RETOUR SUR TERRE

Premier trophée pour le Standard avec le Soulier d’Or… et première défaite de l’année à domicile contre Zulte Waregem. Comment capitaliser les succès ?

On aurait pu vivre une semaine historique en bord de Meuse. De celles que l’on savoure tranquillement sans se poser de questions. Le club venait de retrouver l’atmosphère de strass et de paillettes. Après avoir vécu, durant de trop longues saisons, le couronnement des autres, le Standard occupait enfin le devant de la scène. Pourtant, la fête fut gâchée par la victoire de Zulte Waregem sur la pelouse de Sclessin, lors de la reprise.

Jeudi, tout le monde avait juré ses grands dieux que l’on ne fêterait pas le sacre de Sergio Conceiçao au Soulier d’Or.  » Il n’y a aucune festivité prévue « , affirmait le Portugais.  » Ce n’est pas le moment. Tout le groupe devra lever son verre à un moment ou à un autre mais pas maintenant. On doit se focaliser sur nos deux matches de la semaine « .

Force est de constater que pour une fois, le capitaine n’a pas été entendu. Contre Zulte Waregem, le Standard a peiné dans tous les secteurs du jeu. La vitesse était dans le camp des Flandriens. En plongeant dans les espaces et en étant constamment premiers sur le ballon, ils poussaient les Standardmen à la faute. Les sociétaires de Sclessin ont, de ce fait, encore accumulé cinq cartons jaunes.  » Ils ont joué beaucoup mieux que nous « , lâchait Almani Moreira.

 » Tout avait été fait pour que les joueurs soient au top « , analysait Michel Preud’homme,  » Le stage avait été bien organisé mais on a vu beaucoup trop de longs ballons alors que du côté de Zulte Waregem, il y avait sans cesse cinq joueurs pour proposer des solutions offensives à chaque fois qu’ils récupéraient le cuir. Ils étaient bien organisés et laissaient peu d’espace « .

Pas de répondant physique

Difficile d’admettre cependant que certains joueurs soient déjà émoussés alors que le championnat vient à peine de reprendre. Certes, les superbes pelouses du Portugal, où le club a effectué son stage, ne ressemblaient pas au terrain déplorable de samedi mais comment expliquer le manque de répondant physique des Liégeois ?

On a donné des buts à l’adversaire mais j’avais quand même l’impression qu’ils étaient plus frais que nous « , osa dire Karel Geraerts,  » Je ne peux pas expliquer pourquoi, on avait les jambes lourdes. Peut-être à cause des circonstances de match… On revient à 1-1 et dans la minute qui suit, on encaisse un autre but. Cela nous a sans doute coupé les jambes « . Et dire que l’accent avait été porté sur le physique durant tout le stage au point que Vedran Runje fulminait à l’issue de la rencontre :  » On a misé sur la préparation physique. Maintenant, on doit un peu jouer au ballon… « .

Quant à l’entraîneur Dominique D’Onofrio, il concluait :  » Certains se plaignent de jambes lourdes ? Ce sont des excuses superflues dans des circonstances pareilles. Quand on joue de cette façon, je ne comprends pas comment on ose dire de telles choses. C’est vrai que l’on voit que nos adversaires ont couru beaucoup plus que nous et à ceux qui ont manqué de fraîcheur, il faut peut-être leur demander ce qu’ils font après le football ? « .

Paroles de déception d’un homme qui n’a jamais manqué de défendre ses hommes mais paroles justes. La réception du Soulier d’Or a-t-elle été fêtée moins sobrement qu’annoncée ? Ce groupe a- t-il une conduite aussi professionnelle que celle requise pour aller cueillir le titre de champion ?

Enfin, le match de samedi a également mis en lumière les lacunes tactiques de ce noyau. Francky Dury, le mentor de Zulte, expliquait avoir choisi un système de blocage des flancs en attachant Stijn Minne et Stijn Meert à la surveillance de Conceiçao ainsi que Frederic Dupré et Nathan D’Haemers à celle de Milan Rapaic. Or, une fois que les flancs furent mis sous l’éteignoir, le Standard a cruellement manqué d’inspiration. Ne fallait-il pas revoir ses batteries en recentrant Conceiçao par exemple ?

L’apport de Christian Negouai fut également discutable. Mal positionné sur le terrain, approximatif à la relance, il est pourtant demeuré sur le terrain pendant 90 minutes. Or, comme Geraerts n’était pas non plus dans un grand jour, la charnière centrale du milieu de terrain n’a offert aucune solution offensive. Seul finalement Moreira, dans un drôle de rôle d’homme libre, a apporté du mouvement mais pas davantage d’ouverture.  » Il va falloir tirer des conclusions. Nous avons été dominés dans tous les secteurs de jeu et par moments, on jouait un peu trop à la baballe. Même si on doit parler de faillite collective, on peut souligner que nous n’avons pas réussi à construire dans la ligne médiane. On n’a jamais su enchaîner quatre passes décisives « , avouait D’Onofrio.

