Réussir comme entraîneur

Globe-trotter du foot, il veut entraîner dans le sud.

« D’une minute à l’autre, la valise sera prête, direction le sud ; Muriel et les gosses ne demanderaient pas mieux, ils ont l’habitude. Un dixième déménagement en 15 ans, les Demol aiment l’aventure. Joy, quatorze ans, parle quatre langues (italien, français, anglais et néerlandais), Luka, onze ans, trois, et Jett, quatre ans, est à l’école francophone. Moi, je pratique en plus l’allemand et le portugais, et un peu l’espagnol « .

Vers l’Italie, le Portugal, la Suisse, la Grèce ou la France ? Il joua à Bologne, Porto, Braga, Lugano, Athènes, Toulouse et Toulon.

 » La Côte d’Azur est le rêve, nous avons logé près de deux ans dans une villa de Bandol. Le matin, on ouvrant la fenêtre sur la Grande Bleue, le soleil, les voiliers blancs… J’étais alors au SC Toulon, et parfois on s’offrait une bringue aux Iles des Embiez, juste en face, où logeait autrefois la douane française. On a envisagé de s’installer pour toujours à Toulon, j’avais acquis un terrain, mais le club a sombré financièrement, et le projet est tombé à l’eau. Mais j’en ai un autre : en novembre, j’investirai peut-être dans les environs de Toulouse. Un beau truc avec plusieurs chambres, pelouse, piscine… que j’habiterais ou louerais. On vient de passer nos vacances là-bas chez des amis. A Bologne, dans un vignoble, je possède un studio aménagé dans une grange, pittoresque. Le Grand Sud, il n’y a que ça…. Climat, chaleur humaine… Ces prochaines années, avec mon diplôme UEFA-pro, j’espère donc entraîner un club du Midi. Si possible en ville et proche d’une école internationale « .

En attendant, à 37 ans, il a d’abord aidé gratis Marc Wuyts à entraîner les Footballeurs sans Frontières, puis accepté le contrat d’un an et renouvelable de Denderleeuw. Objectif : la D1 en deux saisons.

Le sudiste de Beersel s’est toujours offert les managers qu’il fallait pour voyager, Joseph Jurion en Belgique et Luciano D’Onofrio vers l’étranger. Jusqu’à présent, comme entraîneur, le pot lui a manqué. En tête du tour final de D2 avec Turnhout en 2001, meilleure attaque (88 buts), il dut renoncer pour refus de licence et relégation en D3. Et en 2002, après un passage d’un an à Geel, il vécut la défenestration du FC Malinois, pour dépôt de bilan.

 » Regrettable, ça tournait, et l’entente avec Aad de Mos était parfaite. Il m’avait torpillé comme joueur lors d’un possible retour à Anderlecht en 1989, mais me concéda les pleins pouvoirs sportifs à Malines. J’ai su par la bande qu’il pestait parfois, mais ravalait son avis. Aujourd’hui, il se fait du gros pognon en Arabie. Czernia, devenu numéro 1 après mon départ, a été rétrogradé au rang d’adjoint, une vacherie « .

Les Diables Rouges

 » L’équipe nationale, c’est d’émouvants souvenirs, mais certains ne veulent retenir que mon 38e match et oublient les 37 autres. C’est vrai, j’ai été mauvais contre les Allemands, trois mauvaises passes pour débuter, et PaulVan Himst m’a logiquement remplacé. Je jouais alors au Standard, et trois semaines après, à Anderlecht, j’étais désigné meilleur homme sur le terrain. De mon avant-dernier match international, 0-3 en Hongrie, je garde une dent contre le baron Michel D’Hooghe. Il me critiquait alors que Van Himst et mes partenaires me félicitaient. Sur le moment, je n’ai pas su la fermer. Abattu, j’ai eu le sentiment que l’équipe nationale me laissait tomber. Ma vie sportive a basculé, c’est le début de la seconde partie de ma carrière, la moins bonne « .

La belle tranche démarra au FC Drogenbos où Stéphane joua cinq saisons. Son oncle Constant Teghem (ex-Uccle Sport), entraîneur des jeunes, le signala à Willy Erroelen (de la famille de l’ex-international Dorre Erroelen), actif à Anderlecht.

 » Au Sporting, de Cadet à Junior, j’ai eu le meilleur entraîneur de toute ma carrière, Pierre Hanon. Oui, de toute ma carrière. A 18 ans, après mon diplôme en latin-maths, Aimé Anthuenis proposa à mon père de me prendre à Lokeren et de payer mes études d’ingénieur commercial à Solvay ! Capitaine des UEFA du Sporting et des nationaux, je venais juste d’être désigné numéro 1 d’un tournoi français. Van Himst insista auprès de la direction : -Il doit rester chez nous.

-Alors comme pro, trancha mon père…

Au secrétariat me fut proposé un contrat de quatre ans… -Et on en fera un grand !, précisa Michel Verschueren.

