Rêve éveillé

Capi a tout vécu au Sporting. Il nous dresse les grandes lignes de la nouvelle saison.

Peu de joueurs peuvent se targuer d’une telle fidélité. Le capitaine du Sporting va entamer sa neuvième saison au sein de l’élite. Sa neuvième saison dans le même club. A Charleroi, il a tout vécu : le stress de la bataille contre la relégation et l’ambition désormais dévorante d’un club qui ne redoute plus rien. Depuis trois ans, Capi est le guide d’un noyau qui vise toujours plus haut.

Vous êtes sans doute le joueur le plus indiqué pour analyser l’évolution du club depuis quelques années…

Frank Defays : On peut parler d’évolution positive et sereine. Je n’effacerai pour rien au monde les années noires car elles m’ont permis de grandir et d’atteindre le niveau qui est le mien depuis maintenant trois saisons.

Vous avez connu la même courbe de progression que le club…

C’est vrai.

Comment expliquez-vous qu’à 33 ans vous continuez à progresser ?

La venue de Jacky Mathijssen a tout changé pour moi. Quand je suis arrivé en D1, on m’a dit que j’étais avant tout défenseur. Comme j’arrivais de D3, j’ai suivi les consignes à la lettre. Mathijssen fut le premier à voir que j’avais le potentiel pour arpenter le flanc. Il ne m’a pas demandé de monter, il l’a exigé ! Comme nous possédons une défense stable, nos automatismes ne sont plus à travailler. Cela me permet de gagner quelques dixièmes de seconde sur nos adversaires et de monter sans me poser trop de questions. Je sais que je peux compter sur mes partenaires de la défense.

Et c’est pour cette raison qu’on vous voit de plus en plus soutenir l’attaque ?

Oui mais lors de certaines rencontres, Mathijssen me disait quand même de rester derrière. De plus, au deuxième tour, lorsque Majid Oulmers fut replacé au poste d’arrière gauche et comme il était davantage poussé vers l’avant que moi, je devais veiller à fermer la porte derrière. On ne pouvait pas aller tous les deux à l’avant.

Pour en revenir au Sporting, vous parliez de stabilité : est-elle définitivement acquise ?

Les trois dernières années ont servi à stabiliser et à rassurer. Au début de chaque nouvelle campagne, je repense aux années noires pour faire en sorte de ne plus les revivre. Cependant, cela ne sert à rien de craindre que le passé resurgisse. Il faut voir plus loin et plus haut. Moi, je veux terminer ma carrière en accrochant quelque chose avec le Sporting. Lors de la dernière journée du dernier championnat, contre Zulte Waregem, pendant neuf minutes, je me suis vu européen. Tout cela après avoir connu des années difficiles. C’est là qu’on mesure le chemin parcouru.

 » Je veux terminer ma carrière en accrochant quelque chose avec le Sporting  »

On entendrait presque le discours du président. Vous pensez vraiment qu’un trophée est à la portée du Sporting ?

( Il réfléchit). Oui, je pense. Tout cela est une question de régularité, de motivation et de chance. Ce n’est pas pour rien qu’on évoque la chance du champion.

Donc, avec un peu de chance, Charleroi peut-il être champion ?

Non. Le trophée le plus accessible, c’est la Coupe car il s’agit de la compétition la plus courte. Cependant, je ne sais pas si on doit se fixer un objectif réel. Il faut simplement essayer de gagner tous nos matches et les aborder dans cet état d’esprit.

Gagner tous les matches ?

C’est une façon de parler. Manchester, Chelsea ou Milan ne gagnent pas tous leurs matches. Alors, c’est clair que Charleroi n’y parviendra pas mais il faut monter sur la pelouse avec la rage de vaincre.

Le président disait que cette rage de vaincre manquait lors de certaines rencontres…

Nous sommes chaque fois montés sur le terrain pour gagner mais il y a des jours de méforme, de malchance et d’injustice. Notre grande force fut de réagir après chaque coup dur.

