Révolution verte

Que pensent l’UEFA, la FIFA et les fédérations nationales de l’herbe artificielle?

Depuis l’inauguration de l’ArenA d’Amsterdam, la pelouse a été changée 25 fois. Et elle le sera une 26e après la trêve hivernale car la situation ne fait qu’empirer. Mais cette fois, elle devrait être synthétique. Nos voisins hollandais, considérés comme les spécialistes ès pelouses, ont rangé leur amour propre dans leurs sabots.

Mais les techniciens néerlandais n’y sont pour rien et leur savoir-faire n’est pas en cause. Pour bien se porter, l’herbe a besoin d’eau, d’air, de lumière et de soleil. Les trois derniers éléments font défaut à l’ArenA parce que les stades modernes comportent des tribunes construites tout en hauteur qui occultent les rayons du soleil et arrêtent tout mouvement d’air et donc d’oxygène.

La situation est moins grave à Anderlecht qu’à Amsterdam mais ce n’est guère brillant. Ce n’est guère meilleur dans les autres stades rénovés pour l’EURO 2000, sauf provisoirement au Breydelstadion. A entretien égal, l’herbe du stade de l’Union St-Gilloise a toutes les chances d’être beaucoup plus dense que celle du stade Constant Vanden Stock.

« Les concepteurs ont voulu apporter un maximum de confort aux spectateurs en leur permettant de venir très nombreux et dans de bonnes conditions au stade mais ils ont négligé le bien-être des brins d’herbe », explique Arie Van Eiden, directeur de l’Ajax. « Les avancées technologiques permettent aujourd’hui de dire que les pelouses synthétiques valent les naturelles. C’est la solution de l’avenir, surtout pour les pays dont le climat n’est pas propice à la bonne santé des pelouses, soit parce qu’il y gèle trop souvent comme dans les pays nordiques soit parce qu’il y fait trop chaud comme au Moyen-Orient ou en Afrique ».

Les dirigeants de l’Ajax sont discrets à propos du coût éventuel de l’opération. Mais les fournisseurs qui offrent pratiquement tous un produit de même qualité le vendront 18 millions de nos francs au club amstellodamois. Les pelouses d’entraînement ou celles destinées aux rencontres de jeunes peuvent être acquises à moindre prix.

« Une fois installée, la pelouse coûte beaucoup moins cher à l’entretien », précise Michel Sablon, le spécialiste de l’Union Belge en la matière. « Les firmes proposent un contrat clé sur porte et le club n’a plus à s’occuper de rien. On peut jouer par tous les temps et plus de période d’ensemencement ».

QPR, le triste exemple

A Amsterdam, on a tout essayé. Et la situation n’a fait qu’empirer. « La 24e et la 25e générations de pelouses de l’ArenA sont les pires de toutes celles que le site a connues depuis cinq ans qu’il existe », écrit le Volkskrant.

L’institut horticole de Wageningen n’a pas été capable de trouver une solution au problème. Une site Internet fut ouvert dans lequel les spécialistes herbicoles du monde entier ont pu donner leur avis ou suggérer des solutions. On a tout envisagé à l’ArenA: des souffleries géantes qui ventileraient le gazon et un système de miroirs qui réfléchiraient les rayons du soleil. Qu’à cela ne tienne: la pelouse du magnifique stade amstellodamois continuait à se mourir. Au grand dame des dirigeants ajacides… surtout lorsqu’un important groupe de supporters demanda le remboursement de leur abonnement.

Les terrains synthétiques, ils existent pourtant depuis longtemps. Au début des années 80, quelques clubs anglais en étaient équipés : Luton Town, Preston, Oldham et surtout Queen’s Park Rangers. Il s’agissait de versions à peine améliorées des surfaces dont une partie de l’astrodrome de Houston était équipé dans les années 60 ou des terrains officiels de grandes équipes de foot américain à la même époque. Mais ce qui convenait aux sports US, n’était vraiment pas approprié pour notre bon vieux soccer.