Au niveau de la défense également, des précisions devront être apportées. A l’issue du match, Eric Deflandre se félicitait sur les ondes de la RTBF radio du nombre élevé de fois que la défense a pris les hommes de Dury au piège du hors jeu. Or, au même moment, son entraîneur martelait qu’il n’avait jamais été question de pratiquer ce jeu-là.  » Ce n’était pas prévu d’essayer de mettre hors jeu les attaquants adverses. Je ne préconise jamais cette approche d’une défense en ligne. Jouer le hors jeu sur un seul ou deux attaquants, c’est faisable mais cela devient beaucoup plus difficile quand il y a sans cesse des appels de la ligne médiane « .

Mais pourquoi ne pas avoir recadré ses troupes à la mi-temps ? Et qui a pris la décision de disputer le hors jeu ? Jorge Costa, qui ne fut certainement pas le moins méritant, a déjà montré qu’il commandait la ligne arrière.  » Je ne sais pas si c’est lui ou Philippe Léonard qui a pris l’initiative au vu des circonstances mais bon « , concluait D’Onofrio. Il faudra en tout cas résoudre ce problème de friture sur la ligne.

Nouveau standing = pression

A la question de savoir ce que le Soulier d’Or pouvait apporter au Standard, une ébauche de réponse a été donnée dès samedi : de la pression.  » Cette équipe a trusté tous les prix en semaine et elle les méritait. Je ne vous parle pas alors de la motivation de mes joueurs de rencontrer cette formation et de prouver quelque chose contre le Standard « , expliquait Dury qui n’a jamais fermé le jeu.  » Lors des prochaines sorties, le Standard sera en plus confronté à des clubs qui bétonneront devant leur but. Il faudra à ce moment-là se montrer patient « .

Nul ne doute de la qualité du noyau mais la maturité fait défaut à certains moments cruciaux. Les Liégeois avaient déjà cette forte propension à rater le coche la saison passée. La régularité n’était plus en question puisque le deuxième tour avait démontré que les hommes de Dominique D’Onofrio savaient répondre présent, semaine après semaine mais c’est quand il fallait conclure que les jambes de footballeurs pourtant chevronnés commençaient à trembloter. Au bout du compte, il y eut une qualification européenne manquée.

 » A chaque fois que l’on peut franchir un palier, on faillit à la tâche « , pouvait-on entendre dire la saison passée. Les vieux démons sont-ils en train de ressurgir ? A force de sueur et de travail mental, les Rouches avaient scellé 2005 de leur empreinte en étant l’équipe ayant pris le plus de points au cours de l’année civile. Le jury du Soulier d’Or ne s’y trompait pas en récompensant Conceiçao, premier joueur liégeois à se chausser d’or depuis Eric Gerets, il y a déjà 23 ans. Mais, le Standard marquait définitivement la cérémonie ostendaise en raflant cinq places dans le onze de base de l’année. Vedran Runje, Ogushi Onyewu, Karel Geraerts et Mémé Tchité s’ajoutaient au Portugais.

Est-ce dire que le Standard avait enfin franchi ce palier en décrochant son premier trophée depuis la Coupe de Belgique de 1993 ?  » Cela prouve que le Standard commence à compter sur l’échiquier « , expliquait Preud’homme.  » Certes, il s’agit d’un premier trophée individuel mais il rejaillit sur tout club « . A l’issue de la soirée du Soulier d’Or, le Standard avait le triomphe modeste mais heureux. Ce club qui se plaisait à jouer les victimes doit enfin reconnaître que, quand les résultats suivent, les récompenses ne sont jamais loin.  » C’est vrai que j’ai l’impression que cette soirée nous a apporté une reconnaissance « , ajoute Preud’homme,  » Désormais, le monde extérieur nous considère et que ce soit au niveau sportif ou à celui des dirigeants où je m’occupe de plus en plus de dossiers, on commence à nous écouter « .

L’image du Standard a donc évolué. Petit à petit car depuis 23 ans, les Liégeois nous ont habitués à bien des désillusions. La défaite de samedi en est une de plus. A domicile, face à Zulte Waregem, le seul mot d’ordre était de gagner. Les supporters avaient rallié Sclessin en masse pour honorer Conceiçao. L’ambiance était à la fête mais les joueurs n’ont rien montré face aux promus. Avant la rencontre, Preud’homme lâchait qu’après une récompense, il n’y avait qu’une façon de travailler.  » Quand on est meurtri, il faut transformer l’énergie négative en énergie positive. Une fois qu’on y est parvenu, il faut savoir canaliser cette énergie positive « . Cela, le Standard n’est pas encore parvenu à le faire et si le club est toujours en tête, il ne le doit qu’à la faiblesse répétée de ses adversaires.