Vous évoquez la malchance et l’injustice : est-ce que ce sont les seuls arguments qui expliquent que Charleroi n’a rien accroché la saison passée ?

Non, évidemment. On doit améliorer certains détails. Il faut par exemple accepter l’idée d’être proche, de former une équipe qui vise quelque chose. A chaque fois qu’on approchait du but, on a échoué. Cela ne sert à rien d’être quatrième à dix journées de la fin.

Que pensez-vous des ambitions surélevées du président Abbas Bayat ?

C’est humain d’avoir des ambitions. Quand le président voit que son équipe termine quatrième, il ne peut décemment dire qu’il va, cette saison-ci, viser la septième place. Les joueurs ne comprendraient pas. Le président souhaite mieux et c’est logique. Il a toujours tenu le même discours à ses joueurs : il ne veut pas changer son noyau contre aucun autre de Belgique. Lui, voit une équipe capable de faire mieux et dans son esprit, le rôle de l’entraîneur prend donc une importance énorme.

Mais on peut légitimement se poser la question : Charleroi peut-il faire mieux ?

La saison passée, on a souvent perdu des points sur des détails. On a battu Genk deux fois. Notre niveau n’est donc pas éloigné de celui des Limbourgeois.

Si vous aviez perdu sur des détails, c’est peut-être qu’il y a des explications ?

Oui, oui. Ce n’est pas pour rien. Il faut résoudre ces problèmes. Il y avait dans cette équipe un manque de maturité et de concentration. On doit être plus fort contre les petites équipes. On n’a pris qu’un point sur six contre le Lierse. On doit aborder les ténors et les formations plus modestes avec le même état d’esprit. Mais le problème, c’est que les petites équipes ne viennent pas chez nous avec le même dispositif et on a toujours éprouvé des difficultés à trouver la parade. Si on veut être positif, on peut trouver dans cet état de fait la preuve que le statut de Charleroi a changé. Avant, nos adversaires venaient au stade du Pays de Charleroi en étant offensifs et sereins. Désormais ces équipes se demandent comment contrer l’entrejeu et comment marquer un but.

 » Le groupe ne peut pas se permettre de départs  »

On peut parler aussi de largeur de noyau ?

Si l’on pointe le noyau d’Anderlecht, tous les postes y sont doublés par des joueurs de qualité égale même s’il faut aussi relativiser cette donnée : un remplaçant n’atteindra jamais le même niveau qu’un titulaire qui reste sur 20 matches d’affilée.

C’est ce qui explique aussi qu’Anderlecht soit champion…

C’est vrai que l’expérience joue mais mon père m’a dit – Beveren a été champion avec une équipe d’ouvriers qui travaillaient le soir. Du talent, il y en a certainement à Charleroi mais…

Mais…

… je ne suis pas sûr que tous les ingrédients soient réunis pour avoir une certitude de disputer le titre jusqu’au bout.

Vous ne trouvez pas que Charleroi passe pour un doux rêveur ?

Nous, joueurs, nous ne le sommes pas. On va essayer de gagner le plus de matches possible mais quand j’entends les réactions extérieures, je vois que pour beaucoup de monde, Charleroi est en train de rêver.

Pour le moment, à part Izzet Akgül, Charleroi a conservé tous ses éléments. Vous ne craignez pas un départ de Fabien Camus ?

On verra. Par rapport aux ambitions affichées, le groupe ne peut pas se permettre de départs. La logique voudrait même que si une ou deux bonnes affaires se présentent, il ne faille pas hésiter à fournir au noyau un ou deux joueurs d’expérience supplémentaires.

Charleroi doit donc conserver Camus ?

L’offre est là et c’est difficile pour le club de refuser 3 millions d’euros mais si Fabien partait, il faudrait qu’il soit remplacé. Ce qui ne sera pas évident. Si Hassan quittait Anderlecht, ce ne serait pas simple de trouver un élément identique. C’est la même chose pour nous avec Camus.

