RETOUR en grâce

Longtemps considéré comme une épreuve de seconde zone, le contre-la-montre par équipes sera promu dimanche au rang qu’il mérite avec l’organisation d’un premier championnat du monde professionnel. Mode d’emploi en quatre questions.

Championnat du monde par équipes : une première ?

Oui. Pour les professionnels, du moins car aux JO de 1960, des équipes nationales amateurs s’étaient affrontées. La discipline figurera encore au programme de 8 olympiades et de 27 championnats du monde. Après 1994, elle disparaît de la circulation. En 2005, l’UCI tente de relancer le chrono par équipes avec une manche du Pro Tour à Eindhoven mais elle disparaît du calendrier après 2007 faute de sponsor. En la plaçant au menu des championnats du monde, l’UCI évite ce genre de problème et entend  » apporter une plus-value au spectacle proposé « .

Exit les teams de 4 coureurs amateurs pendant 100km et place à 6 équipes de pros sur 53,2 km, en partie sur le circuit utilisé pour les championnats du monde individuels.

Un parcours difficile (525 mètres de dénivelé) et technique, avec des descentes sinueuses et le Cauberg pour terminer. Ça ne plaît d’ailleurs pas à beaucoup d’équipes.  » Pourquoi n’organise-t-on pas cela sur un circuit plat avec beaucoup de lignes droites ? « , se demande Patrick Lefevere, manager d’Omega Pharma – Quick Step.  » S’il pleut, il y aura des chutes. Et ce sera même dangereux par temps sec, même si le risque est moins grand avec 6 coureurs qu’avec 8 ou 9.  »

Qui cela intéresse-t-il ?

Bien que l’UCI affirme qu’elle a pris la décision de relancer le championnat du monde par équipes seule, il est clair que les managers ont fait pression. Lefevere se plaint depuis des années de la formule d’une course en ligne par équipes nationales surtout parce que, pour les sponsors, le retour publicitaire d’un championnat du monde est moins attractif. Un mondial par équipes commerciales reste néanmoins exclu. Cette nouvelle épreuve fait la joie des fabricants de vélo : cela constitue une belle occasion de lancer du matériel dernier cri.

 » Dans un sport où le travail collectif est mis en exergue, le premier titre de champion du monde par équipes sera aussi une question de prestige « , estime Lefevere. Toutefois, les vainqueurs ne pourront pas porter le maillot arc-en-ciel lors des contre-la-montre par équipes la saison prochaine. L’UCI autorisera seulement un  » symbole spécifique  » sur les maillots et les voitures parce que les 6 coureurs champions ne participeront pas nécessairement aux mêmes courses et dans les épreuves c-l-m par équipes normales, ils seront huit ou neuf par équipe.

Niveau publicitaire,  » un championnat du monde contre-la-montre par équipes a un gros potentiel mais on va voir quelle importance les médias, les chaînes de télévision et les téléspectateurs vont lui accorder. Il faudra deux ou trois éditions pour tirer les conclusions « , estime Philiep Caryn, PR-manager chez Quick Step.

L’épreuve rapportera 200 points pour le World Tour pour une victoire, soit autant que pour le vainqueur final du Tour de France. Un aspect non négligeable à une époque où chaque point compte. Les équipes ont eu l’occasion d’effectuer l’une ou l’autre répétition. En 2012, neuf team trials ont été organisés dans les courses à étapes les plus importantes. On n’en avait plus vu autant depuis quinze ans.

Qui sont les favoris ?

Garmin-Sharp et Orica-GreenEdge sont les grands favoris. Garmin a engagé Sébastien Rosseleer en vue de ces championnats et compte également sur David Millar, David Zabriskie, Ramunas Navardauskas, Christian Vande Velde et Johan Vansummeren. Orica-GreenEdge se présentera avec des fonceurs comme Luke Durbrigde, Svein Tuft, Jens Mouris et Jack Bobridge.

Garmin-Sharp présente le plus beau palmarès : 36 c-l-m par équipes ces 5 dernières années.

Liquigas (4 victoires et 4 deuxièmes places) et Quick-Step (2 victoires et 4 deuxièmes places) ne se sont pas mal débrouillés non plus.

Cette année, avec l’arrivée du champion du monde Tony Martin, l’équipe de Patrick Lefevere s’est concentrée sur les rouleurs : Dario Cataldo, Sylvain Chavanel, Kristof Vandewalle, Peter Veltis et Martin sont tous champion national contre-la-montre.

BMC, Katusha, Team Sky et Rabobank comptent une seule victoire chacune dans les contre-la-montre. RadioShack-Nissan n’a même jamais gagné alors qu’en son temps, l’équipe US Postal/Discovery Channel de Johan Bruyneel, emmenée par Lance Armstrong, faisait figure d’épouvantail dans cette discipline. Et sans Fabian Cancellara, il est peu probable que RadioShack s’impose dimanche.

Il y a de fortes chances que le suspense soit au rendez-vous car les grandes équipes se tiennent de très près. Si on tient compte des 36 épreuves disputées depuis 2008, l’avance moyenne des vainqueurs n’est que de 8,36 secondes. A la nuance près que la distance moyenne n’était que de 16,7 km contre 53,2 km cette fois.

Quelles qualités faut-il pour l’emporter ?

Il faut tirer le maximum du potentiel de chaque coureur en veillant à ce que personne ne s’épuise. Six coureurs moyens iront plus loin qu’une star, deux bons rouleurs et trois moins forts. Si quelqu’un est au-dessus du lot, il ne doit pas rouler trop vite – sans quoi il tue ses équipiers – mais rester plus longtemps devant.

Aucune autre discipline n’accorde autant d’importance aux détails, au perfectionnisme et à la préparation parce que les écarts de temps sont minimes. Chez Garmin-Sharp, avant chaque c-l-m par équipes, Robby Ketchell demande aux stations météo des environs des informations sur la pression atmosphérique ainsi que la direction et la vitesse du vent des trente dernières années (!) afin de pouvoir déterminer de la façon la plus précise possible quelle influence le vent aura sur son équipe. Il introduit alors ces données avec celles du parcours, de la résistance au sol, de l’énergie, du poids, de la taille, de la puissance de ses coureurs dans un algorithme savant qui, selon lui, permet d’effectuer des choix cruciaux en matière de matériel (boyaux, roues, pédaliers) et de vêtements (combinaisons aérodynamiques). L’Américain affirme même pouvoir déterminer à quelques secondes près le temps de son équipe.

L’ordre des coureurs est aussi essentiel car cela optimise les relais en tête et les coureurs les plus faibles parviennent à suivre dans les roues. Une chose est certaine : dans aucune autre épreuve, les cyclistes ne repoussent autant leurs limites. Et, sauf chute, c’est toujours la meilleure équipe qui gagne.

PAR JONAS CRETEUR – PHOTO: TIM DE WAELE

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