REVOILÀ LES VUVUZELAS

La 29e édition de la Coupe d’Afrique des Nations débute samedi en Afrique du Sud. C’est l’occasion pour le pays de raviver l’ambiance du Mondial 2010 et de rentabiliser ses magnifiques infrastructures.

Le tour préliminaire de la Coupe d’Afrique des Nations 2013 a commencé à la mi-janvier 2012, avant même la fin de la CAN 2012, dont la phase finale se déroulait au Gabon et en Guinée Equatoriale. Depuis 1968, le tournoi avait toujours lieu les années paires. Il coïncidait donc, à intervalles réguliers, avec la phase finale de la Coupe du Monde, même si son organisation était toujours planifiée plus tôt dans le calendrier, aux mois de janvier et février.

Pour éviter la surcharge et, surtout, soulager les clubs appelés à céder leurs joueurs pour l’une et l’autre de ces épreuves, la Confédération Africaine de Football (CAF) décida dans un passé récent de déplacer la CAN aux années impaires. Du coup, la Zambie, championne d’Afrique en 2012, n’a porté sa couronne qu’une seule année.

Ce changement de calendrier ne s’est pas déroulé sans pli. Après la chute du régime de MouammarKadhafi, l’année passée, la Libye n’était subitement plus en mesure de mettre sur pied l’événement. Elke a donc été remplacée dare-dare par l’Afrique du Sud, à laquelle on avait préalablement attribué l’organisation de l’épreuve en 2017.

L’histoire se répète donc pour ce pays, qui avait déjà abrité le tournoi en 1996, pour pallier le forfait in extremis du Kenya, qui ne disposait pas des moyens financiers requis pour accueillir l’événement.

L’Afrique du Sud a été ravie de ce nouveau changement, qui constitue une belle opportunité de réutiliser les temples du Mondial.  » C’est une chance unique de faire revivre ces joyaux et de profiter de l’héritage du Mondial « , a déclaré le ministre des Sports, Fikile Mbalula.  » Cette Coupe d’Afrique engendre 18.600 nouveaux emplois pendant un an « , s’est réjoui Mvuzo Mbebe, le CEO du comité d’organisation.

Initialement, la CAF comptait utiliser cinq stades, ce qui a suscité le mécontentement alors que c’était déjà une arène de plus que d’habitude : pour la plupart des pays du continent noir, fournir quatre stades de bon niveau pose déjà problème et la CAF veut également éviter trop de frais de déplacement aux équipes.

À la surprise générale, la recherche des villes-hôtes a constitué un problème. Seule Rustenburg, qui dispose d’énormes réserves de platine, a immédiatement accepté. Le Cap a refusé d’assurer le séjour et le transport local des équipes et des arbitres, qui se chiffrent à 85 millions de rands, soit 8 millions d’euros.

Les matches de poules se déroulent à Rustenburg, Nelspruit, Port Elizabeth et Durban. Le match d’ouverture et la finale auront lieu à Johannesburg.

Cela n’a pas été simple à organiser non plus. Le FNB Stadium, baptisé Soccer City pendant le Mondial, devrait s’appeler National Stadium durant les prochaines semaines car le nom du sponsor, la First National City Bank, ne peut être utilisé pendant la CAN. La FNB n’a accepté qu’à condition que son nom soit associé au stade deux ans de plus. On a trouvé un compromis in extremis, aux environs de la Noël. Du coup, il a été impossible d’imprimer les billets.

Un engouement mitigé

C’est une des raisons pour lesquelles ceux-ci s’écoulent lentement. Le comité d’organisation voulait vendre 500.000 des 800.000 billets disponibles. Il les a offerts à des prix très bas : de 4 à 7 euros pour un match de poule et de 20 à 60 euros pour la finale. Pourtant, un mois avant le premier match, on n’avait encore écoulé que 60.000 billets.