Popularité flamande

Néanmoins, le Standard est toujours leader du championnat et doit maintenant être à la hauteur de ses nouvelles ambitions. Le Soulier d’Or a changé la donne. Au niveau commercial d’abord. Même si la direction refuse de l’admettre, le sacre du Portugais aura certaines répercussions. Un maillot garni de la griffe du médian droit se vend déjà 70 euros. Samedi, un sponsor promettait le ballon du match dédicacé par Conceiçao. La machine est en route et du côté des terrils liégeois, on compte bien capitaliser ce premier succès.

La popularité du club n’a jamais été remise en question mais elle s’accroît. Le nombre d’abonnés a dépassé la barre des 16.000, nouveau record. Mais il n’y a pas qu’en Wallonie que cela se ressent. On pouvait se demander si le Soulier d’Or, organisé par un journal flamand, n’allait pas préférer sacrer un joueur de Bruges, champion de Belgique ou d’Anderlecht, clubs ayant davantage la cote au nord du pays. Un sondage organisé par le Het Laatste Nieuws le jour du scrutin avait déjà donné le ton. 45 % des lecteurs du journal plébiscitaient le Portugais contre seulement 20 % de votes en faveur de Christian Wilhelmsson.

 » La victoire de Conceiçao ne constitue pas du tout une surprise pour les Flamands « , explique Rudy Nuyens, journaliste du Het Laatste Nieuws.  » Il a joué un rôle important dans le second tour de son équipe et il a continué sur sa lancée cette saison. Pourtant, la personnalité du joueur prête à controverse. Cela se voit beaucoup dans la rubrique des lecteurs. Il n’évoque jamais du gris. Avec lui, c’est blanc ou noir. On l’aime ou on le déteste. S’il n’avait pas gagné, c’est certain que son caractère et son importance dans l’échec européen (en ratant un penalty contre Ostende et en étant suspendu pour le retour du test match de Genk) auraient joué un rôle. Il n’a d’ailleurs pas pris tellement de points au premier tour mais on juge avant tout les qualités footballistiques. Conceiçao emmène tout son club dans son sillage. J’espère que l’on est en train de vivre le retour du Standard au premier plan car on aurait enfin une formation capable de rivaliser avec Bruges et Anderlecht. Auparavant, en Flandre, le Standard avait un peu une image de rigolo. Maintenant, il acquiert une étiquette plus sérieuse. On avait l’impression que l’intérêt de nos lecteurs pour le Standard s’était estompé mais, là, on constate un retour en force depuis l’an passé. Beaucoup de gens reviennent sur les prestations des Liégeois dans nos colonnes. L’image du Standard au nord du pays est assez surprenante. Je trouve remarquable le nombre de bus de supporters flamands qui rallient Liège. Pas seulement du Limbourg mais également de Flandre occidentale ou orientale, dans des régions où on soutient Bruges ou Gand. Cela veut dire quelque chose. Pourtant, même si le Soulier d’Or va donner beaucoup de confiance aux joueurs, il va falloir confirmer et c’est là que se situe le problème du Standard « .

Gérer le succès

Le Standard devra apprendre à gérer le succès. Herman Van Holsbeeck, le manager d’Anderlecht, qui avait décroché les deux précédents trophées via Aruna Dindane et Vincent Kompany, sait de quoi il parle :  » C’est certain que cette distinction a un impact sur l’image du club. Que ce soit au niveau médiatique ou commercial. Les sponsors nous courtisent pour effectuer toute une série d’actions avec le lauréat mais cela comporte certains risques. Le vainqueur est parfois tellement sollicité que ses prestations sportives en pâtissent comme ce fut le cas avec Aruna. C’est toujours un honneur pour un club de compter le Soulier d’Or dans ses rangs mais il faut savoir l’entourer. On voit que le Standard essaie de revenir dans le sillage d’Anderlecht et de Bruges. Ils mettent sur pied une belle équipe et on sait qu’il va falloir compter avec eux jusqu’au bout. Cependant, le Soulier d’Or, cela reste un extra. L’année passée, nous avions également raflé tous les prix individuels mais au bout du compte, nous n’avions pas réussi à décrocher le titre de champion de Belgique. Or, c’est quand même cela le plus important ! « .

En cela, il rejoint le capitaine des Rouches, Conceiçao :  » C’est un motif d’orgueil et de grande satisfaction pour moi mais cela me donne encore plus de responsabilité. Je suis conscient de rentrer dans l’histoire du club mais je préfère y demeurer en y remportant le titre de champion « .

STÉPHANE VANDE VELDE

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