Pourtant, c’est dans l’optique d’un départ de Camus que Sergio a été attiré…

On peut s’en sortir sans une nouvelle arrivée mais si une blessure survient dans le noyau, on se retrouve devant un gros problème.

Bertrand Laquait est revenu : une plus value énorme ?

Il a quitté le club car il avait une bonne opportunité mais cela ne lui pose aucun problème de revenir à Charleroi. Il y a deux mois, il savait déjà qu’il reviendrait. Il m’avait téléphoné et m’avait dit – Je reviens. Réserve-moi le casier à côté du tien. Sa tête était à Charleroi.

Vous le voyez terminer la saison à Charleroi ?

J’espère déjà qu’il va la commencer.

Si on analyse le noyau, peut-on affirmer que Charleroi possède un des meilleurs entrejeux de Belgique ?

La force de Charleroi, c’est Charleroi. En bloc. Pas un secteur de jeu particulier. Mais c’est clair que c’est au milieu qu’il y a le plus de qualités. Que ce soit Camus, Christ, Oulmers, Smolders, Leiva, voire même Sergio. La saison passée, je n’ai pas vu meilleur entrejeu que le nôtre.

L’attaque n’a-t-elle pas pâti de la prépondérance de la ligne médiane ?

Charleroi n’a pas une équipe pour jouer en fonction d’un seul attaquant. Les médians sont des infiltreurs, capables de tirer de loin. Quand on enlève les buts de Sterchele au Germinal Beerschot ou ceux d’Ogunsoto à Westerlo, il ne reste rien. Chez nous, tout le monde a marqué.

Mais avec un Sterchele, Charleroi n’aurait-il pas fini européen ?

On possède les éléments pour marquer. Ils n’ont pas connu de réussite. Orlando a manqué de fraîcheur devant le but. Akpala est un vrai finisseur mais on n’a pas encore eu l’occasion de voir son véritable talent en action car il fut souvent blessé. Jovial et Ndri sont aussi d’un très bon niveau et il suffit qu’un de ces joueurs prenne de la confiance et on tient notre buteur.

Ce n’est quand même pas le même style que Sterchele…

C’est certain que quand on perd Sterchele ou Théréau, on en arrive à se dire qu’avec eux, on aurait pu terminer plus haut.

 » Les événements de la fin de saison passée m’avaient incité à partir  »

On sait que vous avez connu des rapports tendus avec le président suite au limogeage de Mathijssen. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Je n’ai jamais dit que je n’étais pas d’accord avec le limogeage de Mathijssen. Sur le fond, on ne peut pas reprocher à un président de se séparer de quelqu’un qui part dans le club concurrent. Par contre, je n’ai pas apprécié la façon dont cela s’est déroulé.

En gagnant vos quatre derniers matches, c’était en quelque sorte une façon de donner raison au président, non ?

Non. On voulait montrer que nous avions du caractère à un moment où il y avait du chahut dans les tribunes et des remous dans la presse.

Avez-vous pensé à un départ ?

Oui. Les événements de la fin de saison m’avaient incité à réfléchir à un départ. Sur le moment, à chaud, je me suis dit que j’avais 33 ans, que je restais sur trois bonnes saisons et que si j’avais l’opportunité de partir vers l’étranger, de vivre une belle expérience et de réaliser un bon coup financier, je le ferais.

Pourquoi ne pas l’avoir fait ?

Je suis revenu à d’autres sentiments. Les réactions à chaud ne sont pas les meilleures. Je ne partirai que le jour où je ne serai plus à l’aise dans ce club. Même si c’est pour aller en D2. Si je suis resté, c’est que je m’y sens encore bien. Je me suis dit aussi que j’étais dans un club familial, ambitieux et proche de ma maison. Je vois aussi que ceux qui sont partis ne sont pas plus heureux. Tout cela incite à réfléchir.

Est-ce que Mathijssen et Bruges vous ont approché ?

Non.

par stéphane vande velde

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