A QPR, tout le monde était contre. Les joueurs tout d’abord, surtout les visiteurs qui détestaient venir jouer dans les installations londoniennes. Au moindre sliding tackle, ils se brûlaient les cuisses ou les fesses tant la surface synthétique était rugueuse, avec les risques d’infection que cela comportait. C’est à peine si les gardiens, pourtant équipés en conséquence, osaient encore plonger. Et les spectateurs n’appréciaient pas les trajectoires du ballon: des bonds trop élevés et beaucoup trop rapides pour laisser une chance aux joueurs de contrôler la sphère.

« Nous en sommes aujourd’hui à la troisième génération des pelouses synthétiques », explique Michel Sablon. « Les surfaces artificielles offrent aujourd’hui tous les avantages des naturelles tout en en gommant les inconvénients. Les derniers modèles en date permettent de plonger, tackler ou tomber comme dans l’herbe tendre. Mais sur le synthétique, on peut jouer trois fois plus longtemps que sur le naturel et ce, qu’il vente, pleuve ou neige ».

Peut-être n’est-ce pas un hasard si les spécialistes amstellodamois ont débarqué à Bruxelles au printemps avec quelques Juniors ajacides. Ils ont fait évoluer les jeunes sur la pelouse artificielle de Watermael-Boitsfort et sont rentrés conquis aux Pays-Bas.

« Nous avons immédiatement entamé les démarches nécessaires pour pouvoir installer une pelouse artificielle à l’ArenA », explique Lucie Nieuwenhuizen, chargée des relations publiques du complexe sportif amstellodamois. « Nous avons prévenu la fédération hollandaise qui a demandé aux autres clubs du betaaldvoetbal (foot pro) d’émettre leurs remarques ».

UEFA-FIFA: pas d’accord.

La principale objection des adversaires d’Ajax est que la première partie du championnat se jouera à l’ArenA sur le champ de patates actuel et la deuxième, après la trêve hivernale, sur la surface synthétique. Pour le reste, pas mal de clubs en sont déjà équipés pour leur terrains d’entraînement.

« Ils donnent entière satisfaction », dit Pedro Salazar, porte-parole au PSV Eindhoven à propos de son centre de prépartion De Herdgang : « On y joue presque tout le temps, de plus petits aux seniors ».

Et puis, il faudra la bénédiction de l’UEFA qu’Ajax attend d’un jour à l’autre. Les fédérations européenne et mondiale ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’ondes sur le sujet, comme sur beaucoup d’autres.

Les intérêts financiers énormes en jeu n’y sont pas totalement étrangers. Et les normes européennes ne sont pas nécessairement les mêmes que pour d’autres continents. Les périodes de sécheresse telles qu’on les connaît en Afrique sont plus rares chez nous. A l’inverse, le gel est pratiquement inconnu dans les contrées du Sud.

Sablon : « En Belgique, les matches de jeunes peuvent se dérouler sur un terrain synthétique, pour peu qu’il offre toutes les garanties de sécurité, ce qui est le cas s’il est agréé par la fédération. En revanche, si Ajax Amsterdam veut jouer ses rencontres européennes à l’ArenA, il faut l’accord de l’UEFA ».

La fédération européenne a accepté les terrains mixtes (herbe synthétique à certains endroits ou la naturelle met de la mauvaise volonté à pousser) mais tarde encore à donner son feu vert définitif au tout artificiel (pour les spécialistes les fibres employées sont en nylon, polypropylène et polyéthylène).

La situation est plus claire en ce qui concerne la FIFA. Sa circulaire 707 autorise les rencontres qualificatives à un tournoi mondial organisé par ses soins (donc aussi les matches de qualification pour la phase finale de la Coupe du Monde) sur terrain synthétique. A condition que cela offre de meilleures conditions de jeu que sur une pelouse naturelle et d’en avertir la FIFA suffisamment tôt pour qu’elle puisse donner son autorisation au plus tard deux mois avant la rencontre concernée.

Pour ce qui est des tournois finaux des compétitions de la FIFA, on est encore tenu de jouer sur de la bonne vieille herbe.

Guy Lassoie

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