-Oui, mais s’il ne joue pas en équipe I dans un an, je l’inscris à Solvay, répondit mon père.

On signa pour une saison. Et, au Sporting, il en fut toujours ainsi par la suite. Le président Constant Vanden Stock, un Monsieur que je respecte, n’appréciait pas. Deux raisons m’incitaient à refuser un contrat de trois ou quatre saisons : un désaccord financier sur le long terme, et, sans doute, déjà, un goût d’aventure. J’ai eu quatre entraîneurs : Van Himst, Haan, Leekens et Goethals. Et 85-86 fut du tonnerre : je marque le but décisif en test-match pour le titre à Bruges, 1-1 au Sporting, et 2-2, et je m’impose dans les duels au couteau avec Dieter Hoeness du Bayern en Coupe des Champions. Un regret : en demis, face au Steaua Bucarest, on a mal géré là-bas, en cause un problème entre Haan et Vandenbergh, et l’évacuation, en match, de Lozano, blessé à l’épaule. Au Mexique, j’ai su continuer à tourner à plein régime avec cette incroyable quatrième place des Diables. Le troisième titre consécutif, en 86-87, fut l’oeuvre d’une équipe remodelée et moins convaincante, sans Olsen, Peruzovic, Vandereycken et Vandenbergh, et avec Van Tiggelen et Krncevic. Pour moi, un titre un peu amer, car au 33e match, contre La Gantoise, mes tendons du grand fessier ont claqué. Huit mois d’inactivité et une agaçante rumeur, j’aurais trop fêté le Mundial. On a fêté, mais sans exagérer « .

87-88 fut donc maigre pour le Beerselois, huit matches seulement, mais le succès en Coupe. Pas très heureux, suite à un différend sur une voiture promise, il le laissa entendre au cours du banquet au Comme chez soi.

VDS leva un sourcil, lui fit la leçon, en aparté, mais indiqua qu’il voulait le garder. Mais la concurrence pointait : Stuttgart, dirigé par Arie Haan, Bologne et Bergame, contactés par Vandereycken, ex-FC Gênes. Pas d’arrêt Bosman à l’époque, mais la règle du quota : Stef valait deux millions de francs suisses (50 belges). Les Allemands en proposèrent 35, refus de VDS, et les Italiens 50.

 » J’ai signé pour quatre ans à Bologne. Un an plus tard, le quota changea et Grün rejoignit Parme pour 75. Bologne est belle, ambiance, pâtes vertes… J’y garde des amis. Entre le président Carioni et moi, ça marchait. Je me souviens d’un dialogue mi-sérieux, mi-comique au téléphone : en stage, resté seul à l’hôtel, les autres étaient à la messe, je réceptionne le président : – Pronto… je suis seul, signore presidente

-Vous n’êtes pas à la messe ?

-Pas dans mes convictions, presidente…

-Mais chacun doit aller à la messe Stefano…

-Je ne changerai pas, presidente. On n’est pas catholique dans la famille, pas de mariage à l’église et pas d’enfants baptisés.

Mon seul problème à Bologne, c’était l’entraîneur Maifredi, très coté à l’époque. Il disposait de trois étrangers mais ne cachait pas sa préférence pour onze Italiens. Il m’a pourtant souvent aligné, mais rarement les deux autres. Assez crispant. Lorsque le président sut que l’année suivante, Maifredi irait à La Juve, il proposa de me louer une saison à un club de mon choix et de revenir après un an « .

Meilleur joueur du Portugal

 » Monsieur Vanden Stock m’avait dit que je restais le bienvenu. Au Heysel, côte à côte aux toilettes, on évoqua même une location, mais Porto, via D’Onofrio, fit une offre à titre définitif. Quitter l’Italie ne m’emballait pas, mais le standing européen de Porto m’impressionnait. Moins intéressant pour le portefeuille, mais quelle saison ! Anderlecht 85-86 et Porto 89-90 furent supers.

L’entraîneur, l’ex-international et médecin Artur Jorge, entraînait avec beaucoup de rigueur, et les nombreux Brésiliens souffraient. J’ai eu deux grandes satisfactions : le titre et la distinction de meilleur étranger devant Branco, mon partenaire en défense centrale, Madjer, Valdo, Ricardo et Magnusson. Et pourtant, j’ai quitté, contre l’avis de la direction. Après leur récent triplé titre-coupe-coupe UEFA, j’ai été invité aux festivités. Il y a une dizaine d’années, en froid avec le Standard, j’ai pu m’entraîner une semaine là-bas avec le noyau. Pour rapprocher la petite famille de Beersel j’ai signé pour trois ans avec Cologne. Mais, contre-ordre, Christoph Daum fut confronté à un problème d’arrière gauche et engagea Henrik Andersen, mon ex-partenaire du Sporting. Je n’entrais plus dans le budget, et j’ai simplement déchiré le contrat « .

Très vite, le Toulouse FC lui fit un clin d’£il très appuyé,  » le plus gros contrat de ma carrière. Le Téfécé était très ambitieux et misait sur la puissance financière des laboratoires Fabre pour s’offrir aussi deux internationaux français, Ginola et Colleter. Ils ne vinrent pas, Fabre s’étant désisté. Bref, j’étais embarqué dans une équipe très moyenne. J’ai eu de graves soucis cette saison-là, un de mes frères souffrait de leucémie, et une blessure à l’aine m’a stoppé. J’ai repris, mais pas à 100 %, joué Galles-Belgique, et forcé contre les Marseillais de Goethals. De plus, la faillite menaçait, et il fut demandé aux deux plus gros salaires, l’Argentin Beto Marcico et moi, de chercher ailleurs. Beto a rejoint Boca Junior, et moi j’ai reçu un coup de fil de Jurion…

-Joue encore un match et viens à Knokke, je t’y attends avec le président Vanden Stock, c’est dans la poche.

La réunion n’a pas eu lieu, Aad de Mos s’était opposé. Contesté par Nilis et Degryse, il craignait, peut-être, que je prenne parti. Quelques semaines plus tôt, il m’avait ouvert le vestiaire, en disant à Vervoort : -Ton copain va revenir, et à Keshi : -C’est ton futur partenaire. Jurion a aussitôt téléphoné au Standard, et l’Espanyol Barcelone s’est manifesté. Sur le conseil de Jurion et de Van Himst j’ai choisi le Standard pour faciliter ma carrière en équipe nationale « .

Au Standard pour apprendre

En deux saisons, de 91 à 93, Stef et le Brésilien André Cruz, alternant leurs montées, style Koeman-Rijkaard, formèrent un duo central de niveau européen. Il apparut 55 fois en championnat et six fois en Coupe d’Europe,  » mais le ménage foirait, et je sentis qu’un petit voyage à l’étranger le remettrait d’aplomb. A la trêve hivernale 92, Henrotay me présenta un nouveau contrat de deux ans, mais je n’ouvris pas l’enveloppe. Une proposition du Servette Genève, entraîné par Michel Renquin, me tentait. Mais Michel a été viré, et comme j’avais refusé de discuter, je suis entré en conflit avec le Standard. J’étais soi-disant opposé à Bodart et Wilmots, mais sur le plan professionnel, tout était correct. Démotivé, j’ai fait des conneries et je n’étais plus à hauteur, je le reconnais. J’en ai tiré des leçons, au profit de ma carrière d’entraîneur, j’en suis sûr. La suite se passa dans une taverne près du Heysel où Fenerbahçe me mit un fameux contrat sur la table mais refusa le prix du Standard. Pas encore d’arrêt Bosman, à ce moment-là. J’ai râlé encore plus, lorsqu’après un test d’une semaine réussi à Dundee, le président Duchêne et Henrotay me bloquèrent à nouveau. Ces deux-là, c’est peu dire que je leur en veux. Finalement, j’ai été prêté six mois au Cercle de Bruges de Leekens. Un noyau valable avec les Roumains Munteanu et Selymes et le Yougo Weber. Je suis reparti au Portugal, à Braga, à 40 bornes de Porto, où nous logions. Une nouvelle blessure à l’aine m’a écarté six mois, et en bout de saison, impossible, bien sûr, de renouveler le contrat. J’ai quitté à regret. Un restaurateur grec de Molenbeek, Moucas, m’a casé au Panionios Athènes. Cette chaleur… Mais bon, j’étais heureux de manoeuvrer comme médian offensif. Un gros problème pourtant, pas de paie en octobre et novembre, et, en décembre, j’ai dit adieu. A mes frais, l’avion, la voiture sur le bateau… Ce transfert m’a coûté de l’argent. Olympiakos a fait signe, mais, le dernier jour, le contrat a fondu de moitié. Deux transferts la même saison étant anti-réglementaires, j’ai stoppé six mois, et repris en amateur, en corpo Brabant, à Lamme Gisj, et au SK Hal. Un entraîneur-kiné personnel, Pierrot Devroede, m’a raboté de 13 kilos ! C’était en 96, et, à 30 ans en super condition pour m’engager à Lugano, en Suisse italienne. Un contrat spécial m’était promis pour une place dans six premiers. Vivre au bord du lac, c’est très bien, mais Toulon, sur la Méditerranée, c’est encore mieux… Sur mon insistance, j’étais capitaine, Patrick Vervoort m’a rejoint à Toulon. Mais Toulon a sombré, plus de picaillons. J’ai encore disputé quelques matches en D2 avec Denderleeuw, puis avec Hal, mais je ne me sentais pas bien dans ma peau de joueur amateur. Maintenant, je veux réussir comme entraîneur. Tiens, regarde « …

Il étale un dossier informatisé sur la table, tous les joueurs de Denderleeuw y sont disséqués quotidiennement de A à Z. Du travail sérieux.n

 » Je garde une dent contre Michel D’Hooghe « 

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