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Bruno Govers

Kristoffer Andersen (20 ans) a beau jouer au FC Brussels, il n’en est pas moins toujours domicilié à Eupen, à 140 bornes de la capitale. C’est dans cette ville de 17.000 âmes, sise au c£ur de la région germanophone du pays, que les siens s’étaient établis en 1990. Son père, Henrik, international danois, venait de troquer le maillot du RSCA contre celui du FC Cologne.

Henrik Andersen : J’avais 25 ans et ne savais trop ce que le football allait me réserver puisque j’étais encore à un stade précoce de ma carrière. Kristoffer allait avoir cinq ans et avait joui jusqu’alors d’une éducation bilingue : française avec mon ex-épouse, Fabienne, et danoise avec moi. Afin de ne pas lui imposer en bas âge une troisième langue, l’allemand en l’occurrence, nous avions à c£ur qu’il poursuive sa scolarité en Belgique et c’est la raison pour laquelle Eupen fut notre point de chute. Près de deux décennies plus tard, j’y réside toujours. En ma qualité d’agent de joueurs, l’endroit est, il est vrai, on ne peut plus stratégique. Dans un rayon de 150 kilomè-tres se trouvent une trentaine de clubs des compétitions belge, hollandaise et allemande. En matière de transports, j’ai l’embarras du choix aussi avec les aéroports de Maastricht, Eindhoven, Düsseldorf, Cologne, Liège ou Zaventem.

Kristoffer Andersen : J’ai accompli toutes mes études au Collège Père Damien de la ville, où les trois-quarts des élèves étaient germanophones. Les francophones, eux, mettaient plutôt le cap sur Verviers ou sur Welkenraedt s’ils désiraient un enseignement exclusivement en langue française. Je me suis enrichi au contact de garçons parlant une autre langue. Même si tout n’était pas nécessairement rose tous les jours entre nous. A la cour de récréation, les matches opposaient toujours les joueurs des deux communautés. Et on se rentrait dans le lard (il rit). Mais c’était bon enfant par rapport au climat qui régnait lorsqu’une équipe des cantons était opposée à une formation de la province. Dans ce cas de figure, les insultes pleuvaient. Combien de fois n’ai-je pas entendu crier  » Sale Boche  » autour des terrains. Je me souviens d’un match où, avec les cadets du FC Eupen, nous avions été appelés à donner la réplique à nos homologues d’Andrimont. Nous l’avions emporté 5-2 et, à la fin de la rencontre, des parents et des supporters de joueurs adverses n’avaient pas hésité à sauter de la terrasse surplombant le terrain pour régler leurs comptes. J’en ai encore la chair de poule.

FC et AS Eupen

Henrik : J’avais le choix : affilier Kristoffer chez les Diablotins de l’AS Eupen, dont la Première jouait en D3 ou l’inscrire au FC local dont l’équipe représentative évoluait en P3 (il rit). J’ai opté pour l’entité la plus modeste et je ne m’en suis jamais plaint car, sous la direction avisée de Heinz Koch, coordinateur des jeunes là-bas, le blé en herbe a réellement bénéficié d’une éducation footballistique idéale. D’ailleurs, lors des derbies contre l’AS, c’était toujours le FC qui avait le dernier mot. En Préminimes, j’ai notamment souvenance d’une victoire par 8-1 au cours de laquelle Kristoffer avait pris tous les buts à son compte. Certains de ses compagnons d’âge ont d’ailleurs fait, eux aussi, leur chemin dans le monde du ballon rond : Jérôme Maussen, actif à La Calamine aujourd’hui ou encore Sébastien Aritz qui défend les couleurs des promotionnaires de Malmédy.

Kristoffer : En Cadets Provinciaux, j’ai été entraîné par mon père et ce fut une saison mémorable, nous avions remporté 25 de nos 26 matches. Notre seul revers, nous l’avions concédé face au CS Verviers sur une aire de jeu complètement gelée. Au bout de cette campagne, le Standard avait tenu à disputer un match amical face à nous, qui faisions figure d’épouvantails dans la province. Les Rouches s’étaient imposés 5-2 en alignant ce qu’ils comptaient de meilleur. J’ai passé pas mal de bon temps durant mes années eupennoises. Sur le terrain mais également dans la vie de tous les jours. Contrairement à l’AS, le FC Eupen avait son propre char, par exemple, lors du carnaval de la ville, le 11 novembre. Mais la situation va peut-être changer cette année car la rumeur veut que Manfred Theissen, le manager de l’AS sera Prince carnaval cette année.

Henrik : Au même titre que Kristoffer, qui est passé par après dans les rangs de l’AS Eupen, j’ai aussi connu ces deux clubs puisque j’ai terminé ma trajectoire sportive au Kehrweg. C’était en 2002. L’année précédente, j’avais repris le collier avec la Réserve, tant bien que mal. Au bout d’un an, le coach, Claudy Chauveheid, m’encouragea à progresser d’un échelon encore. Je dois avoir livré une demi-douzaine de rencontres à 25 % de mes moyens pendant cet exercice. Je comptais à peine 35 printemps mais mon corps ne voulait plus. Il était usé. Surtout les genoux. J’en garde toujours les séquelles aujourd’hui ; s’accroupir est un véritable calvaire.

Kristoffer : Entendu que 20 ans à peine nous séparent, j’aurais espéré un jour pouvoir jouer dans la même équipe que mon père, à l’image de ce qui était arrivé avec son ancien coéquipier anderlechtois, Arnor Gudjohnsen, qui a évolué à un moment donné au côté de son fils, Eidur. Malheureusement, on s’est loupés de très peu. Cela ne m’a toutefois pas empêché de vivre du bon temps à l’AS. Chaque fois que l’occasion se présente, je vais assister aux matches de l’équipe fanion où se distinguent des joueurs que j’ai côtoyés en catégories d’âge du Standard comme Maxime Baijot ou encore Olivier Vinamont.

Le Brussels plutôt que Bochum

Henrik : A un moment donné, Kristoffer avait fait le tour du propriétaire à l’AS Eupen. Il était temps de lui trouver une nouvelle orientation pour qu’il poursuive sa progression. Le Vfl Bochum était désireux de l’embrigader mais j’ai préféré le caser au FC Brussels. D’une part, le football allemand était trop poussé, à tous niveaux, pour un gamin de son âge. D’autre part, le travail réalisé par l’entraîneur Albert Cartier avec la jeune classe louviéroise avait de quoi séduire. Lui et moi sommes d’ailleurs de vieilles connaissances. Je n’ai pas manqué de lui rappeler, en tout cas, qu’à l’époque où il portait encore les couleurs du FC Metz, je l’ai rencontré avec Anderlecht au premier tour de la Coupe de l’UEFA en 1988-89. Résultats : 1-3 en Lorraine et 2-0 au Parc Astrid. Je lui ai rappelé qu’au stade Saint-Symphorien, Edi Krncevic avait pris le meilleur sur lui, inscrivant deux buts au passage, sur mes centres (il rit).

Kristoffer : Cartier est réellement l’homme de la situation au FC Brussels. Tout le monde, sans exception, y trouve son compte avec lui : les routiniers, qui vieillissent tous plutôt bien, mais aussi les jeunes, comme moi, qui découvrons tous les jours du neuf sous sa coupe. Mon seul regret, pour mes débuts en 2005-06, est d’avoir été freiné par une pubalgie tenace qui m’aura valu une indisponibilité de quatre mois. Heureusement, j’ai pu rectifier le tir au cours de la deuxième partie de la saison. En définitive, j’aurai disputé 11 rencontres, dont 7 comme titulaire. Celle qui me revient immédiatement à l’esprit remonte au 22 février. Ce soir-là, le FC Brussels l’avait emporté par 1 à 0 face à Westerlo et j’avais inscrit de la tête le seul but de la partie.

Henrik : Kristoffer est incontestablement sur la bonne voie puisque tout porte à croire qu’il va faire mieux sur ce premier tour que sur l’ensemble de la saison passée. Même s’il est un peu dans le creux ces derniers temps, ce qui explique pourquoi il n’a pas été aligné contre Mouscron. En réalité, il a commencé sur les chapeaux de roue face à Mons, au match d’ouverture. Il a gardé un bon niveau pendant quelques semaines encore, livrant au passage une prestation des plus enviables au Standard. Après il a cherché son second souffle.

Kristoffer : Aux dires du coach, je subis le contrecoup d’une préparation éreintante. Par rapport aux anciens, qui parviennent à doser leurs efforts, les jeunes ont encore beaucoup à apprendre à ce niveau. C’est pourquoi nous avons souvent la langue bien pendante en fin de match (il rit). Mon père me répète que je dois faire preuve de plus de lucidité mais c’est plus fort que moi : quand je suis sur le terrain, il faut que je me dépense sans compter.

Un bon coup à jouer

Henrik : Le jeu du FC Brussels est très exigeant sur le plan physique. Albert Cartier réclame un engagement et une disponibilité de tous les instants. Ce n’est pas anormal, en ce sens que, par rapport à d’autres formations de l’élite, il doit composer avec un noyau qui ne regorge pas de grands talents. Contrairement à ce qui se passe à Anderlecht, où une demi-douzaine de joueurs sont capables individuellement de plier un match. Chapeau toutefois à l’entraîneur qui, malgré tout, parvient à se tirer d’affaire dans ces conditions. En forçant parfois la chance.

Kristoffer : On a entamé la saison avec un 10 sur 12. Ces chiffres ne constituaient bien sûr pas le reflet de la valeur intrinsèque de l’équipe. Il en était de même pour le 0 sur 12 réalisé par la suite (il grimace). Le FC Brussels se situe dans la bonne moyenne et son classement actuel en est le reflet. Nous pouvons espérer grimper encore de l’un ou l’autre échelons lorsque les joueurs les plus expérimentés, comme Alan Haydock ou Christ Bruno, seront revenus.

Henrik : Kristoffer a un bon coup à jouer cette saison. Par rapport à la saison passée, où Julien Gorius, Wery Sels et Kristof Snelders, faisaient figure de rivaux directs pour lui, cette concurrence s’est amenuisée. Deux de ces garçons sont partis l’été passé et le jeune Français a montré l’étendue de ses possibilités comme soutien d’attaque. Kristoffer est bien parti, mais j’aimerais le voir plus audacieux. La saison passée, il était quelquefois taraudé par la peur de mal faire. Cette année, il s’est déjà aguerri mais il ne cherche pas encore assez souvent le duel. Or, il en est capable. C’est une question de mental : à partir du moment où il s’est fait déposséder du ballon lors d’une confrontation directe, il hésite à remettre le couvert. Je ne prétends pas qu’il doit faire comme Cristiano Ronaldo, qui persévère jusqu’au moment où il a pris le meilleur sur son opposant direct, au point d’agacer tous ses partenaires, mais il doit être moins timoré.

Kristoffer : C’est vrai que je rechigne parfois à faire l’action par peur de me faire engueuler par le coach. Il insiste toujours pour qu’on ne perde pas le ballon inutilement. Mais un jour je me forcerai et je ferai la décision, c’est juré ( il rit).

BRUNO GOVERS

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