Cet échec est aussi lié au manque de temps : il est difficile d’organiser un événement de cette ampleur en l’espace de neuf mois, d’autant qu’il ne figurait pas au budget. Le ministre des Finances, Pravin Gordhan, a puisé 40 millions d’euros de la caisse des  » dépenses imprévues mais inévitables « , un montant qui ne suffit pas.

 » Nous espérions que l’État assumerait la moitié des dépenses « , explique Mvuzo Mbebe.  » Il n’intervient qu’à concurrence de 46 %, ce qui nous oblige à sabrer dans les frais. Nous avons ainsi mené trois campagnes de promotion au lieu des cinq prévues.  »

Cent jours avant le coup d’envoi de la CAN, The Sowetan, le principal journal de Johannesburg et des environs, a tiré la sonnette d’alarme.  » C’est une catastrophe « , a-t-il titré.  » La réputation de l’Afrique du Sud est en jeu. C’est l’événement sportif le plus important de notre continent et nous devons en assurer un succès comparable à celui du Mondial. La FIFA a affûté la fédération sud-africaine mais la CAF fait le contraire.  »

La Fédération s’est secouée. Elle a engagé Irvin Khoza et Danny Jordaan, les moteurs du Mondial 2010, au poste de conseillers spéciaux. Elle a mis sur pied une campagne de promotion supplémentaire :  » the Magnificent Fridays « . Elle invite les supporters à se rendre au travail avec le maillot des Bafana Bafana, l’équipe d’Afrique du Sud, tous les vendredis.

Comble de la catastrophe, la fédération sud-africaine, la SAFA, a été secouée, en décembre, par la divulgation de match fixing avant le Mondial 2010. Cinq dirigeants, dont le président Kirsten Nematandani, ont été suspendus jusqu’à la semaine dernière.

Les résultats médiocres des Bafana Bafana dans leurs matches amicaux n’ont pas stimulé la vente des billets non plus. Heureusement, l’organisation peut compter sur un groupe de sponsors solides. Le principal, Orange, le géant des télécom, est associé à la CAN jusqu’en 2016. Nissan s’est joint in extremis à Samsung, à Pepsi, à la Standard Bank et à Nasuba Expreso. Pendant la CAN, ces sociétés bénéficient des mêmes règles d’ambush marketing que pendant le Mondial.

On n’a trouvé un accord pour les droits de retransmission (6 millions d’euros) avec la SABC, la chaîne publique sud-africaine que durant la première semaine de janvier. Mardi dernier, Sipho Sithole, le responsable de la communication de la CAN 2013, a annoncé avoir vendu 317.000 billets et être en mesure d’atteindre l’objectif fixé – 500.000. Le même jour, une nouvelle campagne de promotion a été lancée.

La Côte d’Ivoire et le Ghana favoris

Comme si les amateurs de football ignoraient la tenue du tournoi. La CAN 2012 a attiré 6,6 milliards de téléspectateurs, un nouveau record. Ce qui a commencé en 1957 comme un tournoi rassemblant trois nations est devenu un événement sportif planétaire. Certes, en 2010, la CAN a été assombrie, en Angola, par l’attentat sur le bus des joueurs du Togo et la dernière édition a livré des matches très ennuyeux.

Malgré tout, le tournoi reste très populaire auprès des vedettes africaines, qui bravent le courroux de leurs entraîneurs et renoncent le coeur léger à quelques copieuses primes pour enfiler le maillot de leur équipe nationale, même s’ils savent pertinemment que leur fédération ne leur paiera pas des sommes folles et n’honorera pas ses obligations.

Sportivement, la CAN 2012 a pâti de l’absence de nations telles que l’Égypte et le Cameroun, qui ont trusté les titres de 2000 à 2010, à l’exception de 2004, avec le succès final de la Tunisie. La Côte d’Ivoire, dont le but était défendu par Barry Boubacar Copa (Lokeren), n’a pas encaissé le moindre but mais a dû abandonner le titre à la Zambie.

L’Égypte et le Cameroun sont encore absents ce coup-ci, de même que le Sénégal. C’est peut-être dû à la brièveté des qualifications, qui se sont déroulées par élimination directe et non par poules, mais on commence à se demander si les grandes nations traditionnelles ne perdent pas pied.

