. J’ai eu droit au régime de l’individuelle stricte, Jérémy Sapina et Aliou Dia aussi. Un arrière axial marquait l’attaquant de pointe à la culotte, l’autre devait couvrir. Je n’aimais pas, Van Wijk le savait. Parfois, il y avait des trous énormes dans notre défense à cause de ce système. Et dès qu’un défenseur était éliminé, ça posait problème. Jouer l’individuelle exige aussi d’être physiquement au top parce qu’on court sans arrêt. Pour moi, c’est beaucoup plus facile d’avoir des automatismes quand on joue en zone, comme aujourd’hui.  »

Comment il a relancé Perbet

Lors des quatre derniers matches avec Van Wijk, Perbet n’a plus marqué une seule fois. La malchance (avec une litanie de poteaux et de transversales) a joué mais il y avait une autre explication : Zola, un de ses donneurs d’assists, était blessé. Le Hollandais était conscient que la séparation du couple Zola-Perbet était un problème. La preuve : il a essayé quatre combinaisons différentes sur les ailes à la fin de son règne : Matthys – Rachid Bourabia, Nong – Matthys, Mustapha Jarju – Matthys, Ibou Sawaneh – Matthys. Sans succès (un point sur 12, seulement quatre buts marqués).

Scifo a directement trouvé la solution pour que Perbet recommence à scorer. Il a placé Nong dans son dos (cela fait deux hommes au lieu d’un pour provoquer la foire dans le rectangle) et a posté Ibou (ou à l’occasion Quentin Pottiez) sur la gauche de l’entrejeu. Deux hommes capables de s’infiltrer et d’envoyer des ballons chauds devant le but, tandis que Matthys continue à le faire sur l’autre aile.  » La preuve de la richesse en profondeur de notre noyau « , dit Broeckaert.  » Mais évidemment, l’absence de Zola a fait mal. Je ne suis pas étonné qu’il soit en tête du classement des moyennes de Sport/Foot Magazine. C’est peut-être le meilleur ailier gauche du championnat. Quand il est placé dans de bonnes conditions, il est intenable.  »

Perbet profite aussi de la montée en puissance logique d’un Nong qui, selon le T2, était dans une condition physique très précaire quand il est arrivé du Standard.  » Il avait joué combien de matches au premier tour ? Il a aussi eu la malchance de débarquer dans une équipe instable, en plein doute. C’était écrit qu’il aurait besoin de temps pour trouver la forme et ses marques. « 

Remplacements offensifs

Il y a un autre fait marquant dans l’approche de Scifo : avec lui, il ne fait pas bon être footballeur à vocation défensive quand on commence un match sur le banc car on a très peu de chances de monter. Siebe Blondelle, Aliou Dia, Lépicier et Matthieu Debisschop peuvent témoigner. Par contre, on est presque sûr d’avoir quelques (dizaines de) minutes de jeu si on est un joueur offensif. Chris Makiese, Ibou, Jarju, Pottiez, Nong, Bourabia : ils ont tous fait au moins une entrée en cours de match. Même quand Mons mène, Scifo remplace un attaquant par un autre avant.

 » Pour lui, la meilleure défense, c’est l’attaque « , constate Broeckaert.  » Quand il faut garder une avance, beaucoup d’entraîneurs font sortir un offensif pour un défensif. C’était une habitude de Van Wijk. D’autres estiment qu’en agissant comme ça, l’équipe va automatiquement reculer, se désorganiser, peut-être paniquer et prendre un but. « 

PAR PIERRE DANVOYE

 » Van Wijk voulait un mix zone / individuelle. Avec Scifo, c’est plus simple : la zone tout le temps. « 

(Geert Broeckaert)

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