Révolution d’automne

Taxé de corruption au printemps, l’adversaire d’Anderlecht aborde l’automne avec un T1 portugais qui prône un pressing haut incessant, une image purifiée et l’étiquette de deuxième meilleure équipe du pays derrière le Dynamo.

Le Lokomotiv Moscou, qui se dressera demain sur la route d’Anderlecht, ne constitue pas vraiment une inconnue pour les Mauve et Blanc. En phase des poules de la Ligue des Champions 2001-2002, ceux-ci avaient d’abord partagé l’enjeu face à cette équipe dans la capitale russe (1-1) avant de subir une véritable humiliation au retour (1-5).

 » A l’époque, nous avions déjà une bonne équipe, mais aujourd’hui elle est encore meilleure « , observe un Alexeï Smertine qui a tous les droits de se permettre la comparaison d’une époque à l’autre. C’est qu’à ce moment-là, il faisait lui-même partie, comme médian, de la phalange moscovite articulée autour des Ruslan Pimenov, Marat Izmaïlov et autres Vladimir Maminov.

Une décennie plus tard, au bout d’une carrière qui l’aura mené entre autres aux Girondins Bordeaux (2000-03) et à Chelsea (2003-06), l’ancien capitaine de l’équipe nationale de Russie, âgé de 36 ans à présent, est de retour au Lokomotiv, mais en qualité de vice-président ce coup-ci.

 » Autrefois, toute l’équipe était formée sans exception de joueurs russes « , dit-il.  » De nos jours, un tiers sont des étrangers de bon niveau. Ils ont amélioré la qualité d’ensemble mais le même constat est d’application aux étrangers qui militent chez la plupart de nos rivaux traditionnels. Comme ils disposent souvent de plus de moyens financiers que nous, le Lokomotiv n’a plus été en mesure de renouveler son titre après ses sacres en 2002 et 2004. La concurrence roule sur l’or, tandis que nous continuons à rouler sur nos propres rails, comme notre nom l’indique « .

 » Pendant bon nombre d’années, le terme Lokomotiv n’était peut-être pas tout à fait approprié « , souligne Boris Bogdanov, notre confrère du quotidien moscovite Sport-Express.  » Car au lieu de tirer la rame, le club a fréquemment fait office de wagon de queue derrière les quatre grands de la capitale qu’étaient le CSKA, le Spartak, le Dynamo et le Torpedo. Sans oublier qu’il fallait composer aussi avec d’autres clubs de renom tels le Dynamo Kiev ou le Dynamo Minsk. La situation a toutefois changé brutalement pendant les dix premières années post-soviétiques. A cette époque, le Lokomotiv a grimpé dans la hiérarchie, au point de s’illustrer d’abord en coupe avant de faire main basse sur le championnat au début du millénaire. Depuis, le club est resté en vogue. Il a été le premier, dans la foulée, à se doter d’un nouveau stade de 28.000 places. Du coup, sa cote n’a fait que grimper. De 1.500 personnes en 2000, sa moyenne d’assistance est passée à 14.000. Il est frappant de constater qu’il suscite pas mal d’engouement auprès des femmes. En général, le football est un sport prisé essentiellement par les hommes en Russie. Mais le Lokomotiv est l’exception qui confirme la règle. C’est le club sexy par excellence dans la capitale. Il est vrai qu’il a tout pour plaire : une belle enceinte, un beau jeu et des joueurs séduisants « .

A la mode portugaise

Seule ombre au tableau : un relent d’affaire de corruption qui a secoué le Lokomotiv au printemps passé. La rumeur veut que le coach en place, Youri Krasnozhan, ait favorisé la victoire de l’Anzhi Makhachkala, sur le score de 1-2, le 27 mai. Même si les faits n’ont pu être prouvés, la direction a pris le taureau par les cornes en limogeant stantepede le T1. Pour le remplacer, contre toute attente, c’est à un technicien relativement inconnu du grand public que la présidente Olga Smorodskaya et son bras droit Alexeï Smertine ont fait appel : le Portugais José Couceiro.

 » Le football est affaire de mode à tous les échelons « , commente le vice-président, tantôt en français, tantôt en anglais, héritage de son passé dans l’Hexagone et aux Iles.  » A une certaine époque, chez les coachs, la tendance était hollandaise avec des hommes comme Guus Hiddink ou Dick Advocaat. Il y a eu une période italienne aussi avec Giovanni Trapattoni ou Marcello Lippi. La France a eu Arsène Wenger et Gérard Houllier. A présent, ce sont les Portugais qui ont le vent en poupe avec José Mourinho, André Villas Boas ou Jorge Jesus. Personnellement, durant mon séjour à Chelsea, j’ai été amené à travailler sous la direction du Special One. Ce fut une révélation. Jusqu’alors, j’avais toujours eu affaire à des entraîneurs qui, en tout début de saison, demandaient à leurs joueurs de mettre des spikes plutôt que des boots. Très peu pour José. -Le football est formé du mot ballon et du mot pied. Aussi, prenez chacun un ballon et allons nous entraîner dit-il à son arrivée chez les Blues en 2004. Les joueurs n’en revenaient pas. Ils n’avaient jamais connu ça. Pourtant, vu les résultats engrangés par la suite, la méthode Mou a bel et bien porté ses fruits. Moi, je voulais un coach qui s’inspire de cet exemple et c’est pourquoi j’ai songé à ce technicien qui avait roulé sa bosse à la fois à Porto en 2005 et au Sporting Lisbonne la saison passée « .

 » Jusqu’à présent, son arrivée est un coup dans le mille « , souligne Bogdanov.  » Le Lokomotiv produit un jeu attrayant et vif au sol. Sous sa houlette, l’équipe n’a pas encore perdu. Elle forme un véritable rouleau compresseur qui attaque et défend en bloc en exerçant un pressing immédiat sur le porteur du ballon. Un Barça miniature en quelque sorte. Et, ce qui ne gâte rien, elle a des ressources morales également. Face au Zenit Saint-Pétersbourg, elle était menée 0-2 à un certain moment. En fin de match, elle avait renversé complètement la vapeur pour s’imposer 4-2. A mes yeux, il n’y a qu’une équipe qui lui soit supérieure actuellement en Russie : le Dynamo Moscou, qui a un fond de jeu tout aussi solide mais qui s’appuie en plus sur deux attaquants qui carburent à plein régime : Kevin Kuranyi et Andreï Voronine « .

 » Nous sommes en pleine phase de reconstruction « , conclut Alexeï Smertine.  » Contrairement à d’autres, qui peuvent dépenser sans compter, il nous faut travailler dans les limites de notre budget. Cette année, nous avons consacré notre enveloppe financière aux acquisitions de Felipe Caicedo et Manuel Da Costa. J’aurais aimé pouvoir présenter un renfort belge aussi car nous avons été en lice aussi bien pour Axel Witsel que pour Steven Defour, qui sont des exemples de footballeurs jeunes et talentueux, comme la Belgique en compte pas mal pour l’instant. Mais notre enveloppe financière pour les transferts était hélas épuisée. Ce n’est peut-être que partie remise, qui sait ? Si un joueur anderlechtois nous tape dans l’£il, on fera peut-être le forcing pour lui dans quelques mois « .

PAR BRUNO GOVERS, À MOSCOU PHOTOS: REPORTERS/ HERCHAFT

 » J’aurais aimé pouvoir présenter Axel Witsel ou Steven Defour à nos fans mais notre enveloppe transferts était vide.  » (Alexeï Smertine)

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