Après la Guinée Équatoriale, le Botswana et le Niger en 2010, un nouveau débutant se présente cette année : le Cap-Vert. Le football africain gagne en profondeur et parvient même à toucher les pays les plus petits et les plus pauvres.

La Côte d’Ivoire est la grandissime favorite du tournoi. Elle forme la meilleure équipe du continent depuis une décennie mais attend un second titre africain depuis vingt ans. L’Afrique du Sud constitue sans doute l’ultime chance de la génération dorée de Didier Drogba et Yaya Touré, qui se demandent certainement comment il est possible qu’ils n’aient encore jamais gagné ce tournoi.

Sur papier, son principal concurrent est le Ghana, vainqueur à quatre reprises, la dernière fois en 1982. Au Mondial, les Black Stars ont été la seule formation africaine à survivre aux poules. Il a fallu la main de l’Uruguayen Luis Suarez et le penalty raté d’Asamoah Gyan pour les priver des demi-finales.

Moins d’un an après sa victoire à Libreville, on tient moins compte de la Zambie du président Bwalya Kalusha (ex-Cercle Bruges et PSV). Cette victoire a constitué une surprise de taille mais surtout un grand moment d’émotion, vingt ans après le crash d’avion qui a coûté la vie à 18 joueurs. L’année dernière, les Chipolopolos ont dû leur succès à leur humilité, organisation et esprit collectif. Reste à voir si l’équipe d’Hervé Renard sera en mesure de reproduire cet exploit. Ces dernières semaines, la Zambie n’a pas fait bonne impression dans ses matches de préparation.

Groupe de la mort

La plupart des équipes se sont préparées au Moyen-Orient. La moitié des seize finalistes ont mis le cap sur les Émirats Arabes Unis, Oman et le Qatar. Leurs matches ont révélé que tout le monde pouvait battre tout le monde.

L’équipe locale espère que l’histoire se répétera sur le plan sportif également. En 1996, les Bafana Bafana ont été sacrés champions d’Afrique sur leur sol. C’est un superbe défi pour l’Afrique du Sud nouvelle, un an après que les Springboks ont conquis le titre mondial en rugby, sur leurs terres, en Afrique du Sud.

Le 24 octobre, la main innocente du président Jacob Zuma a versé les Bafana Bafana dans la poule du Cap-Vert, de l’Angola et du Maroc. Ils doivent remporter leur match initial contre le Cap-Vert, pas seulement pour éviter l’humiliation subie en 2010, quand l’organisateur du Mondial n’a pas survécu au premier tour, mais aussi pour rassembler tout le pays derrière l’équipe et l’événement.

Dans le groupe B, le Ghana devra surtout se méfier du Congo, qui aligne notamment Dieumerci Mbokani. Théoriquement, le Mali et le Niger ne devraient pas jouer les trouble-fête.

La Zambie, versée dans le groupe C, est confrontée au Nigéria, l’outsider entraîné par Stephen Keshi (ex-Lokeren et Anderlecht) et au Burkina Faso, dirigé par Paul Put, mais aussi à l’Éthiopie, la championne 1962, qui renoue avec le tournoi pour la première fois depuis 31 ans.

Sabri Lamouchi, le sélectionneur de la Côte d’Ivoire qualifie la poule D de groupe de la mort. Les Éléphants doivent jouer contre l’Algérie et la Tunisie (qui aligne le Lokerenois Hamdi Harbaoui) ainsi que le Togo. FoureGnassingbé, le président de ce dernier, a remué ciel et terre pour faire venir Emmanuel Adebayor. Une entreprise qui a été couronnée de succès entre-temps En Afrique, le football est également synonyme d’unité nationale et de gloire internationale pour les personnes au pouvoir.

PAR FRANÇOIS COLIN

Les Bafana Bafana doivent effacer l’humiliation de 2010 sur leurs terres : une élimination au premier tour.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire