Retour dans le bain

Le buteur travaille dur pour marquer son temps mauve d’une empreinte indélébile.

Marquez vraiment  » pas de bol  » pour Nenad Jestrovic. Depuis son arrivée au Parc Astrid, au cours de l’été 2001, le puncheur serbo & monténégrin a payé un lourd tribut à la poisse. D’abord sous la forme de complications à la cheville, tourments dont il n’aura été délivré de manière définitive qu’à partir de l’automne 2002. Puis, suite à une déchirure des ligaments croisés du genou, subie lors du match aller du troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions, face au Wisla Cracovie, le 12 août passé.

 » C’est d’autant plus râlant que je me faisais une joie à l’idée de signer mes véritables débuts dans cette prestigieuse compétition « , dit-il.  » J’avais déjà eu l’occasion de faire connaissance avec cette épreuve durant ma première année ici. Mais mon temps de jeu avait été des plus limités : une petite demi-heure à peine devant le Lokomotiv Moscou, qui s’était imposé 1-5 dans nos installations, et une dizaine de minutes lors du match de clôture à l’AS Roma, où nous avions réussi à arracher le nul : 1-1. Pour moi, ces matches-là ne comptaient pas vraiment : le sort du club était scellé et je n’avais pas pu défendre correctement mes chances, puisque je relevais tout juste de blessure. A présent, c’était tout différent. Après un final endiablé en championnat, avec une deuxième place finale à la clé pour l’équipe et un titre de meilleur buteur actif en Belgique pour moi avec 28 goals, toutes compétitions confondues (20 en D1, 5 en CE et 3 en Coupe de Belgique), j’avais à c£ur de montrer mes aptitudes en Ligue des Champions. Un stupide accroc devant le dernier adversaire qui se dressait sur notre route en a cependant décidé autrement. La fatalité ? C’est possible. Mais je me demande aussi si la fatigue ne m’a pas joué un mauvais tour en la matière.

Il est curieux de constater que tous ceux qui ont dû faire des heures supplémentaires, en fin de saison passée, pour leur sélection nationale, se retrouvent sur le flanc actuellement. A l’image de Ki-Hyeon Seol, réquisitionné par la Corée du Sud en juin, ou encore de Goran Lovre et moi, appelés à défendre les intérêts de la Serbie & Monténégro au même moment. En lieu et place de quatre semaines de repos, notre coupure s’est limitée à une grosse vingtaine de jours. Par expérience, je sais que ce n’est pas suffisant pour recharger complètement les accus. Aussi avais-je demandé au staff quelques journées de repos supplémentaires pour tous ceux qui avaient des obligations avec leur équipe représentative. Mais cette demande avait été refusée, sous prétexte que le premier rendez-vous d’importance de la saison, contre le Rapid Bucarest, était déjà programmé fin juillet, soit 30 jours très exactement après le grand rassemblement des troupes. Avec deux semaines de fond et une semaine de préparation spécifique à un attaquant, j’aurais été tout autant performant et surtout plus frais dans la tête et les jambes.

A Metz, il en allait ainsi. La préparation commune n’y excédait pas une quinzaine de jours, après quoi tout était essentiellement fonction du profil des joueurs. On ne requiert pas la même chose d’un arrière, d’un demi ou d’un attaquant. Ici, ce compartimentage n’est manifestement pas encore entré dans les m£urs. A mes yeux, pourtant, il s’impose. Si les gardiens ont droit à une préparation étudiée, je ne vois pas pourquoi cette exception ne serait pas étendue aux autres secteurs. Jusqu’à preuve du contraire, on n’attend pas la même explosivité d’un milieu de terrain comme Walter Baseggio que d’un avant comme moi « .

Pas de précipitation

Six mois d’indisponibilité, synonymes tour à tour d’aquajogging, de vélo, de course à pied et, enfin, de contact avec le ballon, c’est le tarif habituel pour ceux qui souffrent du même mal que Nenad Jestrovic. Opéré le 21 août, il devrait donc renouer avec la compétition en février prochain. S’il est acquis qu’il accompagnera le noyau de Première lors du stage hivernal aux Canaries, Jestrogoal n’entend pas pour autant forcer les événements : il ne reprendra le collier que s’il ne ressent plus la moindre gêne tant il se méfie comme la peste d’une rechute.

 » Il y a deux ans, je m’étais laissé fléchir parce qu’on avait un urgent besoin de moi « , raconte-t-il.  » J’ai disputé à ce moment deux bribes de match en Ligue des Champions alors que j’avais très exactement vingt minutes de jeu dans les jambes contre Charleroi. Je n’étais manifestement pas prêt pour des rencontres d’une telle intensité et mal m’en a pris car j’ai finalement traîné mes ennuis tout au long de cette campagne 2001-2002. Je ne retomberai plus dans des travers semblables cette fois-ci, même si ma revalidation se déroule à merveille. Contrairement à Goran Lovre, qui a éprouvé quelques problèmes de locomotion (boitements) et de flexion du genou, j’ai très vite eu tous mes apaisements de ce côté. Je me suis rapidement déplacé tout à fait normalement, sans boiter, et il ne m’a pas fallu longtemps non plus avant de pouvoir ramener mon talon gauche sur la fesse. Au bout de trois mois, Aruna Dindane m’a d’ailleurs gentiment charrié en me priant de rallier le groupe au lieu de poursuivre mon rétablissement en solitaire en me disant : -Reviens, car j’ai trop de pression sur les épaules. Mais je ne suis pas pressé outre mesure. D’autant que l’équipe ne se débrouille pas mal du tout sans moi. Devant, il n’y a absolument rien à redire en tout cas car l’Ivoirien et Ivica Mornar sont on ne peut plus efficaces.

Moka joue à nouveau à son meilleur niveau. Je suis heureux pour lui car il a souffert en début de saison quand il a appris qu’il ne faisait pas partie des plans de bataille de l’entraîneur. Depuis, il a largement prouvé qu’il méritait une tout autre considération. Quant à Aruna, il a incontestablement pris une nouvelle dimension. Auparavant, il m’arrivait quelquefois de pester lorsqu’il la jouait perso ou que sa dernière passe ne parvenait pas à destination. Depuis le second tour, la saison passée, il s’est complètement métamorphosé. Sans doute s’est-il à présent débarrassé une fois pour toutes de ses £illères. Avec Ki-Hyeon Seol et lui, le RSCA dispose aussi bien à gauche qu’à droite de deux pourvoyeurs idéaux. J’avais pleinement profité de la qualité des centres du premier contre les Girondins Bordeaux et le Panathinaïkos en 2002-2003. Et l’autre m’avait permis de faire flèche de tout bois en championnat dans le même temps.

Il tombe sous le sens que l’équipe n’aurait pas fait mieux avec moi en championnat. Sans quoi elle comptabiliserait le maximum des points aujourd’hui. Mais je regrette de ne pas avoir pu apporter mon petit écot en Ligue des Champions. Dans mon imagination, avec moi dans ses rangs, Anderlecht aurait l’un ou l’autre points de plus, c’est sûr : l’occase de Pär Zetterberg en fin de match, à Lyon, je la mets au fond. Et en pensées, face au Bayern, je plante une autre rose aussi, c’est certain. Mais ce qui me fait mal, par-dessus tout, c’est le non-match au Celtic. Avant cette rencontre, j’avais encore envoyé un SMS à Ivica en lui disant qu’il fallait absolument que tout le monde mette le pied à Parkhead. Malheureusement, personne ne l’a fait. Ou trop peu. Désolé, mais si on veut réellement faire illusion devant des joueurs britanniques, il convient de leur rentrer dans le lard. Sinon, c’est perdu d’avance. J’avoue qu’il m’aurait plu d’être de la partie là-bas. Des matches qui se jouent sur le physique, voire l’intimidation, j’aime ça. J’encaisse peut-être des coups, mais j’en donne aussi. Et entre les deux, j’essaie de marquer (il rit) « .

Près d’un but par match

Ce qu’il fait plutôt bien : 43 buts en 58 parties à dater de son arrivée en Belgique, à Mouscron plus précisément, à l’intersaison 2000 : avec une moyenne de près de 0,75 % par match, personne n’arrive dans la même sphère que lui. Sans compter que le pourcentage frise carrément l’unité lorsqu’on tient en ligne de compte le temps de jeu effectif. Dans ces conditions, on comprend que la direction anderlechtoise lui ait proposé, en pleine période de convalescence, de rempiler.

 » J’ai marqué mon accord pour un nouveau bail jusqu’au 30 juin 2007 « , précise Nenad Jestrovic  » Le dossier sera finalisé dès que j’aurai apporté, sur le terrain, la preuve de mon rétablissement. Je ne cache pas que j’ai hautement apprécié l’attitude du club qui a pris les devants dans un contexte très particulier. Et ce, sans que mes déboires n’aient une quelconque influence sur les données chiffrées du contrat. Je suis extrêmement flatté. Mais par les temps qui courent, il est important de pouvoir conserver des éléments déterminants. Et, sans me pousser du col, je pense tout de même pouvoir dire que je fais partie de ceux-là. Car un buteur, c’est une denrée rare, malgré tout. J’ai cru comprendre que dans la très longue histoire du club, les succès ont toujours porté la griffe, ici, de grands attaquants comme Jef Mermans, Paul Van Himst et autres Jan Mulder. Mon ambition est de bien mériter du Sporting, moi aussi, en me montrant un digne héritier de ces figures légendaires. Anderlecht, pour moi, c’est le top. Et je veux m’inscrire dans la durée au Parc Astrid. Jusqu’ici, dans ma carrière, je n’ai jamais été qu’un passant à l’OFK Belgrade d’abord, puis Bastia, Metz et Mouscron. Par la force des choses, je n’y ai pas laissé de traces. Ici, j’espère franchement pouvoir marquer mon séjour d’une empreinte indélébile. Mais je suis encore loin du compte : je n’ai encore rien gagné. Je me console toutefois en me disant qu’à 27 ans, mes plus belles années sont encore devant moi. J’aspire à une première récolte cette saison : le titre et la Coupe de Belgique. Une 27e consécration nationale, c’est tout simplement un must après deux années de disette marquées par les succès de Genk et de Bruges. Et un doublé serait encore mieux. La dernière victoire de l’équipe, au stade Roi Baudouin, remonte en 1993-94 face au Club Brugeois. Ce serait magnifique si dans ce club où l’on aime la symbolique des chiffres, on fasse une nouvelle fois d’une pierre deux coups, dix ans après. Et je me fais fort d’y contribuer dès que j’aurai effectué mon retour sur la pelouse « .

 » J’aime jouer physique, à l’intimidation. J’encaisse des coups mais j’en donne. Et j’essaie de marquer « 

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